Encore cinq minutes, non cinq heures, telle fut la pensée de Zoé lorsque sonna son réveil. Sa seule motivation à se lever fut la hâte de voir le soir arriver. Le soir, un horizon tellement lointain que celui de la veille était plus proche que celui du jour même. Zoé arriva vers 5h45 alors que les lève-tôt formaient une queue déjà conséquente devant la préfecture. Certains avaient apporté une chaise de camping et, un bandeau sur les yeux, ils replongeaient dans les bras du marchand de sable. Zoé, elle, se réchauffait de la froide nuit d’octobre dans son manteau, les doigts agrippés à son thermos de café brûlant. Et l’attente commença, longue, ennuyeuse, infinie. Autour de Zoé, les gens s’animèrent ; certains lisaient un bouquin, d’autres berçaient leur bébé et d’autres encore, bonnes âmes, distribuaient des biscuits aux chocolat. On sympathisait les uns avec les autres, parlait dans les langues du monde entier, se racontait son parcours et ses origines. Là ce n’est pas gênant, se réjouit Zoé, ce n’est pas comme quand on m’arrête au milieu de la rue en me criant « Turc ! » sans raison. Ou encore ce vieil homme au supermarché qui me racontait à quel point il aimait l’Amérique Latine et à quel point j’avais l’air d’une princesse exotique. Laissez-moi monsieur, j’achète des pâtes. Quand je réponds que je suis Française pour leur clouer le bec et qu’ils me rétorquent que ma peau n’est pas blanche, je devrais regarder la couleur de mon bras et m’exclamer : « Oh mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il s’est passé cette nuit ? »
Enfin, 8h30 sonnèrent, les fonctionnaires pouvaient recevoir leur public. Après avoir traversé avec succès les détecteurs de métal, Zoé et son précieux sac se dirigèrent vers l’étage qui leur était destiné. Zoé obtint le numéro 59E et, au chaud cette fois, l’attente recommença. Cinquante-huit personnes à attendre, cinquante-sept, cinquante-six, cinquante-cinq… De tous côtés, des malheureux pleuraient ou s’énervaient sans obtenir l’aide attendue. À un guichet, une vieille dame essayait de se faire comprendre en hébreu ou dans une autre langue que Zoé ne reconnaissait absolument pas, et l’agent de l’autre côté de la vitre non plus. Il essaya de correspondre en français, puis en anglais mais non, le dialogue était impossible et empêchait tout mouvement. L’intervention inopinée d’un étranger résolut la situation. Dix-sept, seize, quinze…
À 10h30 pile, le ticket gagnant s’afficha sur l’écran. Zoé se présenta devant la fonctionnaire qui lui demanda son dossier : passeport, carte d’identité, acte de naissance, l’authentique et une copie, justificatif de domicile de moins de trois mois, certificat de scolarité de l’année en cours, preuve d’assiduité, traduction des chiffres du relevé bancaire et ancien titre de séjour pour recevoir le Graal, le nouveau. Le titre de séjour qui l’autorisait à rester un an de plus en France car, non, Maurice n’est pas française comme le pensait cette dame à Versailles. Elle avait insisté auprès de Zoé. Vous en êtes sûre ? Zoé en était extrêmement sûre. Et comme certains le présument, les Mauriciens ne viennent pas non plus de Mauritanie, désolé de vous décevoir.
Une signature plus tard, sa nouvelle carte en main, Zoé sortit de la maison des fous, salua le soleil et se mit en route pour rejoindre sa classe. Le prochain cours était sur le point de commencer.
La place à côté d’Alice l’attendait.
– Alors, tu as réussi à vaincre le système administratif ?
– Yes, j’ai officiellement le droit de rester en France. Par contre réveille-moi si je m’endors.
L’arrivée du prof fit taire les conversations en cours.
