Écrire une microfiction à partir du tableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova)
Soleil était assise là, autrefois. Elle aimait cette aube qui pointait le bout de son nez, cette lumière qui réchauffait son pelage et cet air frais qu’elle humait. Elle était à l’aube ce que le fer était pour un aimant ; l’euphorie nocturne de courir après la souris et d’abuser d’un dangereux lait n’étant jamais suffisantes pour qu’elle manque un tel spectacle. Tout était parfait… ou presque. Pourquoi apprécier ce cadeau, si ça devait être sans ses fidèles compagnons ? Souvent, Mystère et Neige étaient trop assommés par ces mêmes ivresses pour le partager avec elle. Mais parfois, seulement parfois, trois petits chats se réunissaient devant l’aube... et Soleil ne pouvait être plus comblée.
Pendant un temps, Mystère et Neige crurent ne jamais guérir. Leurs cœurs enflèrent de cette douleur et de cet horrible sentiment de ne pas avoir assez profité de leur amie disparue. D’avoir une culpabilité, et d’en être les responsables. Bien sûr, trop dur d’accepter la vérité ; plus facile de s’accuser... alors ils se feulèrent dessus.
Encore.
Et encore.
Et encore.
Tant qu’ils purent.
Jusqu’à ce que, après la grisaille et les larmes de la nuit, ils se murent dans le silence. Pour Mystère, l’aube imminente n’est que synonyme d’une triste journée. Il ne s’attend pas à trouver Neige dans ce jardin, les pupilles perdues vers l’horizon. Il se surprend même à s’asseoir près d’elle. Un long moment passe, sans un mot ; Neige éclate en sanglots, sans un mot ; Mystère l’attire contre lui, sans un mot. Ils pleurent. Se comprennent enfin. Des trois petits chats ils ne sont plus que deux, lorsqu’un rayon de soleil leur sourit au travers des nuages.
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