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Photo du rédacteurIsabelle Péré-Fam

Jeanne

Écrire une microfiction à partir de la chanson Le Soleil et la Lune (version live) de Charles Trenet. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)


Elle s’appelle Jeanne. Son rouge à lèvres d’un brun profond s’accorde à la perfection avec ses yeux et cheveux de la même teinte. Elle sourit à pleines dents. Dents du bonheur, dents de la chance, c’est selon. De son septum pend une étoile argentée qui tombe au centre de son philtrum. Une fantaisie qu’elle s’est offerte à ses dix-huit ans me dira-t-elle plus tard. « Elle paraît si solaire et enjouée. » C’est la première chose que je me suis dite en voyant cette photo sur son profil Spicy.

On a matché.

Je lui parle de maths, de ma passion pour les problèmes irrésolus, comme la conjecture de Syracuse : pourquoi ce cycle trivial ? Et pourquoi ternaire ? Les solutions incalculables de certaines équations du second degré et ce qu’elles disent de nos capacités d’imagination limitées, le mystère des nombres de Lychrel qui ne pourraient pas former de nombres palindromes sans qu’on n’ait jamais prouvé leur existence.

Et elle me parle de littérature. De son admiration pour la poésie de Marceline Desbordes-Valmore, d’Anna de Noailles mais surtout de Renée Vivien qu’elle affectionne tout particulièrement pour ses descriptions passionnées et florales. Elle me dit qu’elle aime « saisir l’émotion et l’instant pour les figer dans un ballet lettré ». Elle m’envoie parfois des captures de ces danses :


Demi-Lune cherche demi-Lune

Pour se compléter, ne faire qu’une

Briller ensemble d’une flamme bénie

Cratères contre cratères, l’interdit

La nuit, le froid et le feu,

Certains croient que ce n’est qu’un jeu…

*

* *

Ce soir, c’est notre premier rendez-vous. Nous devons nous retrouver au Lotta, l’un des restaurants les plus connus de la ville, à vingt heures. J’hésite sur le choix de ma tenue : devrais-je mettre une valeur sûre, du noir peut-être ? Non, c’est trop classique, je veux être originale pour elle. Du violet, sa couleur préférée. J’ai justement un beau blazer de cette teinte ; j’enfile une jupe et des talons, relève mes cheveux en un chignon approximatif. Je ne mets pas de rouge à lèvres, il ne vaut mieux pas, si l’on s’embrasse…


…un jeu lunaire et enfantin

Mais moi je sais qu’il n’en est rien

Parce que ce sont elles qui m’appellent

Ces demi-Lunes aux fragrances nouvelles

Leurs rondeurs imparfaitement libres

Qui auraient pu faire dresser mon chibre.

Je souris en me remémorant ses quelques vers. Quelle audace quand même !

Bzzz bzzz. Quelqu’un appelle.

Jeanne a eu un accident de voiture. Elle ne viendra pas ce soir.

Elle vient de mourir.

J…Jea…Jeanne…



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