« Bonjour à tous. J’espère que vous n’êtes pas fatigués… Personne ? Parfait. Aujourd’hui, c’est vous qui allez parler. Je vous donne un sujet et vous en débattez deux par deux… Non pas avec votre voisin mais par… tirage au sort, oui, c’est ça ! Ah je vois la joie éclairer vos visages. »
Alice et Zoé furent séparées par le sort qui lia le nom d’Hugo à celui de la première. Alice ne le connaissait pas particulièrement ; c’était une bonne occasion de parler. Elle le rejoignit au fond de la classe au moment où le prof distribua un petit papier avec « MeToo, un an après » écrit dessus. Alice ne sut si elle devait se réjouir ou non. Y a-t-il encore besoin d’en débattre ? Il n’y a plus de controverse à dire que toute forme de harcèlement sexuel est inacceptable.
– J’en ai marre de parler de ça, démarra Hugo.
– Tu en as marre de parler de l’avancée de la cause des femmes ?, l’interrogea Alice.
– À cause de ça, ça fait un an que nous, les hommes, on est culpabilisés dès qu’on bouge le petit doigt ou qu’on ouvre la bouche. On n’a plus le droit ni de faire, ni de dire ce qui nous chante.
– Chante tant que tu veux, tant que tu ne nuis à personne. Nous ne nous sentons coupable que si notre comportement est à remettre en cause.
– Mon comportement va très bien. Tu insinues encore que tous les hommes sont sexistes.
– Je ne dis pas que tous les hommes sont sexistes mais que cent pour cent des femmes en sont victimes. C’est à ça que sert le féminisme.
– Le féminisme veut nous dominer comme les hommes vous ont dominées.
– Il veut instaurer l’égalité entre les genres.
– L’égalité qui existe déjà. On a, genre, les mêmes droits, la même éducation, des femmes obtiennent de hautes positions comme euh… Angela Merkel.
– Comme qui d’autre ? Vas-y, cite en dix puis après le double d’hommes. Et tant qu’on y est, tu sais que les hommes ont toujours un salaire dix pour cent supérieur à celui des femmes ?
– Le salaire de l’un contrebalance celui de l’autre dans un couple…
– C’est complètement stupide. Tu impliques qu’une femme qui fait exactement le même travail qu’un homme doit obligatoirement être en couple, avec un homme, pour que leurs deux salaires soient « contrebalancés ». Tu appelles cela l’égalité ?
Le prof qui passait voir tous les duos arriva à leur niveau.
– Alors, qui est le roi ou la reine du débat ?
À la fin du cours, Alice rejoignit son groupe d’amis à la cafétéria qui proposait des côtes de porc au menu du jour. Assis à leur table de six, Simon s’inquiéta de l’absence de Solène.
« Vous reprendrez du gâteau, mamie ? »
Le repas de famille auquel participait Solène touchait à sa fin. Tata Caroline resservait une part de dessert que son oncle avait préparé tandis que sa grande sœur s’étouffait à cause du cacao en poudre qui parsemait sa deuxième part. Solène lui tapa dans le dos et échangea avec elle un regard complice.
La conversation battait son plein. Les accents que l’on dissimulait à la ville réémergeaient en compagnie des siens. Les grands-parents côte à côte depuis soixante ans, côte à côte à la table qui célébrait leur union n’écoutaient ni n’entendaient plus les mots de la discussion. Ils assistaient à ce brouillard joyeux qui les honore et les ignore. Ah ça doit leur faire plaisir de voir du monde, eux qui ne peuvent plus sortir.
Tous les cousins rattrapaient le temps qu’ils n’avaient pas passé ensemble et se remémoraient leur enfance chez papy et mamie, le ballon qu’il fallait aller chercher dans le jardin du voisin, le jeu de l’oie quand il pleuvait et la cueillette des cerises, des fraises et des œufs en chocolat dans le verger. Ils se partageaient des mèmes et des vidéos sur leurs portables. Solène reçut un message de Camille à ce moment-là : « Simon a appris notre sortie de ce soir mais je crois qu’il est encore plus triste de ne pas te voir en cours aujourd’hui . »
« Ah la la, les jeunes, toujours sur leur écran… », lança tout haut tonton Patrick. Maman, sa petite-nièce gazouillante sur les genoux, s’exclama : « Oh ça vaut la photo, de mamie à Lily. » Solène fut commanditée pour fixer pour l’éternité une image de quatre générations de filles. Et puis, des enfants et de tous les cousins et de tout le monde et enfin de ceux qui fêtaient leur anniversaire de mariage, quand même. Le rosier qui leur avait été offert attendait d’être mis en terre.
