Limoges, le 16 novembre 2021
Ma Chérie,
Alors ça y est comme ça les mots sont lâchés en pleine nature. Ils galopent désormais dans la prairie à bride abattue. Tu veux te sentir pleinement femme et passer au stade supérieur. Tu veux un enfant de moi, que ma sève de vie fasse gonfler ton ventre comme un ballon de baudruche. À-t’en craqueler la peau. Tristes vergetures pires que les rides qui nous défigurent. Le soleil fera aussi germer cette toute petite graine que tu souhaites que je sème en toi. Pourtant mon Cœur comme je te l’ai dit l’autre soir je m’y refuse. Je suis père par trois fois déjà et je ne souhaite pas en faire un élevage. Mes paternités m’ont causé plus de tort que de joie. Ce n’est pas que je n’aime pas mes enfants vois-tu. C’est seulement que je les vois de moins en moins, et que ma petite dernière de quatre ans, je ne l’ai quasiment jamais vue. Où est donc partie sa mère ? Sans doute est-elle dans les bras d’un autre homme à l’heure où je t’écris cette lettre. Elle m’a vu comme un simple géniteur, une semence fertile qu’il faut garder en soi précieusement tout en faisant le poirier, les jambes en l’air appuyées contre le mur. Homme brun aux yeux verts, pour, ô joies de la génétique, faire un enfant aux yeux bleus ! Une bête histoire de génome dominant... Ce n’était pas gagné pourtant ! Mon ex était métissée, cheveux bruns, frisés et crépus, peau couleur café et yeux de biche marron foncé. La peau douce comme de la soie, et les lèvres sucrées. Mais que de douleur, que de mots faux à l’intérieur de sa bouche. La veille au soir j’étais encore son Amore mio, le lendemain je n’étais plus qu’un moins que rien, un paumé, un zéro. Ciao basta ! Alors quoi ? C’est donc cela être femme ? Être mère ? La cruauté poussée à son paroxysme ? Jouer à l’Amazone et prendre l’homme en chasse pour lui ravir ce qu’il a de plus précieux, puis une fois le méfait accompli, le relâcher en pleine nature, totalement perdu et abasourdi ? C’est comme si on m’enlevait une partie de moi-même à chaque fois. Je ne veux plus souffrir. J’ai trois enfants déjà. Le prochain emportera avec lui mon cœur, ou plutôt ce qu’il en reste. Je t’aime mais je n’aime pas cette idée nouvelle que tu as : avoir un enfant de moi ! Mais quelle idée ! Je ne suis rien sans toi, je n’ai pas de consistance physique propre, tu étais mon yin et j’étais ton yang et ainsi nous nous complétions naturellement dans un équilibre somme toute précaire. Seulement l’horloge biologique a parlé. Tu approches de la quarantaine et tous les sacrifices que tu as endurés pour moi jusque-là, tu ne voudrais pas qu’ils soient vains, et que tu aies fait tout ça pour rien… Comme je te comprends. J’aurais fait exactement la même chose à ta place. Mais ce que tu me demandes est trop pour moi, ça me dépasse complètement. C’est un trop lourd tribut à payer. Je ne m’en relèverais pas c’est sûr, si jamais nous devions comme tu l’espères concevoir un enfant, et si jamais tu devais partir, comme l’ont fait toutes les autres avant toi. Puisque les femmes partent toujours un jour en nous laissant tout seul le cœur vide et le vague à l’âme. Si je te cède ce serait uniquement pour te faire plaisir, te renvoyer l’ascenseur comme on dit. Je ne suis même pas sûr de pouvoir l’aimer. Déjà, t’aimer en soi m’a demandé un terrible effort. Je pensais mon cœur de pierre et froid comme du marbre. Il a fallu que tu t’armes de patience ! Sans doute te dis-tu que tu réussiras une fois de plus à me faire changer d’avis. Le calcul n’est pas faux en vérité. Et même si aujourd’hui je freine des quatre fers, je n’ai jamais dédaigné avec toi les parties de jambes en l’air. Bien au contraire ! Alors tu pourras sans doute toi aussi arrêter la pilule sans me le dire et me faire un bébé dans le dos. Oui sans doute, bien que tu prétendes que tu ne me feras jamais souffrir comme les autres m’ont fait souffrir avant toi. Et je te croirais sans doute. Sauf qu’elles disent toutes ça. Et il m’est difficile désormais de dénouer le faux du vrai. J’espère que tu comprendras…
(Ton P’tit Loup qui pense à toi…)
Nantes
Le 21/11/21
Mon Amour,
