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Photo du rédacteurIsabelle Péré-Fam

Bus 20

Sept heures passées de trois minutes. C’est bientôt l’été et ça se ressent. Il ne fait pas encore chaud, il est trop tôt, mais ça ne saurait tarder. La canicule est exceptionnelle pour un mois de juin.


Le bus appartient aux travailleurs·ses. Celles et ceux qui se lèvent tôt pour un job alimentaire, et même pas bien payé. Ces personnes sont trop courageuses, trop altruistes. Elles n’ont surtout pas le choix. Que pensent-elles des millionnaires qui gagnent leur salaire mensuel en une heure, voire moins ?


Elle entre, ferme son poing et le tape affectueusement sur son poing à lui, à elle, à elle, à lui. Tou·te·s sourient. Respect, bienveillance et gentillesse sont de mise ; leurs patron·ne·s se comportent-iels également de la sorte ?


Les pubs qui défilent dans la rue paraissent si loin d’elles et eux, de leurs préoccupations. Tel parfum de luxe. Telle nouvelle appli de rencontres à la mode. Telle voiture électrique pour la modique somme de deux-cent euros par mois. La dame près de la fenêtre parle de ses séances de conduite.

Les sourires sont sincères ; le cœur l’est tout autant.


Ainsi défile leur vie : travailler en grande surface ou à l’usine. On ne leur demande pas d’être originales·aux, on ne leur demande pas de faire preuve de créativité. On leur demande d’être des machines précises et cadencées. Personne ne fait ces métiers par passion. Mais ils seraient nécessaires, apparemment.


Alors iels s’oublient. Iels font ce qu’on leur demande, se courbent sous les critiques et se plient aux requêtes des client·e·s.


J’aimerais leur dire qu’il n’est pas trop tard pour tout lâcher, vivre leurs rêves tant qu’iels le peuvent et avant de mourir. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. J’observe et je m’agrippe de toutes mes forces à mon bonheur. Celui-ci ne me quittera plus, je me le suis promis. Je ne le céderai jamais contre quelques billets.


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