Écrire une microfiction en intégrant dans l’ordre que vous souhaitez “blessure”, “lumière” et “pamplemousse” (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)
Obscurité
Lumière
Flash violent
Hurlements dans la chambre
Réveil en sursaut, on me tire du lit ou plutôt d’un état comateux, je suis imprégné d’un rêve étrange et pénétrant, pour tout dire, je suis encore empêtré dedans
J’ouvre avec douleur les yeux
Un lit que je ne reconnais pas
Bribes
Je déroule le fil de ma soirée
En remontant chronologiquement les événements
et en essayant du mieux possible
de les agencer un à un
Mais rien ne vient
Pour l’heure j’ai la tête gonflée comme un pamplemousse rose
le cuir chevelu et mes doigts recouverts de sang
guerre et paix
plaies et blessures
Les explications logiques viendront après
Tout comme les regrets
Et si j’étais rentré
Et si je ne l’avais pas suivi au bar
Et si
Et si
Et las
Tout se mélange et devient flou dans mon esprit
J’ai l’impression de devenir fou et de vivre comme dans un rêve ma propre expérience de dédoublement corporel
Sauf que les bribes sont en suspension
Et mon corps tout entier entre en lévitation
Soudain les flics appuient sur l’interrupteur
des cris :
Pas un geste !
Je ne sais même plus où je suis
Tous les événements se sont mélangés comme un élastique sur lequel on aurait trop longtemps tiré et qui se serait soudain violemment rompu
Des fragments de moi
Des restes de ma soirée
un peu partout disséminés
Voilà tout ce qu’il reste de moi
Je passe une main sur mon crâne
et la passe devant mes yeux
Elle est recouverte de sang
C’est une main rouge qui se détache sur le fond noir de la Nuit
Je ne comprends rien à rien
Je croyais dormir dans mon lit
et faire un drôle de cauchemar
Mais ceci n’a rien d’un rêve
J’en veux pour preuve ces menottes que l’on me passe aux poignets
Le métal est froid
Et mes os cognent sur l’acier dur
Suis-je devenu fou ?
Bon sang, qu’ai-je fait ?
Suis-je moi-même ?
Suis-je un autre ?
L’alcool ou sans doute les coups que l’on m’a portés au visage
ont achevé ma quête symbolique de l’anéantissement
Et je me vois déambuler dans les couloirs abandonnés de l’hôpital
Comme si ma propre vie était en jeu
Dans un film ou bien dans un jeu vidéo
Je perds pieds
J’agis
Je fuis
Je fuis ce monde aseptisé
Et cette odeur de mort tout autour de moi
Qui m’emplit les narines
Et qui me renvoie en plein visage
Les conséquences de ma décrépitude
La soirée a tourné au désastre il semblerait
Ma folie s’est montrée d’autant plus inconséquente
Et pour la première fois de ma vie
J’ai peur…
Non pas de la mort
Mais de me souvenir…
XK (St Flo, le 29.04.22)
Crédits : Le soldat blessé (1870) de Albert Anker (1831-1910), huile sur toile
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