Encore un week-end lovée dans tes bras, je crois bien que je ne m’en lasserai pas. Tu vois, on peut encore avoir de très bons moments ensemble. Nous ne sommes pas à la fin de notre histoire, je le sens au plus profond de moi. Même si toi tu sembles en douter. D’ailleurs c’est ta fragilité qui m’a fait t’aimer. Je crois que si cela n’avait pas été le cas, je serais passée à un autre. Tes failles, tes douleurs, tes interrogations, tes peines, toutes ces imperfections, c’est ce que j’aime en toi ! Plus que toi au fond. Je crois. Ce n’est pas ton corps que j’aime, c’est ton âme imparfaite, c’est bel et bien elle qui me fait de l’effet. Tu me parles dans ta lettre de ton ex, là encore quelle maladresse, et comme je te l’ai brièvement expliqué ce week-end, cela fait partie de ton chemin de vie, ce passé te construit bon gré mal gré. Moi aussi j’ai bien des casseroles. Chaque relation ne m’a pas laissée indemne. Elles font partie intégrante de nous. Nous apprenons de nos échecs, pour donner toujours le meilleur de nous-mêmes. N’en doute pas. Je serai toujours à tes côtés, ce genre de promesse-là, je préférerais mille fois me couper la langue, un bras ou bien me donner la mort plutôt que de la trahir. Te trahir toi ! Tu es d’ailleurs la seule personne à qui j’en fais une de telle sorte, pour te dire à quel point je te tiens en haute estime.
Comme nous avons ri, comme nous avons bu aussi, et comme nous avons soumis nos deux corps haletants à l’étreinte animale de l’amour ! Au point aujourd’hui d’en être encore fourbue. Mais mon Amour, c’est si bon, ce genre de courbatures-là, ça me fait sentir pleinement en vie. Et je sens encore le feu brûlant que tu as allumé en moi. C’est un grand incendie qui se répand désormais sur les prairies d’herbes sèches. Pour éteindre tout cela les grands Canadairs n’y suffiront pas… Pour te dire à quel point la passion nous a dépassés. Je veux bien en être la cause ou la raison, je m’en fous. Si je dois être l’incendiaire de service je balancerai de bon gré les cocktails Molotov tout autour de moi, une capuche sur la tête, et un foulard sur la bouche ; si c’est pour te garder à mes côtés. Je prendrai les armes de la foi et je m’en irai faire la guerre sacrée pour défendre mon pays. Puisque mon Loup, tu es mon seul pays, mon unique horizon ! Je ferai alors ma propre Intifada ! Je me ferai louve, je me ferai chienne ! Les dents plantées en avant, prête à mordre ! La mâchoire carrée et serrée du pitbull. Je défie alors quiconque s’approchera de toi, je lui arracherai la langue, je lui passerai l’envie et lui referai le portrait en conséquence. Elle sera défigurée à vie ! Acide et feu ! La pyromanie est en moi et il en sera toujours ainsi tant qu’il me restera encore un souffle de vie. La flamme vacillante d’une allumette ou d’une bougie, et que par tes baisers tu ravives chaque jour que Dieu fait.
Seulement voilà, plus je me rapproche de toi et plus tu m’esquives. Quand je remets le sujet sur la table, tu fais l’anguille. Je veux bien croire que tu n’aies pas envie d’en parler. Qu’il te faille peut-être un peu plus de temps pour rassembler tous tes sentiments. Chaque jour qui passe tu te reconstruis, tu me fais l’impression d’un grand brûlé qui retrouve greffe après greffe l’usage de sa peau. Seulement rappelle-toi le temps passe inéluctable, et à la fin de nous, il ne restera plus guère que des os. Plus que des regrets et des poussières de sable perdus dans l’immensité d’un désert. Je t’aime, je t’aime ! Je t’aime mon Dieu ! J’en deviendrais presque folle ! Cet enfant que je désire tellement, tu sais quoi, je n’en veux pas. Si ce dernier me fait m’éloigner de toi ! Je préfère mille fois m’assoir dessus. Je ne suis pas à un sacrifice de plus. Sois en sûr et certain, ce que je veux en cet instant précis c’est toi et seulement toi ! Le reste n’a plus d’importance, au fond. Aucune valeur à mes yeux. Si à presque quarante ans je ne suis pas mère c’est que les choses ne devaient pas se faire voilà tout. Je ne serai pas mère, c’est entendu ! Ce n’est pas non plus la fin du monde, une sorte d’anéantissement des sentiments, ou bien encore de l’existence que la non existence. J’avance désormais sereinement sur le chemin de la vie avec toi à mes côtés à la recherche d’une nouvelle raison de vivre. Ma main posée dans la tienne. Sauf que j’ai désormais trouvé ma nouvelle raison de vivre, et cette raison : c’est toi !
