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Photo du rédacteurKama Datsiottié

Double Kill

Dernière mise à jour : 29 mars 2022

Réécrire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena Mikhaïlova)


Au Kick-boxing on appelle ça un double kick, en version middle-kick ou bien même en low-kick, je ne vous parle même pas du high-kick direct dans les gencives, par ici la trousse de soin et la Loctite pour recoller les plaies et les bouts de dents en moins. Il faut avoir un bon cache-dents ainsi qu’une bonne coquille pour peu que l’autre en face t’enchaîne avec un middle-kick sournois dans les basses parties, bien que pourtant cela soit interdit. Mais que voulez-vous, la boxe c’est comme dans la vie, il y a parfois des coups durs et des coups bas ! Des coups non portés à l’entraînement et des coups qui portent. Plus douloureux ceux-là, bien plus que les soi-disant non portés, qui nous laissent quand même des plaques noires de bleus sur la peau.

Ok, mais le double-kick, kézako ? C’est un terme général de boxe, une sorte de combo ou de finish it à la Mortal Kombat, un peu aussi comme Jean-Claude Van Damme dans son film Double Impact. Il consiste à taper deux fois de façon presque simultanée. Bam, Bam ! T’as rien vu et te voilà le souffle coupé ou bien sur le cul, voire même KO au tapis. Bref c’est un enchaînement de coups, ou bien un déferlement de violence ! Pour mettre hors d’état de nuire son adversaire.

Moi pour ma part, c’est moi-même que je voudrais mettre hors course, court-circuiter les idées ou bien croiser deux fils et tout disjoncter. Quand j’écris j’ai à la fois la sensation de plénitude et d’excitation, sauf que lorsque j’arrive au bout d’une nouvelle, d’un poème ou bien encore d’un roman, je me sens content et fier, mais cela ne dure que l’espace d’un instant. Voire même de quelques secondes, car l’instant d’après je me sens soudain complètement vidé et inutile, je me relis et je suis blasé par ce que j’ai écrit. Peu satisfait du résultat.

Je me dis que c’est de la merde et que je n’arrive décidément qu’à extraire de moi-même que ce genre d’étrons nauséabonds. C’est exécrable et je me sens d’autant plus minable. Bref je n’ai pas d’autres choix que de jeter aux chiottes chaque manuscrit que je viens d’exhumer du fond de ma pensée malade, sans oublier de tirer la chasse par-dessus.

Je me lance alors à corps perdu dans un autre projet, histoire de captiver mon attention à quelque chose de bon, et qui me détournera en somme de projets bien plus sombres et qui stagnent depuis de longues années déjà à l’intérieur de moi, dans des sortes de marécages à l’eau croupie. Pour résumer je n’ai pas réussi à trouver d’autre échappatoire que d’écrire pour survivre à ce monde-ci. Il faudrait sans doute que je consulte, mon entourage me juge malade, mais en vérité je n’ai pas trouvé meilleure thérapie que l’écriture. J’opère ainsi ma catharsis, c’est libérateur !

Sauf que, sauf qu’aujourd’hui j’ai comme l’impression d’être arrivé à ma dernière ligne. Je n’ai plus le goût à rien, et surtout je me dégoûte moi-même. Depuis quelques jours j’ai très envie de me double kill, afin d’être sûr de ne pas revenir dans ce monde triste et gris. J’ai réuni alors dans un tas compact sous un tabouret bancal mes derniers étrons, comprenez mes dernières productions « littéraires » mais que jamais personne ne lira. J’ai badigeonné les feuilles noircies avec un bidon d’essence. J’ai placé une corde solide deux mètres au-dessus du tas en question autour d’une poutre, j’ai allumé un briquet, j’ai ajusté mon nœud pap’, fermé les yeux, compté jusqu’à trois et j’ai mis un point final à cette histoire-là.


ps : Carl SPITZWEG (1808-1885), Le pauvre poète, 1839, huile sur toile, 36 x 45 cm, Nationalgalerie, (Berlin)


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