Il me semblait naturel de te prévenir mon grand d’un danger imminent qui pèse sur nous et qui nous concerne en haut lieu toi et moi. Tu ne vas pas me croire mais je suis toi mais avec quarante piges de plus dans les gencives. Autant dire que je n’ai plus tous mes chicots, tandis que toi a contrario tu n’as pas encore perdu toutes tes dents de lait. Tu sais, celles du fond qui te gênent tant… Tu ne les perdras que dans deux ans. À l’heure où je te pianote sur mon écran digital ces quelques mots, nous sommes en 2031 et nous sommes pris dans une tempête de sable thermonucléaire depuis de longs mois maintenant. C’est Apocalypse Now ! Mais sans les femmes, et sans le napalm… Désormais on se cache derrière des masques pour respirer et pour pas crever en ingérant toutes ces merdes qui flottent dans l’air. Notre humanité et notre monde n’ont pas résisté. On n’aurait pas dû jouer aux fléchettes avec la couche d’ozone en lui balançant à intervalles réguliers des fusées, à lui en trouer la peau et en lui faisant tirer les rides par des milliers de satellites en orbites. Lifting complet ! Paf paf on est refaits ! Bien sûr Hugo tu es en droit de ne pas me croire, d’ailleurs ça me fait tout drôle que je nous appelle comme ça, franchement j’ai pas l’habitude… Papa et maman me disaient toujours de pas parler aux inconnus ni non plus à me fier aux gens et avaler tout cru leurs conneries ; sans oublier de toujours refuser les bonbons que des mecs chelous en imper nous proposent à la sortie de l’école. C’est même un droit fondamental que de douter. Moi encore aujourd’hui je doute de moi-même... Aussi quand j’ai appris que cette nouvelle technologie était possible que de s’envoyer des messages à nous-mêmes dans le passé, j’ai pas hésité une seconde. Putain de moi ! J’ai tant de choses à te dire mais je ne sais même pas par où commencer. Les mots et les idées se mélangent entre eux. Ils restent alors noués au fond de ma pensée et mes doigts n’arrivent pas à tapoter sur mon clavier holographique… Tant pis, je trouverai peut-être les bons mots plus tard. Mais tout d’abord je dois te prouver qui je suis et que je suis vraiment toi. Aussi demain, jour de ton anniversaire, je vais te dévoiler le cadeau que tu recevras des mains de ton parrain : un CD d’O-zone que tu écouteras, réécouteras et feras tourner en boucle jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le lire. « Laïlaï hi, laïlaï hou ! » Mais trêve de plaisanterie tu veux bien. Désolé de t’avoir spoilé la surprise ! J’espère que tu m‘en veux pas mais en vérité tu ne m’en as pas vraiment laissé le choix… Bon je te laisse Hugo, alias mon petit moi de dix ans bientôt. Comme tu es grand maintenant ! Je te souhaite en tout cas un très joyeux anniversaire, profite bien de ta jeunesse et de ta journée demain. Je te renverrai un message vers neuf heures lorsque tu auras déballé tous tes cadeaux et quand tu auras compris que j’avais bel et bien raison. Passe le bonjour à Papy et à Mamie de ma part et serre très fort dans les bras maman et papa pour moi. De là où je suis, enfin je veux dire, de l’époque post-apocalyptique où je me trouve ; ils me manquent… J’aimerais tant pouvoir tracer ma route comme ce SMS et revenir en arrière sur l’autoroute du temps. Me fondre en toi, me fondre en nous, ne faire plus qu’un ! Et tout revivre ou bien recommencer de zéro une nouvelle fois !
XK Limoges, le 02-12-21
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