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Photo du rédacteurPauline

La Veuve Blanche (extrait)


En s'éloignant la calopsite qui se tenait toujours sur l’épaule de Laura se tourna dans le sens inverse pour regarder François. Subjugué par la foule, les oiseaux et les mouvements de va-et-vient des éleveurs, François resta un moment sans réaction. Après quelques secondes, il se décida à sortir de sa bulle et s’avança vers les rangées, les mains dans les poches. Son regard balayait l’assistance, et sa tête tournait de manière répétitive à droite puis à gauche. Il y avait tellement à voir. Les oiseaux apportaient une touche colorée à cet univers étonnant. Juste devant, un monsieur s’apprêtait à repartir avec une perruche, un peu plus loin une petite fille regardait avec admiration un diamant de Gould, elle s’empressa de tirer sur la manche de ses parents pour le leur montrer. François esquissa un sourire mais il se sentit quelque peu désorienté. Alors, un pincement au cœur surgi de nulle part, cette douleur invisible sur laquelle on peine à poser des mots, tellement sa description est difficile. Il repensait à Évelyne, à ce qu’elle aurait peut-être dit, ou penser. Son imagination le heurta à un mur invisible, car oui il n’en savait rien, il aurait aimé voir sa réaction et cette image le paralysait, le replongeant dans le déni, dans le blanc. Ah oui, toujours ce blanc dans lequel il se trouvait. En revenant peu à peu à la réalité, François s’aperçut que des personnes s’étaient rassemblées devant une estrade où se tenaient les trois gagnants du concours. Jugeant le tour des lieux terminé et souhaitant prendre l’air, François s’éclipsa peu à peu pour se diriger vers la sortie. Mais en s’éloignant, il aperçut un éleveur, plus rigide et moins respectueux vis-à-vis de ses animaux. À côté de lui, une cage avait subi une mauvaise chute. Ce monsieur ne prit pas la peine de la remettre en place et de vérifier si le malheureux qui se tenait à l’intérieur allait bien. Il s’éloigna, en composant un numéro. Pour une fois, François prit les devants en sortant de son petit monde intérieur et prit la cage doucement entre les mains. Il la disposa de façon plus confortable mais l’oiseau, paniqué, se cognait dans tous les sens. Lorsque celui-ci cessa enfin tout mouvement, François s’aperçut qu’une aile était dans un sale état. Le petit animal dont la respiration était saccadée ne bougeait plus, les yeux ronds, emplis de détresse.


– Ouh toi, tu as eu la peur de ta vie, pas vrai ?, dit François avec une voix posée.


Il eut littéralement un coup de cœur pour l’oiseau. Et beaucoup de son entourage auraient ri

nerveusement mais lui souriait, car il était de couleur blanche. Un signe du destin ? Qui sait.


– Je peux savoir ce que vous faites, vous ? C’est interdit de toucher à quoi que ce soit ici...


François ne s’était pas rendu compte que le propriétaire était revenu vers lui, furieux.


– Il me semble que vous l’avez laissé tomber, d’ailleurs il est à vous ?

– En voulant le déplacer, cet imbécile s’est jeté contre les grilles et s’est blessé. Résultat je ne peux plus le présenter, à quoi bon ? De toute façon il ne m’est plus d’aucune utilité.


François ne savait que dire devant de tels propos. Cependant, grâce à Évelyne, il avait suffisamment de recul pour savoir comment l’élevage pouvait bien se dérouler. À l’origine, les oiseaux ont une couleur bien spécifique. Mais il faut rendre l’animal toujours plus beau. On parle alors de mutations. Alors ça oui, ils étaient magnifiques mais une personne qui s’y connaît vraiment verra le potentiel dans une couleur dite naturelle. Ne cherchant pas à donner une autre étiquette à ce petit être déjà exceptionnel. Bien sûr, peu importe de qu’elle espèce il venait, le blanc ne devait pas être la véritable couleur de celui-ci. Pour ce monsieur, cet oiseau n’avait plus de valeur, plus rien, pour François il avait tout. D’ailleurs, l’oiseau blanc s’était finalement redressé, cherchant une barre à proximité pour prendre de la hauteur mais ce fut un échec lorsque son aile le rappela à l’ordre. Il se tourna vers François, comme dernier espoir dans la situation dans laquelle il s’était retrouvé.


– S’il ne vous est plus d’aucune utilité, je le récupère.

– Vous êtes un idiot, vous allez vous retrouver avec un fardeau sur les bras mon cher. Enfin, si ça vous amuse, je vous le cède, pauvre fou.


Sur ces paroles, François quitte la bourse aux oiseaux. Tenant sous son bras une cage avec l’oiseau blanc.



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