Je te dis à vendredi prochain mon amour… Je t’aime et pense bien fort à toi !
Sarah
Limoges, le 27 novembre 2021
Chérie,
Que dire de plus qui n’a pas encore été dit ? Tu sais Sarah, avec toi j’ai l’impression d’avoir fait le tour de la question, ou que nous répétons sans cesse la même boucle émotionnelle sur le théâtre absurde de notre amour. Coincés dans un des couloirs de l’espace-temps. Petites marionnettes que nous sommes, nous faisons alors des courbettes, nous piquons nos petites colères comme des enfants, nous faisons notre cinéma, nous nous prenons dans les bras pour nous calmer, nous rapprocher, nous rassurer. Nous couvrons nos fronts encore tièdes de tendres baisers, mais au fond, nous ne sommes plus que l’ombre de nous-mêmes. Je le sens au plus profond de moi, quelque chose s’est éteint. Je n’ai plus cette petite flamme que j’avais jadis pour toi et qui brûlait d’ardeur, tandis que nos corps en fusion se laissaient gagner par la sueur dans les draps blancs et défaits d’un grand lit. Seulement vois-tu, j’ai l’impression étrange que ces draps-là se sont transformés en suaires, et que la passion qui nous animait alors est restée enfermée à l’intérieur. À agonir d’ennui, à gésir comme des gisants, mausolée de nous-mêmes avec le rire figé du masque tragique des premiers comédiens. Massoud avait raison, il faudrait tous nous tuer, nous passer par le fil de l’épée, ou bien nous plaquer sur la joue le cruel sourire des anges. Pour nous faire passer toute envie de faux-semblants, d’hypocrisie, et surtout de sentiments… Tout est mièvre, dénué d’intérêt autour de moi. Je vois des gens qui font semblant de s’aimer, des couples qui s’enlacent dans les parcs ou au ciné et qui par derrière mènent une double vie pleine de compromissions faite de plaisir et de luxure. Je n’ai pas du tout envie de devenir cette pâle caricature. J’attends mieux de notre couple en somme. Alors pourquoi un enfant ? Pourquoi maintenant ? À une époque où tout va trop vite dans un monde baigné d’incertitudes. Nous nous cachons derrière des masques, la maladie et la mort rôdent autour de nous sans prendre de gant. C’est le bistouri du chirurgien qui nous refait le visage, qui nous botoxe les lèvres, nous fait gonfler les seins, sans oublier les fesses, nous fait tirer les rides pour ressembler à Monsieur et Madame tout le monde. La laideur alors saura tirer son épingle du jeu, puisque dans un monde où nous serons tous beaux, la différence aura l’attrait des aurores. Je nous vois vieillir et j’apprécie cette petite vie qui s’écoule de nous, j’aime ces petites pattes d’oie que tu as au coin des yeux. Ces petites cicatrices microscopiques que la vie t’a faites. Tes rides, j’en suis aussi un peu responsable, tout comme tu l’es de mes cheveux blancs. Ce sont les soucis, les aléas. À la fois l’équation et l’inconnue ! Rien jamais ne dure et nous nous écoulons par le goulot d’étranglement d’un sablier invisible. Et toi tu voudrais faire un enfant et le projeter dans cet horrible monde ? Mais pour quoi faire ? Dis-moi. Faut-il donc être cruelle ou égoïste à ce point pour ne pas penser à son avenir et que lui aussi va souffrir, sinon plus que nous-mêmes dans cette vie rendue totalement invivable. Parfois je ressens le manque de toi Sarah, parfois aussi tu ne me manques pas. Comment te dire toutes ces choses-là sinon attendre patiemment que tu les comprennes par toi-même...
(P’tit Loup...)
