Réécrire la microfiction Slogans de David Thomas (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)
Ça fait des années que je regrette ma vie et mes mauvais choix ramassés d’un trottoir ou croisés par hasard sur un spot publicitaire. J’ai perdu le sens de ma vie et des kilos. Je suis une vieille femme maudite par des malédictions cumulées pendant des années d’aveuglement et de non-sens. Et je vis l’automne de ma vie telle une brebis isolée et désolée à attendre ma mort qui ne décide pas encore de m’arracher la vie insensée. Et je continue à marcher dans la campagne en chantant mon proverbe préféré « Si jeunesse savait si vieillesse pouvait ! ».
Et depuis, je commence à me moquer des slogans et à avertir les jeunes de leur incrédulité.. Rien n’est plus facile que de coller trois à sept mots qui riment ensemble pour plaire à l’ouïe. Mais ce qui est drôle c’est de les écouter de la bouche de leurs inventeurs, si je dois considérer le slogan comme une invention car, comme vous le savez, mes chers enfants, l’invention nécessite un temps de recherche et de rationalité tandis qu’un slogan n’est qu’un jeu de mots. Il suffit de regarder un politicien enflammé par l’applaudissement et le hurlement de ses disciples et de voir comment il va prononcer un nouveau ready-made accompagné par des secouements de bras, un bref regard sérieux et une voix terrible qui résonne à travers le microphone. C’est un vrai acrobate ! Il est flexible, performant et sait marcher sur un fil très fin, rouler dans l’air, sauter, danser, rire tout en gardant son équilibre et tout en ensorcelant les yeux de ceux et celles qui le suivent et qui attendent le moment où il tombe. Mais il ne tombe jamais car depuis qu’il a prononcé son sortilège, ce sont les gens qui tombent sous son charme.
Je vous raconte la malédiction qui s'était activée dans ma vie à cause des slogans :
J’avais l’habitude de contempler les slogans que j’avais tant aimés. Je chantonnais ces chers petits-mots compactés dans une formule douce, charmante et séduisante. Je me les répétais quand je me sentais perdue. Je les croisais quand je ne trouvais personne qui puisse me conseiller. Ils étaient là, affichés partout devant moi, à la télé, dans la rue, dans ma fac, dans mon lieu de travail, dans mes conversations intimes avec mes proches. Ils me parlaient et m’ensorcelaient.
Mais en réalité, je les aimais autant que je me détestais.
Je croyais qu’ils me guidaient donc ils étaient mes itinéraires de vie. Quand je devais prendre une décision, soit ils me la confirmaient soit ils me la niaient. C’est comme ça que j’avais épousé un harceleur d’enfants qui m’avait juré qu’il était innocent des rumeurs qui l’accusaient de crime mais le slogan de Chirac « Nous irons plus loin ensemble » venait l’aider dans son plaidoyer et j’avais accepté des années d’amertume toute souriante et toute aveuglée.
Un soir, je m’étais disputée avec une amie dans un restaurant car elle m’avait conviée à un dîner à la suite de son élection au poste de directrice générale d’une entreprise de cosmétique. Elle était super excitée et on avait commandé plusieurs repas mais quand l’addition avait affiché 233 euros, elle s’était sauvée du restaurant et m’avait laissée seule à me débattre avec le serveur. Le lendemain, je n’avais pas réussi à avaler ma rage mais je ne savais pas comment venger ma haine. Alors un slogan jeté sur le trottoir m’avait conseillée la suite « Faire battre le cœur de la France ». J’avais tout de suite saisi le message et je m’étais rendue au bureau de mon amie que j’avais battue très fort jusqu’à lui faire saigner le visage. Que les cosmétiques dissimulent ses cicatrices bleutées ! Il ne faut pas se laisser aller par l’excitation quand on n’a pas d’argent.
C’est ainsi que je rumine ma vie à cause de ces slogans. Si le temps remontait en arrière, je chercherais certainement auprès des proverbes, un sens à ma vie. Soyez plus sages que moi, ô mes petits, et tâchez de ne pas croire à tout ce qu’on vous dit!
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