Une fois le dessert terminé, il fallut tout remballer. Les hommes restèrent assis ou se levèrent de table, discutèrent des dernières nouvelles, du travail et de la récolte des tomates. Non, ça va, y’a pas trop d’mildiou ct’année. Dit donc, je t’ai pas vu à l’enterrement de Michel jeudi. Dans le journal, y disent qu’y veulent construire une autre maison de retraite. Le petit frère fit le pitre pour amuser la galerie. Les mamans, les tantes, les filles et les cousines attrapèrent assiettes, éponges et torchons. La vaisselle ne se fera pas toute seule. Solène se glissa du côté de l’armoire qui autrefois ouvrait sur un univers de sucreries mais qui maintenant contenait de quoi essuyer les couverts. Les boîtes de biscuits que la bande de cousins volait en secret à la connaissance de tous n’apparaissaient plus sur la liste des courses et avaient, en conséquence, disparu du placard.
Et ce fut l’heure du départ. On prit un quart d’heure pour faire le tour de tout le monde, de la petite dernière à la grand-mère, du parent que l’on voit tous les jours à celui dont on avait oublié l’existence. « Oh mais c’est Solène. Qu’est-ce qu’elle a grandi, je t’ai connue haute comme ça ! » Et Solène souriait, embarrassée. Elle devait demander plus ou moins discrètement à sa maman : « C’est qui ? » Allez, une dernière fois. Bisous papy, bisous mamie et tout le monde s’en va.
Maëva fit la bise à chacune des filles déjà arrivées dans le vestiaire. Elles se racontaient les nouvelles de la journée, commentaient l’émission d’hier soir et écoutaient la dernière chanson à la mode. Sans être ses amies, pas comme Solène, Camille, Alice et Zoé, Maëva était impatiente de les retrouver chaque semaine. Certaines se connaissaient depuis plus de dix ans, d’autres depuis moins de deux mois et toutes évoluaient une et ensemble dans un univers parallèle à celui des salles de classe. Maëva posa son sac sur une chaise, accrocha sa veste à un cintre qu’elle fit tinter au portant et commença à se changer. Elle enfila ses collants, la jambe droite puis la gauche, son justaucorps, sa jupette nouée à la taille, ses protections d’orteils, droite et gauche, ses pointes qu’elle laça autour de ses chevilles, droite et gauche, et ses guêtres, droite et gauche.
Une fois changées, les filles se dirigèrent vers la salle où leur professeure les accueillit comme toujours, le sourire dans la voix. Le cours des plus jeunes se terminait. Dans celui-ci comme dans celui-là, aucun garçon n’avait osé s’inscrire. Maëva se demanda pourquoi. Pourquoi la danse était-elle désignée comme l’activité par excellence des fillettes alors que le surnom du Roi Soleil, symbole de sa puissance, lui vient du ballet ? Comment, oui comment balayer les clichés ?
À la barre. Les élèves se placèrent en seconde, prêtes à suivre la musique. Pliés, battements, jambe sur la barre, droite et gauche. Au milieu. Arabesques, pas-de-bourrée, déboulés, tours-piqués, pirouettes, fouettés, grand jeté, grand écart. Et dans ses mouvements tournoyants, Maëva se demandait pourquoi. Pourquoi ses goûts avaient-ils pour miroir les dessins animés et les publicités qui passaient à la télé ? La dissonance cognitive encerclait ses pensées. Comment envoyer valser les conventions dictées par la société tout en les incarnant ? Car c’était la société qui décidait que les filles naissaient dans les roses roses et les garçons dans les choux bleus. Car dans d’autres sociétés, la norme était inversée. La violence des chevaliers en armure s’incrustait dans le rouge de leur sang et la cape azur de Marie dessinait la douceur des dames de la cour ; les femmes viennent du halo bleuté de Vénus et les hommes de la pourpre guerrière de Mars.
