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Littérature, son combat.

Dernière mise à jour : 29 mars 2022


Réécrire la microfiction Bienfaisante censure de Régis Jauffret. (consigne de Milena Mikhaïlova)



Elle ne comprenait pas : pourquoi ? Pourquoi tout le monde, que ce soit dans son entourage proche ou lointain, semblait considérer la littérature comme passéiste, voire dangereuse ? Que pouvait-il y avoir de si dangereux ou de nocif dans les romans et autres merveilles littéraires ? Après tout, elle était elle-même une lectrice acharnée et jamais le contenu d’un livre ne l’avait encore tué.

D’ailleurs, elle s’était secrètement choisi son futur pseudonyme d’autrice : Armande. Un nom ancien qui résonnait de façon agréable à ses oreilles. Dans ce genre de situation, elle ne laissait jamais rien au hasard, surtout en ce qui concernait ses écrits secrets.

Cela faisait un moment qu’Armande écrivait, plus encore qu’elle lisait. Depuis… toujours en fait, une seule ligne de roman suffisait à la captiver, à la plonger dans des univers inconnus et excitants. C’était comme s’il existait deux sortes de mondes : celui de la réalité, gris et morne ; et celui des rêves, joyeux et optimiste.

De ce fait, la bibliothèque de sa chambre avait une dimension impressionnante, mangeant une partie de la pièce. Et si jamais ses parents avaient songé à supprimer ses précieux trésors dans le feu de cheminée de la maison, nul doute qu’ils auraient également fini parmi les cendres d’une manière que seule Armande pouvait imaginer…


Cela faisait quelques années qu’elle s’était décidée pour son credo : la littérature serait son arme, les livres ses innombrables boucliers ! Des boucliers qu’elle n’avait aucun mal à trouver partout autour d’elle, en dépit des reproches quotidiens : dans les librairies bien sûr, mais aussi les bibliothèques, les maisons de la presse des aéroports et des gares et même les épiceries des stations-service ! Non, jamais le rayon littéraire n’échappait à l’œil acéré d’Armande, où qu’elle aille.

Pendant longtemps, elle s’était interrogée sur le pourquoi de toutes ces critiques injustifiées. Maintenant, elle pensait avoir la réponse : les gens étaient en fait trop conservateurs, enfermés dans une culture démodée et arriérée, les poussant à refuser de se trahir en parcourant des ouvrages qui pourraient détruire tout ce en quoi ils croyaient.

Pas étonnant que les parents d’Armande et ses amis lui paraissent si mous et lents… Elle, au moins, était vive et passionnée, autant par la vie que par le décryptage des lignes d’ouvrages en tout poil.


Cependant, il ne fallait pas croire qu’Armande méprisait ceux qui ne partageaient pas sa passion pour les lettres : en fait, elle avait plutôt pitié d’eux avec une juste sensibilité. Après tout, il n’y avait rien de mal à être victime d’un amour aussi fort que le sien, dans un domaine de l’art si sensitif.

Si on était victime de ce qu’elle appelait le “cupidon littéraire”, ce n’était pas par imprudence, insouciance, vantardise ou aveuglement : on tombait amoureux de la littérature parce qu’on le voulait. Mieux : pour certains, on était destiné à aimer les mots, à avoir le courage d’essayer de les marier entre eux, comme le ferait le héros dans ses plus intenses moments de combat contre ses ennemis.


Mais bon sang, pourquoi devrait-elle se soucier autant de ce que pensaient les gens sur ses goûts ?! Après tout, elle avait toujours été plutôt solitaire, une embusquée occupée à nourrir son imaginaire pour ses écrits. Une jolie fille aussi : des yeux de biche, un petit nez droit et malicieux, un doux sourire empreint de mystère… et le tout pourtant capable d’imaginer les plus terrifiantes nouvelles à suspense, n’épargnant pas le lecteur de détails souvent macabres.

Néanmoins, la peur ou la tristesse n’avaient jamais été les sentiments guidant la main d’Armande quand elle écrivait. Non, c’était plutôt la joie qui l’animait dans ces moments-là : joie aveugle de coucher sur le papier ou l’ordinateur toutes ses pensées et ses fantasmes, telles des bombes susceptibles d’éveiller des âmes endormies, voire de les choquer. De toute façon, qui pouvait se croire à l’abri de la littérature ? Il fallait être idiot pour croire ça.


Dans ses grands moments d’inspiration, Armande se trouvait toujours dans un état qu’elle appelait la “fièvre de l’écriture” : l’envie de transcrire lui montait alors à la tête et la laissait sans répit, s’insinuant dans toutes ses pensées. Elle devait écrire, elle n’avait pas le choix : c’était une pulsion urgente, aussi vitale que l’oxygène lui permettant de respirer.

Lorsqu’elle se réveillait chaque matin, sa première pensée du jour allait toujours pour l’écriture. Avec un tel amour en elle, il n’y avait plus à en douter : un jour, elle serait une grande autrice romanesque populaire. Et quand Armande avait une pensée en tête, nul ne pouvait l’arrêter.

Car la littérature, c’était le combat de sa vie.



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