Écrire une microfiction à partir du poème Le Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud, 1888. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)
– Hola ! y ‘a-t-il quelqu’un ici ?
L’obscurité s’étend devant les yeux du jeune homme. Il ne sait où il est ni qui l’a conduit à cet endroit mystérieux, où les sons du hiboux montent à travers les branches croisées des arbres nus. De ses doigts tremblants, il touche un trou dans le ventre qui saigne du sang noir mais il ne ressent rien, la moindre douleur ne dérange pas son corps mouillé de sueur de la tête aux pieds. Son cœur bat alors la chamade, c’est illogique ce qui se passe, comment un trou horrible ne lui inflige-t-il pas une douleur ? Pourquoi ne ressent-il rien ?
Le jaillissement du sang qui s’écoule du ventre troué tel un fleuve l’évanouit. Il tombe par terre. Il veut sentir la douleur, il le doit ! La sentir, sinon il tombera fou. Il empoignarde le trou avec tout ce qu’il a de force. Point de douleur. Que se passe-t-il ?
– Es-tu fou ? Mais pourquoi te frappes-tu le ventre et cherches-tu une douleur que tu n’atteindras plus ?
– Qui est là ?
– Un ami, je suis tombé ici il y a un quart de siècle.
– Un quart de siècle ? De qui vient cette voix qui me parle dans l’obscurité aveuglante ? Suis-je devenu fou ? Oui, certainement que je le suis. Je ne me rappelle pas ce qui m’est venu ni ce qui a causé ce trou horrible que je touche. Mon corps se vide de son sang à une vitesse incroyable tandis que ma tête est toujours là. Je dois être évanoui. Je dois avoir perdu conscience depuis longtemps mais ça ne se passe pas ! Mais pourquoi suis-je encore vivant ?
L’homme parle comme si la voix masculine qui lui a parlé tout à l’heure n’existait pas mais celle-ci revient et répond à sa question :
– Tu es mort, jeune homme, ton corps est mort voilà pourquoi tu ne ressens pas la douleur mais ton âme rejoint le ciel depuis l’aube. Bienvenue dans ton nouveau monde
– Quoi ? Qui êtes-vous ? Dios mio
– Je suis Paolo, un soldat fasciste, mort depuis l’avènement de la seconde guerre mondiale, je suis mort suite à un bombardement des forces nazies et depuis, j’attends qu’un ami me rejoigne. Maintenant, c’est ton rôle de te présenter, je peux te tutoyer, nous ne comptons plus dans la vie des hommes trop rigides et cintrés dans leurs costumes étouffants donc abandonnons nos étiquettes insensées et soyons simples dans notre démarche.
Un flash-back bref fait remonter Franco au temps passé, il se rappelle avoir été dans un terrain de guerre et avoir lutté contre une armée ennemie. Il pleure sur son sort pendant quelques moments puis il répond en bégayant :
– Moi, je suis Franco, un soldat espagnol en service du système franquiste.
– Ah ! Malheureux que nous sommes.
– Pourquoi ?
– Tous deux nous étions des pions dans la main des dictateurs qui font la guerre à leurs peuples pour satisfaire leur ego et, nous, soldats naïfs qui croyions défendre la patrie, nous ne faisions que tuer nos frères et nos sœurs tels des bêtes. Jeune homme, toi, peut-être à cause de ton jeune âge tu ne comprends pas le fonctionnement du système et tu es devenu soldat au service d’un tyran sans le connaitre. Mais moi, j’ai cru que mon âge et mon expérience militaire me préserveraient de tomber dans l’erreur. J’ai cru être sage et lucide durant toute ma vie mais ce n’est qu’après ma mort que j’ai compris que j’ai commis des torts impardonnables, envers ma personne et envers l’humanité.
– Mais pourquoi l’obscurité nous entoure-t-elle et pourquoi sommes-nous incapables de nous voir ?
– Nous ne voyons pas mais nous nous entendons et nous nous connaissons très bien car nous sommes deux mais à la fois un : nous défendons les mêmes valeurs et les mêmes principes qui nous amènent à tirer aux innocents en faveur de la dictature ce qui nous fait vivre dans la vie ainsi que dans la mort, dans l’éternelle obscurité !
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