Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa)
Je m'agenouillai devant les cierges. Je joignis mes mains. Mes bagues firent un léger tintement en se touchant. Le rosier autour de mon cou, la croix sur ma poitrine. Je levai mon visage pour l'opposer à celui de la Vierge qui dans sa posture devait faire de même que moi mais en s'adressant au Tout-puissant sans doute. Je me mis à réciter ma prière de nuit en la murmurant à peine. Puis j'ouvris le tiroir de ma table de nuit, je pris mon revolver 8mm, je vérifiai rapidement le barillet et je le mis dans ma ceinture derrière mon dos. Je retirai du tiroir un feuillet également sur lequel étaient notés un nom et une adresse. Je le parcourus et l'empochai. Je me levai, j'embrassai ma croix, je jetai un dernier regard sur la mine de la Sainte Mère, puis je sortis de mon appartement.
Je démarrai ma voiture et cinq minutes plus tard je me retrouvai sur le boulevard, en plein trafic. Je sortis une cigarette de la poche de ma chemise et je l’allumai avec l’allume cigares. J’avais les glaces ouvertes, une prostituée se permit donc de s’accouder sur ma porte et me proposa un tour pour une somme assez rationnelle, mais je ne me sentais pas dans l’humeur : j’avais un job et les jobs je les prends au sérieux. Dans mon cas, ce serait risqué autrement.
J’eus du mal à me garer. Ce con habitait dans une des parties les plus animées de la ville. En déposant ma voiture je dus aller quatre blocs jusqu’à son immeuble. J’avais de la chance : une vieille dame venait juste d’arriver avec un sac plein de légumes et de fruits, je lui proposai donc mon aide pour le monter pour elle. Elle accepta avec gratitude. Elle voulait même me donner un dollar pour mes services. Je refusai.
De là, je n’avais qu’un étage à monter. Appartement 106. C’est bien ça. J’essayai la poignée. Très souvent les gens ne ferment pas leurs portes. Dommage pour eux. Le vestibule était sombre. Je ne voyais qu’une lueur faible bleutée du côté gauche. De là s’émanait aussi le son d’une télé. Ce sera simple – je me dis. J’enlevai donc mes chaussures et je partis en direction de la chambre. En même temps, je pris mon arme, je tirai le chien et je le tendis obliquement devant moi. L’on ne sait tout de même jamais si on nous attend. Mais le gars était assis dans son grand fauteuil face à l’écran et me montrant son dos. Peut-être, il s’était endormi. Je regardai ma montre. Dix heures quarante-six. Bon, bah, il est temps de s’y mettre. Je pointai le canon vers sa tête et je fis un tour pour le voir mieux. J’étais sur le point de déclencher lorsque j’aperçus son visage. Il était mort. Il s’était tiré une balle dans le crâne lui-même apparemment parce qu’il avait un pistolet à la main. Hm. Il devait s’attendre à ce que quelqu’un vienne. Ou alors il n’en pouvait plus… peu importe. Je serai payé demain.
Je sortis doucement de l’appartement, je descendis les escaliers et je me trouvai de nouveau dans la rue. Il y avait une masse de gens et un tumulte affreux. Ça commençait à m’énerver donc je partis en hâte vers ma voiture. Sur le chemin, j’eus envie d’aller voir un film de cul. Il était quand-même vendredi. Et un peu de détente allait me faire du bien.
Je payai trois dollars et j’entrai dans la salle où venait juste de commencer le film Rocco s’agenouille devant les vierges.
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