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Photo du rédacteurGarance Accily

Un amour à travers le temps et l'espace (1/2)

Dernière mise à jour : 11 juin 2022


N.B. : Cette histoire est la réécriture - plus fournie - d’un récit secondaire tiré d’un jeu vidéo.


Il était une fois, dans une lointaine dimension, il y a des années de cela… Deux tribus vivant sur les mêmes terres. Bien que très différents, ces deux peuples n’étaient pas ennemis et vivaient dans la paix. Cela ne les empêchait pourtant pas d’avoir certains préjugés les uns sur les autres.


Cependant, parmi ceux qu’on appelait les êtres des Ténèbres, il y avait un beau jeune homme qui ne partageait guère les mêmes idées que les gens de sa nation : il se nommait Dimitri. Fils du comte Vasya, il était également l’un des membres les plus importants de la noblesse de la Tribu des Ténèbres, et bien que ce peuple soit porteur de pouvoirs majoritairement maléfiques, il n’en faisait plus mauvais usage comme cela fut le cas, il y a maintenant quelques siècles.


L’autre tribu, celle des Anciens, possédait des pouvoirs dits « bénéfiques » : ils les utilisait au service du bien. Parmi toutes ces personnes vivait une charmante jeune fille sans pouvoir distinct du nom de Tatiana. Orpheline de père et de mère, elle vendait des fleurs dans le petit village où elle habitait, toute seule.


Un beau matin de printemps, Tatiana décida d’aller cueillir des fleurs dans le petit bois de son village. Panier en main, elle s’engagea sur le sentier en fredonnant un air joyeux. La journée était belle : le soleil brillait sans brûler, le ciel était dégagé de tous nuages et une légère brise rafraîchissait l’air, faisant gonfler le jupon de la robe rose pâle de Tatiana ainsi que ses longs cheveux blonds cendrés. Ses grands yeux verts s’étaient fermés pour mieux apprécier la caresse du soleil sur son visage. Quand elle pénétra finalement dans la forêt, elle s’amusa des papillons qui virevoltaient tout autour d’elle et, tout en cueillant diverses fleurs sauvages, elle riait en voyant les papillons venir se poser sur ses épaules ou sur sa tête.


Soudain, le rire de Tatiana se tut quand elle entendit un cri déchirer le silence paisible des bois. Abandonnant son panier, la jeune fille se précipita vers l’endroit où elle avait entendu le bruit et cela la mena vers une petite clairière où elle découvrit le corps d’un homme, inanimé.


En s’approchant d’un peu plus près, Tatiana se rendit compte que cet homme n’était pas tout à fait humain : sa peau bleutée et ses oreilles pointues lui firent comprendre qu’il s’agissait d’un être des Ténèbres. Mais la jeune fille n’en avait cure : être des Ténèbres ou pas, il était de son devoir, en tant qu’être humain, d’essayer de sauver ce malheureux jeune homme dont les blessures saignaient abondamment.


Posant sa tête sur la poitrine de la victime, Tatiana chercha à écouter les battements de son cœur. Et à son grand soulagement, l’inconnu était encore vivant.


« Je peux encore le sauver, il le faut… » pensa-t-elle tout en soulevant avec quelques difficultés le corps du jeune homme. Se remettant en marche, elle alla récupérer son panier puis rentra rapidement chez elle pour pouvoir s’occuper de son blessé.


Car en plus d’avoir l’art de s’occuper des fleurs, Tatiana était également une excellente guérisseuse, connaissant les secrets des plantes et des herbes médicinales. Cela compensait le fait qu’elle ne possédait pas de pouvoirs ordinaires comme les autres membres de son village, comme la télékinésie ou la lévitation.


En revanche, ce que Tatiana ignorait, c’était que le jeune homme n’était nul autre que le jeune Dimitri. S’étant aventuré un peu trop loin de son royaume, il s’était retrouvé dans le bois du peuple des Anciens. Là, une horde de loups avait alors surgi des bosquets et s’était lancée à la poursuite du malheureux être des Ténèbres. Ne regardant pas devant lui, Dimitri n’avait pas vu la falaise et avait fait une chute qui aurait pu être mortelle à un être humain normal. Mais lui avait été simplement blessé, heureusement. Cependant, quelles blessures ! Si Tatiana ne l’avait pas entendu, sans doute aurait-il fini par périr.