Nantes
Le 29/11/21
Mon P’tit Loup,
Tu sais, parfois moi aussi j’en ai ma claque de la vie. J’ai envie de me tailler ailleurs, tailler la route comme on dit, me tailler les veines ou bien encore me tirer une balle ! Encore heureux même j’ai envie de dire, car sinon ça reviendrait à accepter ce monde dans lequel on vit comme il est sans volonté ni espoir de changement. De trouver ça normal. C’est normal de se poser des questions, de douter, d’avoir peur. Pour une fois tu as raison mon Amour, tout est incertain. Et c’est cette certitude qui nous fuit qui nous fait sentir en vie. À notre place ici-même. Je veux dire perdu au milieu de nulle part. Mais dans toute cette incertitude me revient en plein visage une seule certitude : c’est avec toi que je veux vieillir, c’est dans tes bras que je veux mourir. Ce sont tes beaux yeux verts la dernière chose sur Terre que je souhaite emporter avec moi dans la tombe.
Alors je t’en prie tue-moi ! Ne fais pas semblant ! Tue-moi ! Ne joue pas avec mes sentiments ! Prends le revolver et n’hésite pas une seconde, car moi je n’hésiterai pas. Vise le cœur ou bien ce maudit ventre qui te dégoûte tant. Rendu tout à fait inutile par ta conception très pessimiste et personnelle de la vie. Je ne serai pourtant pas aussi catégorique que toi là-dessus. Une vie est une vie, l’homme ne peut que s’enrichir de cette expérience de l’existence. Donner la vie, c’est accompagner au quotidien, soutenir sa progéniture envers et contre tout, donner la vie c’est lutter ! Dire que l’on refuse ce monde qu’on nous impose par de la propagande détournée. Donner la vie paradoxalement c’est un acte militant ! La normalité c’est se dresser poing levé et cracher ses poumons dans l’air froid et sans avenir ! Hurler tout son désarroi et qu’on n’en veut plus de cette vie-là ! Ce qui est anormal, c’est que tu ne veuilles pas de moi. Que tu ne veuilles pas d’enfant pour laisser une trace derrière toi. De ton passage, de ton sourire, de tes pensées à la fois utopistes et libertaires. Ou sinon quoi ? Écris un livre ou je ne sais pas. Un manifeste. Crée quelque chose de beau et d’immortel ! Mets sur la table et ta peau et tes tripes et ton sang ! Frappe du poing sur la table putain !
Sauf que je ne t’ai jamais vu prendre la plume pour défendre tes idées et qu’à la moindre difficulté c’est toujours toi le premier que je vois plonger au sol tête baissée. Enfouir très loin ta tête dans le sable comme une autruche, refuser l’évidence même, la fatalité ainsi que les lois biologiques intrinsèques. Si tes parents, tes grands-parents ou un quelconque ancêtre avaient pensé la même chose que toi, sache que tu n’existerais pas, tu n’existerais plus. Fin de l’histoire. Plus d’humanité, plus les problèmes qui vont avec. Plus la peine de se lever le matin pour aller trimer. Se tordre sur la machine. Plus de douleur, plus de souffrance mais aussi a fortiori plus d’existence. Fin de chantier. Juste un grand Néant au milieu de tout ça. Un trou noir dans lequel il ne pousserait rien et qui irait grandissant. Nourri par l’amertume et les regrets. Ni Adam ni Êve, ni encore moins de jardin d’Eden, de pomme à la con et de serpent tentateur, ni boîte de Pandore ni Péché originel. Pas de plaisir non plus, juste la platitude platonique d’une mer calme et sans vent. À en friser l’aphasie ! Alors toi et moi allongés dans un grand lit, c’est fini ! Ou plutôt ça n’aura jamais été ! Tu peux remballer bien haut tes idéaux, et te la coller derrière l’oreille. Au bout de quelques jours de grève tu verras que ça n’en valait pas la peine et qu’il était bien triste d’en faire autant pour si peu.