Mais non, Maëva n’approuvait pas ces règles. Même si, oui, elle aimait le rose. Le rose de ses habits roses dans sa chambre rose dans la ville rose. Le rose lui parlait comme aucune autre couleur, le rose des fleurs et des cœurs, le rose des poupées et du crépuscule, le rose de Pink et de Piaf, le rose de la vie à l’envie. Elle aimait le rose et le tulle des tutus. Elle aimait le rose, les tutus et les cheveux longs et blonds, le plaisir de les sentir librement détachés dans son dos et de les enrouler en chignon sur le sommet de son crâne. Elle aimait le rose et la danse et les Juliette et les Cendrillon. Mais elle aimait aussi que les autres filles aiment l’orange et le basket et les tortues ninja et elle aimait que les garçons aiment le rose et la danse et Juliette. Elle aimait que les filles aiment ce que les garçons aiment et que les garçons aiment ce que les filles aiment, que les garçons aiment la vanille et que les filles aiment le chocolat, que les filles aiment les garçons et que les garçons aiment les filles, que les garçons aiment les garçons et que les filles aiment les filles.
Bien que Camille aimât Solène de tout son cœur, un soupir de frustration s’échappa de ses lèvres lorsqu’elle reçut son sms alors qu’elle l’attendait depuis longtemps déjà à la station de Rangueil. « Je suis désolée, j’ai un petit contretemps chez moi On se retrouve au Bikini pour la meilleure soirée de notre vie ??? » Camille aurait préféré ne pas devoir s’y rendre seule. Elle lui répondit : « Rien de grave j’espère… Et oui !!! Prête à chanter et danser toute la nuit » et s’engouffra dans la rame.
Assise, elle enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et regarda défiler les murs de béton et les stations de la ligne B. Des étudiants s’arrêtèrent à l’Université, une femme se débattait avec son cabas, son sac à main, sa poussette et ses deux bras et un groupe d’amis échangeait des blagues.
Au terminus de Ramonville, les passagers restants descendirent et se dispersèrent. Camille prit la direction du canal que les lampadaires qui s’allumaient un à un éclairaient par vagues de leur lumière jaune. La nuit tombait aussi vite que les feuilles des arbres et avec l’obscurité, le froid s’immisçait dans tous les interstices. Camille resserra sur sa poitrine sa veste en simili cuir et tira sur sa jupe bleu marine qui remontait sur ses cuisses. Elle détestait se retrouver là, seule à guetter chaque son, du clapotis de l’eau au bruissement du vent. Pour se donner du courage, elle échangea une ballade contre une chanson solaire dont elle connaissait les paroles par cœur. Dix minutes s’étaient écoulées. Elle se trouvait à la moitié du chemin lorsqu’elle perçut un sifflement strident. À ce sifflement s’ajoutèrent le son de chaussures sur le sol et une forme noire, rapide la dépassa, puis une autre, plus impressionnante. Elle sursauta… et sourit en reconnaissant un labrador qui entraînait son maître derrière lui. Elle se sentait à peine remise de ses émotions qu’un autre sifflement la fit tressaillir. Il lui était adressé. Elle continua sa route. Un homme l’approcha, l’aborda, l’insulta. Camille s’enfonça dans sa musique pas assez forte pour couvrir cette voix. Elle l’ignora de toutes ses forces, accéléra son pas et pria. Il la suivit et insista, insista, insista. Elle sentit et entendit les battements de son cœur recouvrir le son sortant de ses écouteurs. Elle lui répondit, elle lui dit non. Il insista, insista, insista. Tu mens. Elle ne dit rien. Il lui attrapa le bras. Elle voulut lui hurler de la lâcher, elle voulut le frapper, avoir la force de l’éloigner. Elle ne dit rien. Elle n’arrivait plus à respirer, le souffle bloqué, noyée. Ils avançaient toujours sur le même chemin, sur deux longueurs d’ondes. Il la pressa mais elle ne voulait pas, non, elle ne voulait pas, ne voulait pas, pas.
