On me dit liberté… dans la rue, au travail.
Mais je crois qu’on me roule. On n’respecte pas le bail.
Dans le métro lillois, j’étais là, à la barre ;
Autour de moi, des gens discutent, se taisent, se marrent.
Je me tenais debout et, derrière moi, un homme
Prenait la barre plus haut car il était plus grand.
Beaucoup trop proche de moi et sans prendre de gants,
De son sexe aux aguets, il reluquait mes formes.
Je n’savais pas quoi faire et j’n’osais pas bouger.
J’ai pourtant essayé de m’écarter. Une fois.
Deux. Il revenait sans cesse. – Qu’on me dise pourquoi !
Quand je suis descendue, il m’a suivie. – C’est vrai !
Peu importent mon nom, mes habits, mes manières.
Toi qui regardes. Tu sais. Je le vois à ton air.
Ça a duré longtemps ; presque une éternité.
Trois stations de métro ; pourquoi n’as-tu rien fait ?
On te dit liberté… et toi-même, t’obéis.
T’obéis à tes proches, t’obéis à cette vie.
On te voudrait vivante, tu te trouves livide ;
On te veut souriante, en toi ce gouffre, ce vide.
Alors, tu prends de la hauteur ! Tu t’envoles (vol)
Puis tu CHUT. Tu redescends tes manches. Puis attaches
Tes boutons. Les voix se taisent ; tu te trouves lâche.
Tu dissimules au monde les traces de ton envol.
Tu lui dis, à la France, que tu veux en finir ;
Elle te répond : « ça passera, tu iras mieux…
Plus tard. Tu verras. » Tu n’en crois pas tes yeux :
On te propose de vivre, mais jamais de mourir.
On leur dit liberté… elles en profitent trop,
Ces grandes entreprises. Elles te promettent travail,
Respect, épanouiss’ment. Une employée de trop,
C’est tout ce que tu es. Ne pas montrer de faille,
C’est parfois difficile. Tu te forces pourtant,
Au moins pour tes deux filles, pour payer leurs études.
Les genoux défoncés et l’estime égal’ment,
On vient te licencier pour cause d’inaptitude ;
Te suspendre au crochet des gens handicapés
Un tout p’tit peu trop jeunes pour être retraités
Et qui doivent assumer les fautes de ces puissants
Qui, sans gêne, te clouent sur un fauteuil roulant.
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