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Photo du rédacteurKama Datsiottié

Cendres et poussières

Dernière mise à jour : 29 mars 2022

Atelier slam : composer un texte ayant pour thème chair et haine avec des mots au choix.


Blessé dans la chair

De ma chair

Je suis un homme tombé

Au combat

Le visage défiguré

Des cicatrices

Plein les bras

À fleur de peau

Ou à couteaux tirés

Le sourire dessiné

À la craie

Sur le fil du rasoir

Le nœud pap

En guise de corde

Ou bien suis-je

Une bouteille de gaz

Prête à exploser

Comprenez bien

Que je suis mal dans ma peau

Je suis un écorché

Les nerfs à vif

À me battre contre moi-même

Dans un combat perdu d’avance

Devant ma vie

Ma mère se désespère

C’est que je dois sans doute

Être par trop

Désespéré

Mélancolique

Et une cause perdue

Je suis bon à enfermer

Comme Antonin Artaud

À me passer la camisole de force

Pour me soigner à grands renforts

D’électrochocs

J’ai des pulsions parfois

Des envies de meurtre

De tuer le père

Régler mes comptes avec

Mon géniteur

Puisqu’un jour

Il le faudra bien

Ou bien

Sans doute

Me tuer moi-même

Me mettre hors-la-vie

Pour plus souffrir

Dans la chair de ma chair

Dans mes entrailles béantes

Mes yeux sont asséchés de larmes

Le mascara coule

Sous les paupières

Et les cicatrices à mes bras

S’ouvrent béantes

Pour m’attirer au fond d’un gouffre

Je me perds

Dans l’alcool

À toucher le fond

Parmi mes semblables

Les paumés

Dans les bas-fonds

Les marginaux assoiffés

Défilent dans ma maison

Ainsi que les filles de joie

Mais aucun corps chaud

Ne me réchauffera

Aucune chaleur humaine

Aucun amour

Aucun je t’aime

Je dois sans doute avoir une araignée noire

Au plafond

À tisser sa toile

Dans laquelle je m’empêtre

À chaque jour que Dieu fait

Et que mon soûl défait

Jusqu’au lendemain

Avec d’horribles visions

Des migraines atroces

Et sans nom

La tristesse est pour moi une consolation

Ça veut dire entre autres que je suis vivant

Mais pourtant

Je n’arrive plus à trouver la paix

Je n’arrive plus à fermer les yeux

Sans faire de cauchemars

L’insomnie me gagne

Et la déchéance gagne sur moi

C’est un cercle vicieux

Un serpent de feu

Qui se mord la queue

De même

Ma mâchoire veut mordre

Dans la viande tendre

De cette main

Que tu me tends

Tu veux me venir en aide

Me sauver

Me relever de la rue

Mais pour quoi faire ?

Je suis mon propre prédateur

Mon principal ennemi

Et je vise l’autodestruction

À petit feu

À doses de lendemains

À la gueule de bois

Qui déchantent

À me tordre de douleur

Par terre

Devant la cuvette des chiottes

À dormir dans mon propre vomi

Et à nettoyer chaque jour

Les traces de mon inaptitude

De mon inconséquence

Et sans doute même

De ma Folie

Mais c’est ainsi

Je ne peux pas lutter contre ça

Je dois m’efforcer de ressembler

À ce reflet qui me fait face

Devant la glace

Et que tu as toujours vu en moi

Un fantôme de tristesse

Ou bien encore

Un clown triste

Qui me fait la grimace

Et qui hurle profondément

En trouant le silence obscur de la Nuit

Comme le cri de Munch

Bas les masques !

Je ne suis pas une bonne personne

Je suis un être fragile

Égoïste

Abject et froid

Pars pendant qu’il en est encore temps !

Ou sinon je ne réponds plus de rien

Tu pourrais même alourdir

La liste des dommages collatéraux

Puisque je veux entraîner dans ma chute

Un maximum d’innocents

Pour me rendre le rire encore plus cruel

La Folie plus acceptable

On retrouverait ton cadavre

Un beau jour

Au fond d’un jardin

Dans un fossé

Ou bien dans une cave

Enterré

Et à moitié nu

Au fond je suis un chien fou

La mâchoire carrée

Et les crocs en avant

Prêt à mordre

À croquer dans cette chienne de vie

À déchiqueter cet enfant que tu me tends

Et dont tu prétends que je suis le père

Mais je n’ai ni père ni mère

Je les ai moi-même étranglés de mes propres mains

Afin de me tuer moi-même

Tuer le mal à la racine

Ne pas laisser la Pieuvre géante planter

Ses tentacules sombres en moi

Non décidément

Rien

Ne pourra me sauver

Je suis irrécupérable

Je peux crever la bouche ouverte

Me noyer dans ma mélancolie

Ou bien dans l’alcool

Plus personne ne s’en souciera

J’ai fait le vide autour de moi

À jouer au Caïd

Que je ne suis pas

Mais au fond j’ai faim

J’ai soif de vivre

J’ai peur

Peur du noir

Peur de la Mort

Peur de ce qu’il y a après

Et de découvrir qu’en fait

Après

Il n’y a plus rien

Plus rien d’autre

Que la lumière qui s’éteint

Et que tout s’efface à rebours

Le petit fil de ma vie merdique

Sans ambition

Sans joie aucune

Sans amour et sans regret

Jusqu’à remonter à Mes souvenirs d’enfant

Quand tout allait encore plus ou moins bien

Avant le drame familial

Je peux donc aller la conscience tranquille

Mes pulsions me dévorent de l’intérieur

J’imagine déjà les flammes

Jaillir de moi

Déchirer la Nuit

Comme dans un feu de joie

Et vous danserez tous bien en rond

Tout autour de moi

Je retournerai alors à la matière

Le cœur et l’esprit enfin apaisés

Cendres et poussières…


XK (Limoges, le 19.11.21)

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