Je reste silencieuse quand, petit à petit, je me rends compte que je crache mon venin sur un comportement que moi-même j’adopte. Ça ne me plaît pas vraiment, mais si je dois en passer par là pour le ramener à la raison... Alors ainsi soit-il.
– Zak, s’il te plaît ! Mes parents n’ont jamais affronté un seul obstacle ensemble et je... J’ai trop souvent vu ma mère en souffrir. Regarde où ça l’a menée...
La corde sensible fonctionne parfaitement ; de son côté comme du mien, d’ailleurs. Il tente de répondre, mais aussi difficile que ça l’est pour moi, je l’en empêche.
– Tu sais que mon père peut encore se rattraper, mais c’est fini pour elle... C’est pour ça que quand elle est morte, je me suis jurée de faire en sorte que jamais ça ne m’arrive. Pour elle.
Mes propres mots me transpercent le cœur, et je m’aperçois alors que ça fait une éternité que je n’ai pas parlé de ma mère.
– Mais si tu te bats contre toi-même... Dis-moi, comment suis-je censée tenir ma promesse ?
– Ce n’est pas ce que je voulais, je t’assure... Mais je ne peux me résoudre à croire que ta souffrance puisse être égale à la mienne...
– Il faut que tu te pardonnes d’abord, déclaré-je d’une voix douce. Tu t’en veux encore pour ce qu’il se passe, c’est normal. Je réagirais exactement comme toi si les rôles étaient inversés...
– Ça fait mal, Nev, tellement mal...
– Je sais... Mais ça prend du temps.
D’elle-même, ma main quitte le rebord de la piscine et se faufile vers sa jumelle masculine, posée sur la cuisse de mon petit ami. L’autre l’imite et elles y exercent, ensemble, une douce pression. Au contact de nos mains, la différence radicale de nos deux températures me fait soudainement prendre conscience que Zak est peut-être là depuis des heures.
– Ça sera dur, mais on passera outre...
– Ensemble, complète-t-il ma phrase.
Je le gratifie de mon plus beau sourire, heureuse qu’il ait enfin compris. Un énorme frisson parcourt mon corps au moment où il me le rend ; je suis persuadée qu’il l’a aussi ressenti. Il rompt l’étreinte de nos mains et retire une manche de son sweat, puis l’autre ; jusqu’à ce que le vêtement finisse par carrément s’enlever de son torse. Je suis tiraillée entre me jeter sur lui ou l’engueuler pour lui faire renfiler le sweat... que je viens de recevoir en pleine tronche.
– Mets ça. Tu vas attraper froid.
– T’es là depuis combien de temps ? l’ignoré-je.
– 10 minutes, commence-t-il en me fixant, avant que tempête Nevaeh ne débarque et me ruine mon paquet de cigarettes !
Les éclairs que lancent ses yeux se veulent menaçants, mais je sais que ce n’est qu’une façade et qu’il fait semblant de me sermonner.
– Neuf, insiste-t-il sans pour autant attendre de réponse. Maintenant enfile-moi ce sweat avant que je le fasse moi-même !
Je rigole, une idée derrière la tête, avant de me relever. Je croise son regard et je comprends vite qu’il a deviné mes intentions. Bon sang, il me connaît trop bien ! Ni une, ni deux : il fonce sur moi tellement vite que je n’ai même pas le temps de faire un seul pas. D’une main, il m’attrape par la taille et me passe le sweat de l’autre, sous mon rire devenu incontrôlable.
Je réussis à m’échapper avant qu’il ne m’enfile les manches. Ayant retrouvé mon immature gaieté, je tourne plusieurs fois sur moi-même afin de faire voler les manches dans les airs. J’ai officiellement réussi ma mission quand Zak finit par craquer et que son rire retentit jusqu’à mes oreilles. J’arrête de faire l’imbécile et mets correctement son sweat avant de sourire, heureuse. Ça fait vraiment du bien d’entendre son rire après avoir essuyé ses larmes...
Je l’invite à me rejoindre en lui tendant la main, qu’il s’empresse d’attraper avant d’y déposer un baiser. Nous rentrons à l’intérieur de la maison et remontons à l’étage. Zak entre le premier dans la chambre et, comme il n’a pas lâché une seule fois ma main, je le retiens alors qu’il s’apprête à s’affaler sur le lit.
– Qu’est-ce qu’il y a, princesse ?
– Danse avec moi, exigé-je.
Je l’entends rire légèrement et sens ses mains se poser sur le bas de mon dos. Je suis donc son geste et enroule amoureusement mes bras autour de sa nuque. J’attendais ça depuis tellement longtemps... Un moment paisible, sans dispute, sans tierce personne... Rien que lui et moi.
– Tu me donnes l’exemple parfait de ce que je disais tout à l’heure...
– Quand tu as dit que j’étais un « sacré personnage » ?
– Oui. Il n’y a que toi pour vouloir danser avec moi, à quatre heures du matin !
Ses yeux noisette et le sourire que j’entends dans ses paroles m’hypnotisent. Il guide les moindres battements de mon cœur, et j’adore ça. Je suis littéralement amoureuse de chacun de ses défauts, qualités ou comportements. Alors pour lui montrer ma gratitude, je caresse tendrement sa joue avec mon pouce.
– Mais c’est pour ça que je suis tombé amoureux de toi, Nev.
Je souris avec sincérité, me hisse sur la pointe des pieds et pose tendrement mes lèvres sur les siennes. Quand je mets fin au baiser, ma bouche contre son oreille, je lui chuchote :
– Je sais que tu n’as pas la force de le faire maintenant, mais moi, je te pardonne.
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