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Photo du rédacteurEsther Schneider

Le Lac des Âmes Sœurs (1/3)

Dernière mise à jour : 21 mars 2022


Coincée dans le trafic avec le van d’Anthea, Læria se concentre. C’est dur de résister à la tentation… Pourtant, elle sait que son amie n’aime pas qu’elle fasse preuve d’une telle impatience. « C’est mon van, ici. Interdit de klaxonner dans les bouchons ! », l’entend-elle presque la rappeler à l’ordre. Un sourire finit par se dessiner sur ses lèvres : quel petit bout de femme, quand même, cette Anthea… mais pour rien au monde elle ne voudrait la remplacer.

Elle est et restera à tout jamais sa plus belle rencontre. Depuis que le destin lui a permis de croiser sa route, Læria a été bénie par cette relation qui n’a cessé d’apporter joie et force dans sa vie monotone. Comment ne pas être reconnaissante d’avoir une personne aussi dévouée et loyale comme amie ? Quand tous les autres la lâchaient, cette femme est la seule à être restée à ses côtés. À s’être montrée motivante, dans les pleurs comme dans la joie. À l’avoir soutenue, envers et contre tous. La seule à ne jamais avoir perdu foi en elle, à tout de suite rêver grand pour elle, alors que Læria en était elle-même incapable. Il était donc naturel qu’elle voie Anthea comme une aubaine, mais elle regrettait profondément de ne jamais réussir à lui rendre la pareille...

Son vœu s’est exaucé un soir, quand Anthea a sonné chez elle. Le souvenir de son visage terrorisé et baigné de larmes lui tord encore le ventre de douleurs, tellement elle a eu mal. Puis, leurs yeux se sont croisés, et c’était terminé ; elle savait sans savoir. Ce soir-là, bien qu’Anthea se soit libérée d’un amour toxique, à jamais elle a été brisée. Les menaces avaient valsé à travers tout leur appartement ; dans un tumulte de cris et de larmes ; frappant tour à tour sa tête, son cœur, son âme. L’instinct de survie guidant sa fuite, elle avait réussi à semer l’homme. Mais, à peine arrivée chez Læria, des milliers de SMS ne lui criaient qu’une chose :

« Où que vous soyez, je vous retrouverai.

Toi et le bébé. »

Ces sombres mots ont ainsi cogné, des heures durant, contre l’habitacle de la voiture. L’écho accompagnait les larmes des deux femmes, lorsque leur promesse de ne plus faire confiance à personne est née.


*


Tout sourire, Anthea sort de la pâtisserie ; dans ses mains, le magnifique gâteau qu’Emma a commandé. Elle entame sa marche d’un pas tranquille, fredonnant un air empreint de joie et de jovialité. Elle est pressée d’arriver, mais surtout de voir l’émerveillement sur le visage de sa fille. Des semaines qu’elle rêve de son anniversaire ; qu’elle les bassine, elle et Læria, avec les cadeaux, les copines et les décos qu’elle réclame pour le jour J… Anthea se souvient que, elle aussi, était dans le même état quand la date fatidique approchait. Alors, pour ne plus la faire languir, elle décide de couper par le parc du centre-ville.

C’est marrant… Sur le moment, les gens comme Anthea se félicitent toujours d’avoir eu une idée aussi géniale. Ils n’ont pas tous les indices ; ils s’imaginent profiter tranquillement, gratuitement, sans se soucier d’un possible retour de flamme qu’on écrit avec un K. Oui, comme c’est marrant ! Ce ciel qui se voile, ce sourire qui tombe, cette boule au ventre qui se forme… Cette soudaine envie de recracher ses tripes.

Là-bas. Le long du sentier. La tête aux cheveux enflammés. Pas tout près, mais pas très loin. Il est là. Il la fixe. Il sourit. C’est vraiment lui ? Qu’est-ce qu’il lui veut ? Il l’a reconnue ? Depuis quand il est là ? Il l’espionne ? Il va la poursuivre ? Comment il l’a retrouvée ? Où est Emma ? Leur Emma ? Non ! Son Emma !

La respiration saccade. La sueur coule. Le cœur s’emballe. Se contracte violemment. Plusieurs fois. Elle frissonne. Elle tremble. Elle a peur. Elle a mal. Tout tourne. Sa tête appelle à l’aide. Sa voix se tait. Sa bouche s’ouvre. Ses poumons ? Clos. Puis le vertige. Sévère. Elle tombe, elle tombe…

Personne pour la rattraper. Sauf ses mains. Couvertes de cailloux noirs. De peinture blanche. Au loin, un son. Étouffé. Noyé. Plus près. Encore. Un son long. Assourdissant. Terrifiant. Grinçant. Crissant. C’est fatiguant.

*

Plus tard, c’est le silence ; le noir complet. Une douce chaleur lui caresse la main, tendrement. Elle veut retourner la pareille mais n’est pas aux commandes. Son cœur repart de plus belle, puis ses oreilles la laissent entendre la voix qu’elle voulait. C’est sa sécurité.





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