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Photo du rédacteurSzilárd Fekete

Gilbert le chat

Dernière mise à jour : 29 mars 2022

Décrire une journée d'un chat de dix-sept ans.


Je m’appelle Gilbert. C’est ce que mon, je veux dire mes humains m’ont donné comme nom. Mais ça, c’était il y a très longtemps. J’étais encore un petit chaton avec une fourrure toute douce qui flottait dans l’air lorsque je trottinais. J’avais des gros yeux vifs de couleur bleu, un peu grisâtre dans lesquels se reflétait tout un monde de gros sourires et d’émerveillement de ces géants nus à deux pattes. Je ne comprenais pas comment ils pouvaient se déplacer si aisément alors que moi je devais me concentrer même à quatre pattes si je voulais m’élancer pour attraper quelque chose.

Ma mère, je ne l’ai pas vraiment connue, encore moins mon père. En réalité, avant d’arriver chez ces deux humains qui m’ont, je dois avouer, toujours vraiment adoré, j’appartenais pour quelque temps à une autre famille. Je sais que ma mère leur appartenait et elle y est restée sans doute pour toujours. Je ne l’ai jamais visité. Je vais faire ma confession sur ce point parce que c’est une chose que je regrette aujourd’hui.

Quand j’étais petit, c’est-à-dire que je n’avais même pas un an, je me souciais pas d’elle, ni de ma famille antérieure : on m’aimait, flattait, caressait, gâtait infiniment, je jouais, jouais, jouais et dévorais les plats les plus délicieux du monde. Jamais de ma vie je n’ai réussi à avoir une proie qui aurait eu un goût semblable à ce que mes humains me procuraient. Mais le fait qu’après un temps je suis devenu capable de me servir tout seul, plus l’excitation de la chasse et la faim que ça a pu me donner faisait que j’ai décidé d’alterner entre ces deux options. Aujourd’hui je préfère aller voir mon assiette.

Ensuite, je commençais à courir après les femelles, bon sang, cette période a duré longtemps. Surtout les printemps, je ne pouvais, mais je ne pouvais rester à l’intérieur. Et des fois je ne rentrais même pas. Sur ce point, nous nous sommes quelques fois embrouillés avec mes humains, ils avaient tendance à trop s’inquiéter.

Ce que je veux dire par tout cela, c’est que toute ma vie, j’ai tellement été comblé que je n’ai pu me soucier de rien. J’avais toujours de la compagnie si j’en avais besoin. Je m’en fichais de mon passé, c’était de toute façon si court et si flou et si lointain après un temps que je n’y pensais plus.

Mais, est venu un temps, où le sommeil me parut plus favorable que d’aller voir le jardin, ou ceux des voisins. Je n’allais plus monter les toits la nuit. J’avais la flemme de me battre pour quelques secondes de soulagement. Je n’avais donc ni besoin d’acérer mes griffes ni de soigner ma fourrure aussi souvent. Je ne trouvais plus d’intérêt à cartographier les environs. Je connaissais déjà tout dans un rayon de cent mille pas de chat au moins. Bref, il me restait du temps à faire autre chose qu’avant.

Et là, les souvenirs de ma mère commençaient à revenir lorsqu’elle m’allaitait. Et j’ai eu l’envie d’aller la voir, mais toute de suite j’ai réalisé deux choses : que jamais lors de mes errances je n’ai senti son odeur – et cela, je l’aurais reconnu –, donc que je ne la retrouverais probablement pas, et que, en pensant à mon âge et mon état, elle n’est de toute façon surement plus en vie.

Aujourd’hui c’est mon anniversaire. Je viens d’avoir dix-sept ans. Je le sais parce que chaque été on me sers quelque chose de nouveau, que je n’ai pas encore goûté et qui dépasse la quantité ordinaire que je reçois et qui est absolument sublime. À ça, il n’y a jamais eu de faute. C’est un rituel aux humains dont je n’ai guère cherché le sens. Mais honnêtement, que m’importe ? Je suis gourmand. C’est une qualité que je perdrai en dernier. Bon, je vais aller voir si j’ai quelque chose. Il serait temps.



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