Réécrire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena Mikhaïlova)
L’eau est plutôt claire aujourd’hui. Peut-être plus qu’hier. Elle est légèrement trop chaude. Plus qu’hier. Nous avançons dans la saison.
Je navigue entre des morceaux sombres immobiles emprisonnés dans la vase. Doux limon source de vie. Bouillonnement dynamique d’êtres dont je ressens les vibrations.
Je gobe. Par-ci, par-là. Puis je repère une proie, un peu plus grosse, un peu plus haute que ma zone habituelle. Je me jette dessus, le ventre réclamant subsistance. Je tire, je tire. Et je tire encore.
Je suis soulevé et dans les airs maintenant. Quelque chose d’accroché dans ma gorge. On me manipule, on me pèse, on me mesure. Les couleurs sont plus claires et je devine le haut du bas. Je me meus comme je peux, c’est-à-dire difficilement. Je ne bouge pas pourtant je me déplace.
Me revoici de nouveau dans l’eau. Mon eau, mon habitat. Je ne comprends pas tellement ce qu’il s’est passé. Mais je me limite à ma vase maintenant. Pour plus de sûreté, je pars à l’opposé de ce cirque. Quel qu’il fût.
L’eau est bonne aujourd’hui. Plus qu’hier. Même si je sens que ma peau, certaines zones, la ressentent différemment. Je ne sais pas comment le décrire. Je la sens plus vive. Elle me fait mal, c’est plus que du simple inconfort.
L’eau… est très chaude, alors je me suis réfugié au plus bas de mon point d’eau. Ma peau me fait très mal, elle me démange atrocement. J’ai envie de l’enlever, de voir ce qui m’arrive. Mais je ne peux rien y faire. J’étouffe dans un environnement qui m’est familier. J’étouffe comme la fois où j’étais impuissant. Je rejoins la vase qui m’apaise un temps. Puis, en fermant les yeux pour toujours, je m’en vais l’alimenter, de mes restes.
Un bruit me fait revenir à moi. Une sonnette de vélo, au loin. J’ai chaud, une légère brise vient me caresser la nuque. La vie reprend sa danse bruyante dans le grand parc. Je regarde l’éclat brillant qui s’étale sur mes cuisses. Mon carnet ouvert à une page. Blanche. Elle profite du soleil elle aussi. Malgré le planning, malgré le temps qui avance inexorablement, malgré les idées, elle reste blanche. Comme hier. Elle ne sera pas noircie. Enfin peut-être pas aujourd’hui. Elle ne sera pas déchirée, puis jetée. Non, pas aujourd’hui. Je referme le carnet de notes, mon carnet d’écriture, je referme le tumulte silencieux et pour l’instant invisible, et je soupire.
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