Arrivée dans sa petite maison, la jeune fille installa Dimitri dans son lit et prépara le matériel nécessaire : plantes guérisseuses, bandages, désinfectants… Peu après, elle s’occupa de son blessé tout en faisant attention à bien serrer les bandages.


Tout en le soignant, Tatiana eut le loisir d’observer à toute aise l’être des Ténèbres. Il faut dire que c’était la première fois qu’elle en rencontrait un. Petite, on lui avait souvent raconté qu’il s’agissait de créatures horribles doués de pouvoirs maléfiques terrifiants, de véritables démons ! Et pourtant, Tatiana comprit en cet instant que toutes ces histoires étaient fausses : elle trouvait le jeune homme extrêmement beau, en dépit de sa peau bleue et de ses oreilles pointues. Quant à son visage, ses traits d’une grande douceur n’exprimaient aucune image de menace à ses yeux.


« Mais que m’arrive-t-il ? » songea Tatiana, surprise de ses étranges pensées. Secouant la tête, la jeune fille décida de se reconcentrer plus sérieusement sur sa tâche.


A cet instant, Tatiana vit les traits de son blessé se contracter. Elle comprit alors qu’il était en train de reprendre connaissance et un sourire soulagé naquit sur son visage.


– Mmm… Ouille…, marmonna Dimitri, sortant de sa torpeur.

– On se réveille enfin ? demanda Tatiana, toujours souriante.


Finalement, Dimitri ouvrit grand ses yeux d’un bleu azur très pur, faisant battre un peu plus fort le cœur de la jeune fille, bien que celle-ci ne s’en rendit pas compte.


– Mais… où suis-je ? C’est… une maison d’humain ? demanda le jeune homme d’un ton de voix qui paraissait être effrayé.


D’abord étonnée par la question, Tatiana comprit rapidement le sentiment d’insécurité qui émanait de l’être des Ténèbres :


« Il n’est pas dans son monde habituel : là-bas, il fait toujours nuit, et cela est peut-être la première fois qu’il voit le soleil, des fleurs d’hibiscus roses et une humaine ! » songea-t-elle, avec amusement, tout en faisant référence aux fleurs qui décoraient sa petite demeure.


Mais en le voyant trembler, Tatiana se décida à le calmer et à le rassurer :


– Ne t’agite pas ainsi. Je t’ai trouvé au pied de la falaise : tu as fait une sacrée chute. Mais tu n’as pas à t’inquiéter pour ta vie : je me suis occupé de tes blessures et elles seront guéries dans quelques jours, je peux te l’assurer.


À cet instant, Tatiana se rendit compte que le jeune homme ne l’observait plus avec de la peur dans les yeux. Au contraire, il semblait, à présent, à la fois surpris et curieux.


– Tu es humaine… Je ne te dégoûte pas ? Je viens de la Tribu des Ténèbres…, lui dit-il avec une certaine appréhension.


Ce fut au tour de Tatiana d’être stupéfaite. Elle n’en revenait de cette question qu’elle trouvait totalement saugrenue !


– Quelle importance ? dit-elle d’une voix sincère, tout en resserrant le bandage du bras droit de son blessé. Il faudrait être un monstre pour ne pas aider une âme blessée !


Dimitri, à son tour, demeura sans voix. La douleur de ses écorchures n’était plus rien comparée aux paroles que la jeune fille venait de prononcer. On lui avait souvent dit qu’il fallait se méfier des êtres humains… et pourtant, cette fille lui inspirait confiance. De plus, il la trouvait extrêmement jolie : ses yeux, en particulier, le captivait. Grands, d’une couleur verte semblable à celle de l’émeraude, il avait l’impression de pouvoir lire toutes les émotions de cette inconnue à travers son regard. Oui décidément, cette petite humaine était vraiment intrigante… Soudain, une douleur le tira de ses rêveries.


– Ah ! s’exclama-t-il en grimaçant.

– Oh désolé ! s’excusa Tatiana, confuse.


