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Photo du rédacteurMarion Daure

L'odalisque

Dernière mise à jour : 29 mars 2022

"Carnation". Écrire au maximum une page A4 “inspirée” par La Grande Odalisque d’Ingres. (consigne de Jean-Michel Devésa)




Tu m'observes, n'est-ce pas ?

Qu'est-ce que tu regardes ? Mes yeux peut-être ? Ou mon dos, mon dos allongé pour que tu le trouves encore plus beau.

Et toute cette peau, toute cette peau au grain serré que je t'offre. Elle est pour toi. Tu en découvres les nuances, la blancheur de mes pieds, les tons plus épicés le long de la colonne, le beige rosé de mes joues, mes lèvres rouges qui te regardent.

Tu as vu tous ces petits détails que j'ai ajoutés pour te troubler ? Pour que tes yeux courent partout et ne sachent plus où se poser. Mes bracelets, deux joncs et un anneau plus large, que tu entends s'entrechoquer, de l'or massif pour rehausser ma beauté. Mes jambes qui s'entrecroisent. Mes cheveux noirs enturbannés et l'éventail dans ma main molle, la chaleur moite de ma contrée.

Je suis là, face à toi, et je prends corps. L'Orient exhale ses parfums, la brise effleure ton visage. Je suis là et je t'attends.


Je te fais de l'effet ?

Toute cette chair, toute cette jeunesse que j'étale devant toi, pose lascive savamment travaillée. Légèrement de trois-quarts. Pour que tu puisses profiter de mes jolis seins ronds, laiteux et fermes. Pour que tu puisses deviner mes fesses en partie cachées. As-tu remarqué la fossette entre mes hanches ? Tes yeux cherchent-ils l'ombre, là, sous les draps ?

Je suis touchée par ma propre grâce, par mon propre éclat, cette sensualité me bouleverse. J'ai envie de caresser du bout des doigts ma nuque, de descendre plus bas et d'embrasser à pleines mains puis à pleine bouche mon cul. Pas toi ?


Je te choque peut-être ? Tu me vois mieux maintenant ? La volupté que j'incarne, la luxure que je te renvoie. Tu pensais pouvoir mater sans être vu mais c'est moi qui te regarde. Je vois au plus profond de toi, au fond de tes entrailles. Je te déshabille et je scrute en toi les moindres détails. Tu es plutôt bel homme, toi aussi, avec tes muscles bandés, ta peau satinée aux reflets cuivrés. Viens t'asseoir, là, sur le banc, face à moi, jambes croisées et dos cambré. Regarde, regarde autour de toi. Toutes les jeunes femmes, toutes les jeunes filles des esquisses, des études et des peintures qui s'avancent vers toi, nues. Elles amorcent leur mue. Elles se décharnent, se désincarnent, c'est une danse macabre qu'elles font autour de toi. Tu pourrais rejeter la tête en arrière et partir d'un grand éclat de rire, ce serait charmant. Quoi ? Tu n'as pas envie de rire ? Pourtant, j'ai bien vu l'étincelle dans tes yeux quand tu me regardais tout à l'heure.

Allez, nous ne sommes pas si cruelles. Reprends tes habits, reprends ton regard et va-t’en.


Je suis une jeune fille à poil, prisonnière de sa toile, d'une époque, d'une vision. Mais je la brûle cette toile. Je suis le portrait de la jeune fille en feu.






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