Du reste je ne t’ai jamais vu impliqué dans quoi que ce soit, tu n’as jamais ouvert ta gueule en grand. Sinon comme un poisson crevé qu’on a tiré hors de l’eau. Je te trouve pathétique Pierre, sache-le. Je t’aime mais tu m’as planté un couteau en plein ventre. Désormais il ne tient qu’à toi de m’achever, de l’enfoncer un peu plus loin afin que je ne ressente plus rien, ou le retirer en espérant que ce dernier n’ait touché aucun organe vital. Du reste tu auras toujours du sang sur les mains. Si ce n’est pas celui de mon accouchement ce sera celui de mon point final à cette histoire-ci. Nous nous retrouverons ainsi dans cette vie ou bien dans une autre ! Nous en reparlerons à tête reposée dans quelques jours, en me relisant je me rends compte que je me suis un peu emportée, et que j’ai réagi à chaud à la lecture de ta dernière lettre. Pourquoi me fais-tu ça ? Pourquoi par moment me fais-tu devenir complètement folle ? Tu es le seul qui ne m’ait jamais fait ça. Si ça ne veut rien dire pour toi, pour moi ça veut dire beaucoup. Ça veut tout simplement dire que je t’aime ! Pardonne-moi de t’aimer ainsi…
Sarah
Limoges, le 1er décembre 2021
Sarah,
Ceci est la dernière lettre que je t’envoie, n’en attends plus d’autres de ma part, et surtout n’attends rien de moi. Je n’ai absolument plus rien à t’offrir. Je me sens comme vidé ! Ce week-end c’était la goutte qui a fait déborder le vase. Comme je te l’ai dit nous deux c’est fini ! On ne devrait jamais avoir à en arriver aux mains, à la violence, aux insultes et aux cris... Désormais il n’y a plus de retour en arrière possible. Je crois que tout a été dit... Je te demande maintenant de ne plus m’écrire, me voilà gagné par la lassitude... Et si tu m’écris de toute façon sache que je ne te répondrai pas. Je déchirerai tes lettres sans même prendre le temps de les lire. Je les jetterai au feu. Ton souvenir est mort en moi, mort et enterré, néanmoins je te souhaite le meilleur pour la suite. Et même, tout le bonheur du monde ! Un ami proche viendra chercher le reste de mes affaires dans les jours à venir. J’ai pris le nécessaire pour plusieurs semaines, ne t’en fais pas. Ma décision est prise, je l’ai mûrement réfléchie depuis de nombreuses semaines, je ne fais pas ça sur un coup de tête. Ce n’est pas un break, c’est une rupture sans préavis ! C’était sans doute la meilleure décision à prendre du reste, depuis que je suis rentré sur Limoges je me sens comme libéré d’un poids. Je te demande également de ne pas essayer de me joindre au téléphone, ou via les réseaux sociaux, sinon je me verrai dans l’obligation de te mettre en bloqué. Je te demande aussi bien évidemment de ne pas venir me voir sur Limoges. Si tu as encore un minimum de respect pour nous deux et ces quatre années passées ensemble tu respecteras je l’espère ces quelques volontés. Voilà, l’heure est venue où nos chemins se séparent. Ce n’est pas la fin d’une histoire d’amour bien au contraire, c’est le début d’une nouvelle aventure. Je te souhaite du fond du cœur que la tienne soit enrichissante et à la hauteur de tes attentes et que tu t’accomplisses enfin en tant que femme puisque je n’ai pas su t’offrir cette vie-là dont tu rêvais tant. Tu la trouveras bien dans les bras d’un autre homme, après tout, je ne me fais aucun souci pour toi… En attendant je me sens nul, je me sens minable et je vais très vraisemblablement noyer mon chagrin dans l’alcool, après tout je ne suis qu’un sale ivrogne qui ne pense qu’à lui, je n’arriverai jamais à rien dans la vie, c’est toi même qui me l’as dit !
Adieu donc...
