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Photo du rédacteurKama Datsiottié

Miroitement

Perdu dans la mangrove définitivement, les pieds dans l’eau, mon amour partait à vau-l’eau, engloutissant mes rêves à en boire l’amertume et l’hallali jusqu’à tire-larigot ; la gorge sèche comme avait dû l’être celle de Tantale avant moi durant son supplice, l’eau jusqu’au menton et les cheveux constamment mouillés. Me voilà rendu au diable Vauvert ! Et mes yeux verts délavés, comme une aquarelle, lavaient mon âme dans des flots amers. Puisque insensibles étaient les vagues et que ruissellent les rêves...

Les mouvements fluides, et passant entre les gouttes et l’ondée fine, je me sentais pousser des ailes et marchais littéralement sur l’eau, je cherchais alors à mettre au sec les souvenirs de toi dans une oasis luxuriante inondée par un tel Déluge qui faisait de moi un nouveau Noé… Je fis trois pas en avant, et me décidai à creuser le sable et à enterrer tout mon précieux trésor en marquant l’emplacement d’une croix. L’amour du reste quand il n’est pas réciproque est comme un pirate manchot et borgne… Pour garder l’emplacement secret, j’assassinai méthodiquement tous les témoins gênants, mes pauvres compagnons d’infortune ; à commencer par moi-même.

Seulement la curiosité me poussait à ouvrir la boîte de Pandore et me saisir de la carte au trésor. L’envie et la peur tout à la fois me tenaillaient. Je me rongeais les ongles et me faisais un sang d’encre. Par le sang bleu ! Il n’y a pas de malédiction qui tienne ! Ni de marque noire mais juste des milliers de souvenirs de toi éparpillés sur les sept océans du vaste monde !

Je pris alors mon courage à deux mains et me saisis d’une fine lame pour faire levier sur le mystérieux coffre si longtemps enterré et tenu secret. Des perroquets et autres cacatoès tout autour de moi me rirent au nez et s’écrièrent : Tsuuunaaamiii ! Tsuuunaaamiii ! En insistant de manière aiguë sur les voyelles. Je leur clouai le bec en leur disant tout de go : chut ! Flûte ! Cacahuète ! Outrés et sans doute surpris par une telle insolence, les oiseaux de malheur aux mille couleurs chatoyantes me traitèrent de doux noms d’oiseaux tout en s’envolant à tire-d’aile au loin. Comme Icare, je me brûle la langue sur le Soleil en voulant la tendre à la pluie qui tombe du ciel ou aux sources chaudes spitantes et volcaniques qui jaillissent du sol comme des geysers. Curieusement tous les liquides et fluides inversés s’éloignent de moi, me voilà condamné à errer la bouche sèche, et jamais rassasié. Miroir aux alouettes de notre déshumanité, île perdue au cœur du naufrage, nouveau Robinson Crusoé ou bien nouveau mirage...

Mais soudain, malheur à moi ! C’est un véritable raz-de-marée, un ras-le-bol général et voilà le tableau délavé, aquarelle de nos idées. Toutes les couleurs se mélangent, je dilue mes pinceaux et le “plouf” qu’ils font dans l’océan me font revenir en arrière. Je crie ton nom sous les flots, tout part à vau-l’eau, sous des trombes d’eau ; je bois toute mon amertume dans le sel de la mer. À en faire gonfler mon ventre. Je rêve à une oasis paradisiaque tandis que les vagues m’emmènent au loin, perdu, sans bouées ; tel un noyé pris dans des rouleaux marins deux fois trop grands, ballotté par les embruns de-ci de-là comme une coquille vide ou bien encore une feuille morte…

Radeau de la Méduse médusé, j’agite ma clochette d’or désemparée et fiévreusement mon drapeau blanc. Je me rends corps et âme, je me range à ton Jugement. Si Dieu existe vraiment qu’il cesse immédiatement cet effroyable châtiment. Je bois la tasse, je prends l’eau de toutes parts, mais toujours ma gorge est sèche de ne pouvoir boire tes lèvres et mon cœur encore plus dur que de la pierre. Je m’imagine en Prométhée, chaque jour damné et enchaîné à son rocher, et qu’un aigle géant originaire du Caucase vient dévorer. Narcisse a ses propres pensées, moi je n’ai fait que me pencher sur ton reflet fugace sur l’onde et je n’y ai vu qu’un affreux fantôme ! À la fois hideux et sombre…


Crédits : Le Radeau de la Méduse (1819) de Théodore Géricault (1791 - 1824), huile sur toile, 491 × 716 cm, Musée du Louvre, Paris (France)


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