« Héloïse, te voilà ! Tout va bien ? » Un aboiement fit prendre conscience à Camille que le joggeur de tout à l’heure intervenait. Et l’autre disparut. Camille n’avait pas entendu la discussion des deux hommes à cause de la bulle dans laquelle elle s’était enfermée. « Ça va aller mademoiselle ? Vous allez où ? Je peux vous accompagner si ça vous rassure. » L’homme se tenait à un pas de distance. Il alla avec elle jusqu’au Bikini où Alice, Zoé et Maëva papotaient en attendant leurs deux amies. Camille les rejoignit et sa bulle éclata et avec elle les sanglots et les larmes qui firent couler son mascara.
Sans hésiter, les filles l’entourèrent de leurs bras pour protéger Camille de sa peur et du monde environnant. Elles la consolèrent à force de caresses et de paroles d’encouragement. Elles formaient encore une masse d’amour lorsque Solène arriva. L’histoire fut racontée. Toutes s’accordèrent pour raccompagner Camille chez elle le moment venu ; d’ailleurs, aucune d’entre elles ne rentrerait seule et les deux dernières resteraient au téléphone pour vérifier que tout va bien. C’est ce qu’elles devraient faire quand elles sortaient le soir. Non, c’est ce qu’elles étaient obligées de faire pour avoir le moins d’ennui possible ; là demeurait la différence pensa Maëva.
– Quel est ce monde de fous dans lequel chaque homme est un harceleur potentiel ? demanda Zoé. On dirait un cauchemar. Pincez-moi pour que je me réveille.
– Un monde dans lequel l’éducation interdit aux garçons d’exprimer leur sensibilité.
– Alice a raison. Regarde, nous vivons à côté d’eux et comme les voisins, les garçons ne sont pas tous à craindre : Simon est adorable, mon petit frère ne ferait pas de mal à une mouche, le monsieur qui t’a raccompagné n’avait que de bonnes intentions, là-bas la fille sur le porte-bagage du vélo n’a pas l’air de craindre celui qui pédale et, quant à ce soir, nous ne serions pas venues s’ils avaient été des monstres ; mieux encore, ils valorisent les femmes. Ils nous aident à choisir la manière dont on se souviendra de nous, conclut Solène avec un clin d’œil.
Camille sourit à la référence et à l’amitié. Que ferait-elle sans elles si elles n’étaient pas elles cinq ? Elle aimait l’humour de Zoé, la verve d’Alice, la gentillesse de Solène et elle aimait que Maëva aime inconditionnellement.
– Et si on y allait ? Je ne voudrais pas vous avoir fait découvrir leur musique pour vous empêcher ensuite d’aller à leur concert.
À peu près remises de leurs émotions, les filles entrèrent bras dessus bras dessous dans le bâtiment qui accueillait un nombre croissant de spectateurs. Sur scène, les instruments, batterie, clavier, basse, guitare et micros attisaient l’impatience dans la salle. Le fourmillement d’énergie et les corps en mouvement augmentaient l’électricité dans l’air que la musique ferait vibrer. Les cinq amies se faufilèrent au premier rang où aucune nuque ni aucun dos ne pourrait faire obstacle à leur plaisir. Solène prit des photos. Des photos d’Alice qui pianotait sur la barrière, petite chorégraphie digitale pour tromper l’attente. Des photos de Zoé qui remerciait le ciel d’avoir fait advenir cette soirée. Des photos de Maëva et de Camille qui bougeaient leurs épaules au rythme de leur complicité. La dernière était encore tourmentée par la marée dans laquelle elle avait plongé. Quatre musiciens s’avancèrent ; les cris et les applaudissements du public redoublèrent. Puis lui prit place. Les premières notes s’élevèrent. Des photos de lui, la moitié d’Her. Celui pour qui Zoé, Alice, Solène, Maëva et Camille étaient venues. Ses lèvres à quelques millimètres du micro s’entrouvrirent et alors que les lumières bleues et roses se fondaient en un camaïeu de violet sur le t-shirt blanc du chanteur, elles chantèrent en chœur avec lui : « We choose the way we’ll be remembered ».
Playlist
Zoé – Five Minutes, Her
Alice – Queens, Her ft. ZéFire
Solène – Union, Her
Maëva – Blossom Roses, Her
Camille – Swim, Her ft. ZéFire
Réunion – Neighborhood, Her / We choose, Her
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