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Photo du rédacteurIsabelle Péré-Fam

« Je pratique le no-kill, enfin ! »

Dernière mise à jour : 1 avr. 2022

Réécrire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena Mikhaïlova)


Le Docteur C. est un homme de sciences, pragmatique. Les choses vont ou ne vont pas mais l’entre-deux n’existe pas. Le Docteur C. a la morale solide, il sait mieux que ses patients ce qui est bon ou pas pour eux, et c’est bien normal puisque le Docteur C. a fait neuf ans d’études et porte une blouse blanche, attribut renforçant son autorité, sa supériorité.


Le Docteur C. n’aime pas les faibles. Parce qu’il ne faut pas se le cacher, quand dans la tête ça dégringole, c’est bien que vous manquez de ressources. C’est bien que vous avez besoin de lui, du Docteur C. Le Docteur C. s’estime. Il se trouve très courageux et altruiste de s’occuper de ces quelques fous dont les problèmes sont invisibles. Il ne fait pas ça pour l’argent, non, ni pour le statut que son métier lui procure, non. Il ne fait pas ça pour payer la femme de ménage, la piscine creusée, la salle de cinéma, les vacances aux îles, les études à Harvard de ses deux fils, sa nouvelle voiture, ses nouvelles chaussures en cuir de veau et le sac Vuitton en peau de crocodile offert à sa femme la semaine dernière. Il ne fait pas ça pour parler de lui et de sa bonté à tous les dîners mondains auxquels il participe, ni pour être admiré dès qu’il prononce le nom de sa profession, « psychiatre ». Non. Quelle idée.


Le Docteur C. ne se déplace jamais sans ses groupies les infirmières. Leurs blouses restent les mêmes, mais elles ne les portent peut-être pas avec autant de charisme ou d’aplomb. Pas avec autant de virilité. Le Docteur C. le sait. Il sait que, comme tout le monde, elles le respectent et lui cèdent la parole dès qu’il entrouvre les lèvres. Des lèvres créées pour proférer le beau verbe, le verbe juste, le verbe du Docteur C. Il sait qu’elles respectent et admirent chacun de ses gestes et chacune de ses idées. Qu’elles ne broncheront en aucun cas si, sait-on jamais, le Docteur C. en venait à prononcer des paroles déplacées.


Et un jour, voilà que vous venez consulter le Docteur C. Vous alliez bien mais vous venez de rechuter. Vous avez très peur parce que vous ne pourriez pas survivre à une nouvelle descente aux Enfers. Vous ne savez pas vers qui vous tourner donc vous vous tournez, bien évidemment, vers le Docteur C. Vous lui dîtes en vos termes qu’il ne vous est plus possible de vivre. Que vous avez trop souffert, que vous souffrez trop et que votre seule volonté est de décéder. Ce à quoi le Docteur C. vous répond, en homme responsable et compétent :


- Mais enfin, vous rendez-vous compte de votre égoïsme ? Avez-vous pensé à vos proches ? Vous n’avez pas le droit de venir à moi et de me demander de mourir, je suis médecin, enfin, je sauve des vies ! Je pratique le no-kill, enfin !

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