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Photo du rédacteurFedia Berrima

Le feu sur moi

Écrire une microfiction en intégrant dans l’ordre que vous souhaitez “blessure”, “lumière” et “pamplemousse” (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)


Je m’appelle Catherine, j’ai trente-deux ans et je suis chercheuse à l’université. En 2008, je suis partie au Pakistan en collaboration avec une association humanitaire qui s’appelle ‘’Sauver les enfants du monde’’, dans le cadre d’une étude sur les enfants maltraités dans les différentes régions du monde. Après des semaines d’investigations et d’entretiens sur le terrain de ma recherche, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille, âgée de seize ans, dans un hôpital pakistanais, secteur des brûlures de troisième degré. Elle a accepté de me raconter son récit de vie à condition de veiller à cacher son identité afin de ne pas encourir de dangers. Lors de l’entretien avec cette adolescente que je nomme ‘’Karima’’, j’étais accompagnée par une amie pakistanaise qui sait parler l’anglais et qui me servait de traductrice.


Moi : Bonjour, ‘’Karima’’, j’espère que vous allez bien.

Karima : Dschii haan (qui signifie oui en Ourdou, la langue officielle au Pakistan)

Moi : Merci d’accepter de me recevoir malgré votre fatigue. Je me présente : je suis une chercheuse, et je suis venue ici pour enquêter sur la condition des enfants oppressés dans le monde. Pourriez-vous me raconter pourquoi vous êtes brûlée et qu’est-ce qui vous a mené ici ?

Karima : (toux) J’ai été brûlée par mon frère aîné, il a versé du pétrole sur ma tête et a jeté une allumette de sorte que le feu a dévoré le haut de mon corps. J’ai senti le feu m’arracher la peau et j’ai couru comme une folle dans la rue jusqu’à ce que deux femmes aient pitié de moi et aient jeté les seaux d’eau, qu’elles venaient de remplir de la fontaine, sur moi. L’eau était brûlante …Le feu était brûlant …..Ma chair était brûlante. La douleur était insupportable. Je ne cessais pas de hurler au point que je m’évanouissais. À l’hôpital, la lumière intense de la chambre m’a réveillée, j’étais sur un lit blanc et j’étais entourée par des murs blancs et des rideaux blancs. Tout était blanc, sauf ma peau, qui était noire tel du charbon.

Moi : Je comprends, c’est douloureux ce que vous avez vécu. Mais, quelle était la raison de la conduite de votre frère ?

Karima : … Ma famille s’est aperçue de mon ventre qui grossissait. J’étais dans le 5ème mois. Mon habit collait sur mon ventre et il devenait peu croyable que je ne sois pas enceinte. Étant donné que tomber enceinte hors du mariage était interdit dans notre culture, ma famille jugeait que je devrais mourir avant que je ne lui fasse honte dans le village. Et mon frère a été élu pour m’exécuter.

Moi : C’est inimaginable. Votre famille vous condamne à mort car vous êtes tombée amoureuse de quelqu’un ?

Karima : (toux) Je sais qu’un fait pareil semble inconcevable dans la culture occidentale mais dans mon village, il se passe ainsi. Faire une relation extraconjugale signifie la mort. Ça s’appelle ‘’Zina’’ qui est violemment interdit. Ma famille a honte de moi et risque de m’expulser du village à cause de mon péché. Elle m’en veut. Me voilà brûlée et complètement paralysée ne lui suffit pas. Elle veut ma mort afin de se racheter aux yeux des villageois.

Moi : Votre frère risque donc la prison puisqu’il a commis un crime.

Karima : Cela est impossible. Mon affaire est classée dans la catégorie des ‘’crimes d’honneur’’. Le frère qui exécute sa sœur pour ‘’laver l’honneur de la famille’’ est considéré comme un héros. Le juge ne peut pas le mettre en prison sinon il sera perçu comme fautif devant tout le monde.

Moi : Je suis triste de connaître tout cela. Toutefois, je ne resterai pas les bras croisés et je vais demander à l’association ‘’Sauver les enfants du monde'' de vous aider, au moins,de vous soigner les cicatrices et cette blessure affreuse sur votre œil gauche. Vu votre âge, vous êtes encore mineure et elle peut bien vous sauver. Qu’en dites-vous, Karima ?

Karima : Schukria, (qui signifie merci)


Sauver ‘’Karima’’ était une mission difficile mais finalement, on a réussi à la faire voyager en avion pour poursuivre ses traitements en Suisse et bénéficier des opérations chirurgicales d’ordre esthétiques. Après des mois, ‘’Karima’’ a repris sa santé physique ainsi que mentale. Son visage démoli par les brûlures est raccommodé tandis que ses joues gardent une couleur de pamplemousse, c’est comme s’ils conservaient le souvenir atroce du feu qui a bouleversé sa vie.

Je pense qu’il est de mon devoir de continuer à voyager à travers le monde afin de sauver le maximum de victimes. J’entends leurs voix dans mes rêves. Elles m’appellent, elles me crient « Au secours ! »

« J’arrive ! »


Septembre 2013


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