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Photo du rédacteurMarie Pompier

Trio de nymphettes

Écrire une microfiction à partir du poème Le Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud, 1888. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)


La chemise brusquement arrachée du tendre lit de la rivière est rapidement essorée par les mains expertes. Un coup d’œil aiguisé pour vérifier que le côté droit n’osait plus arborer de tache et Henriette expédie le linge dans le panier derrière elle. Pendant un court instant, seul le bruit de l’eau battue par les mains caleuses résonne dans la vallée. Mais bien vite, Claudette reprend :

« - Et si seulement c’était tout ! Mais c’est qu’en plus de ça, sa fille est d’un vulgaire, pas étonnant qu’avec une allure pareille elle ait des mœurs plus légères que de la dentelle.

- Mon pauvre Riri en a d’ailleurs fait les frais. La gourgandine le trompait avec le village entier, c’est même toi Yvette qui m’en as assurée, ajoute une Henriette scandalisée. Face à elle, la brave lavandière hoche fièrement la tête.

- Oui enfin, ton Henry il l’avait bien un peu cherché, assène Claudette. À passer ses journées dans le sofa, pas étonnant qu’il ne trouve pas de brave petite pour tenir son ménage. Tandis que mon Cloclo, lui, n’avait rien demandé. Elle venait à peine d’arriver, et c’est de bon cœur qu’il s’était proposé pour lui faire visiter la commune. Le pauvre enfant n’aurait jamais pu se douter que la perfide l’utiliserait pour s’installer avant de lui interdire l’accès de l’appartement qu’il leur avait lui-même trouvé.

- Dans mon souvenir, elle l’a quitté après qu’il a eu dépensé tout leur pécule dans le bistrot stratégiquement placé sous l’appartement dont tu parlais, glisse Yvette. Non, la vraie victime n’est pas Claude, c’est mon petit Yvon. La garce l’a détourné de sa véritable vocation. Le minot avait toujours voulu écrire, j’avais même gardé toutes ses cartes pour les journalistes qui auraient, plus tard, voulu voir les débuts du génie. C’est du gâchis moi je vous dis.

- Yves, écrivain ? Non mais tu délires Yvette. Ton fils, il a jamais su aligner trois mots sans faire de faute, glousse Henriette. »

Elle s’apprêtait à continuer quand un « Bonjour » retentissant la coupe net. Dans son dos passe la belle Berthe. Son parfum délicat fait éternuer Claudette qui la repère toujours comme ça. Les trois commères lui adressent leur plus beau sourire édenté et Yvette lâche même son lainage pour lui faire un signe amical. Aussitôt qu’elle est hors de portée, les nymphettes sont unanimes pour une fois et soufflent d’une même voix :

« Salope »

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