(Pierre)
(Montréal, le 1er juin 2042)
Mes très chers parents,
Je suis heureuse en ce jour ô combien particulier pour vous de vous annoncer un très heureux événement, sinon deux. Mais tout d’abord je tiens à vous féliciter pour vos vingt ans de mariage ! Ce sont cette année vos noces de porcelaine, cela rappellera sans doute à papa ses deux années d’études passées à Limoges. Vingt ans c’est aussi l’âge radieux que j’aborde aujourd’hui. Avec le sourire au coin des lèvres quand je pense à vous, même si cela vous ne le voyez pas, mais tout du moins vous pouvez l’imaginer. Je suis si heureuse et je tiens à vous faire partager tout mon bonheur ! Papa, maman, tenez-vous bien : je vais être mère ! Avec François nous avons finalement décidé de nous jeter dans le grand bain ! La décision n’a pas été facile à prendre d’autant plus que nous ne sommes pas encore installés professionnellement parlant. Mais tout du moins nous avons un toit au-dessus de notre tête. De plus nous formons François et moi un couple fusionnel et aimant, bien que nous nous disputions parfois. Nos disputes n’en sont que plus savoureuses puisqu’elles nous font sentir plus unis encore et bien vivants ! Je l’aime à en mourir et lui m’aime aussi. Nous souhaitons de fait donner tout cet amour qui transpire de nous à un p’tit bout d’chou ! Nous allons faire les choses bien, François m’a fait sa demande en mariage hier. Aussi vous allez bientôt être conviés à venir nous rejoindre ici au Québec pour célébrer notre union devant Dieu. Le temps que je confectionne les faire-part et que je vous les envoie. Je souhaitais toutefois vous prévenir en premier tellement la joie inonde mon cœur. Il va me passer la bague au doigt et j’aurai une jolie robe blanche tout comme toi maman ! Je vais être resplendissante tout comme toi tu l’as été avant moi ! Quand je regarde le vieil album de famille et vos photos de mariage, je me dis que j’ai vraiment la chance de vous avoir comme parents. Vous m’avez donné la vie, et je ne vous en serai jamais assez reconnaissante. Bien que loin de vous, vous restez à chaque instant présents dans mon cœur, et où que j’aille vous m’accompagnez. Bien évidemment je vous demande de l’être en chair et en os pour le jour de la cérémonie et aussi pour la naissance du petit. Ou de la petite, puisqu’on ne sait pas encore le sexe. François et moi on se tâte, on se demande même si on a envie de le savoir. On préférerait presque que ce soit une surprise le jour J, un peu comme une pochette surprise ou un cadeau au papier brillant que l’on déballe au pied du sapin. D’ailleurs le bébé est prévu pour Noël, cela tombe bien, car cette année vous deviez le passer parmi nous. Je me fais une telle joie de vous revoir, les visios et les lettres empêchent quelque peu les embrassades et les étreintes. J’aimerais tant que vous soyez là près de moi en cet instant précis afin que je puisse vous serrer très fort dans mes bras. Je vous dois tout, mon bonheur, ma vie ! Mon éducation et tout l’amour et la confiance que vous avez placés en moi. J’aimerais tant pouvoir vous le rendre au centuple. Aussi quand je suis tombée par erreur sur cette petite boîte l’autre jour contenant quelques-unes de vos lettres, j’ai eu du mal à le lire et à le croire. J’avais sans doute dû ouvrir quelque boîte de Pandore ou bien entrouvrir une porte restée longtemps secrète et à demi ouverte. Vous étiez au bord de la rupture à cette époque et pourtant je vous vois si radieux et si amoureux, comme au premier jour ; je me dis que vous avez très certainement fait le meilleur choix qui soit : celui de la vie ! Et la petite vie que je suis mais aussi que je porte en moi aujourd’hui vous en remercie du fond du cœur. Je voudrais pouvoir crier à la face du monde et hurler sur tous les toits à tue-tête que Pierre et Sarah sont mes très chers parents et que j’en suis fière malgré tous les aléas de la vie ! Vous vous êtes perdus, vous vous êtes retrouvés, puis vous m’avez eue et vous vous êtes unis devant Dieu ! Vous avez su tenir les belles promesses d’engagement que vous avez pu vous faire. Et je suis très fière d’avoir reçu votre éducation, la couleur de vos yeux, de vos cheveux. Je suis un peu le mélange de vous deux, en somme le meilleur héritage qui soit ! J’espère que notre enfant aura aussi cette chance-là, celle de vous avoir encore longtemps pour grands-parents. J’espère aussi du fond du cœur que nous réussirons à nous voir plus souvent. Pourquoi après tout ne pas venir vous installer par chez nous, certes les hivers sont froids ici mais les maisons en bois sont bien chauffées et chaleureuses de nous ! Je pourrais vous aider à trouver un logement. Depuis que papa est à la retraite j’imagine que vous devez être pétris d’ennui. Et toi ma petite maman j’espère que ton dos va mieux et que tes rhumatismes te laissent un peu tranquille. Voilà je vous laisse et vous envoie un peu de mon bonheur en ce jour un peu particulier pour vous. Je vous aime papa, maman ! Et vous dis à très très vite ! Votre fille qui vous aime très fort :
Piedra !
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