Elle s’empressa de desserrer le bandage du bras puis, elle se leva de sa chaise.


– Bon, étant donné la gravité de tes blessures, il vaudrait mieux que tu restes avec moi le temps que tu te rétablisses totalement. Maintenant, repose-toi.


Et alors qu’elle s’apprêtait à sortir, elle entendit la voix de Dimitri lui demander :


– Où est-ce que tu vas ?

– Au marché. Je dois acheter de quoi manger car je risque de ne pas en avoir assez pour nous deux, expliqua-t-elle.


Et alors qu’elle ouvrit la porte, elle se retourna et dit :


– Ah oui, j’ai failli oublier de me présenter ! Je me nomme Tatiana. Et toi ?

– Mon nom… C’est Dimitri.

– Eh bien Dimitri, sache que je suis ravie de te rencontrer !


Sur ce, elle lui fit un petit salut de la tête et s’éclipsa. Quand à Dimitri, il finit par s’endormir et se mit à rêver d’une belle jeune fille aux longs cheveux châtains et aux grands yeux couleur émeraude. Son nom était Tatiana…


Ce jour-là, leurs chemins se croisèrent.


Ce jour-là… marqua le début d’un destin tragique.


Deux semaines plus tard…


Du haut de la colline, alors que le soleil lançait ses derniers rayons flamboyants, Tatiana s’impatientait et tournait en rond. Voilà un bon moment qu’elle attendait Dimitri et celui-ci n’était toujours pas là ! Pourtant, aux deux précédents rendez-vous, il était arrivé à l’heure. La jeune fille ne finissait pas de s’interroger sur le retard de celui-ci :


« Et s’il ne voulait pas venir me voir ? Et s’il s’était finalement lassé de ma compagnie ? » songea-t-elle avec inquiétude.


Soudain, un coup de vent la fit se retourner. Quel soulagement ! Dimitri était enfin arrivé. Il était un peu essoufflé, comme s’il avait beaucoup couru.


– Tu es en retard, reprocha gentiment Tatiana à son ami. Tu as eu un problème ? – Oui, mon père m’a puni, expliqua le jeune être des Ténèbres, légèrement embarrassé. Ça n’a pas été facile de sortir du château après ça.

– J’ai eu peur, avoua la jeune fille, j’ai cru que tu ne viendrais pas…

– De toute façon, je serai venu te voir, puni ou pas, répondit Dimitri d’une voix douce. Tu n’es pas comme les autres… Tu sais ce que je suis, mais tu n’as pas peur de moi.

– Peu importe ce que tu es, déclara Tatiana d’un ton de voix ferme. J’avais juste envie de te voir. Est-ce si… anormal ? s’interrogea-t-elle serrant contre son cœur son minuscule bouquet, composé de deux fleurs de lilas mauves.

– Non… Non, pas du tout ! se récria Dimitri avec une franchise fougueuse. J’avais envie de te voir, moi aussi…


Très proches l’un de l’autre, les deux jeunes gens se regardèrent avec une sincère tendresse. Car tel était la naissance des premiers sentiments amoureux…


Soudain, un rayon du soleil couchant vint les frapper au visage, les surprenant tous les deux, avant qu’ils n’éclatent de rire :


– Ah, ce cher soleil ! s’amusa Tatiana. Il nous prendra toujours au dépourvu, n’est-ce pas Dimitri ? Ce n’est pas souvent que tu as dû le voir.

– C’est vrai, admit le jeune homme. Les seules fois où je l’ai contemplé, c’était en ta compagnie, ma chère Tatiana…


Il poussa un soupir puis s’assit sur l’herbe, à l’ombre du sycomore, le regard perdu vers la lumière. A cet instant, Tatiana, fixant son ami du regard, le trouva vraiment très beau, illuminé ainsi par le soleil couchant. S’approchant de lui, elle lui demanda :


– Dimitri… Est-ce que je peux m’assoir à côté de toi ? - Bien entendu Tatiana, répondit celui-ci en regardant la jeune fille avec un sourire. Mais reprenons notre discussion. Je veux mieux te connaître…


S’asseyant à côté de Dimitri, Tatiana se blottit contre son torse et les deux se mirent à bavarder joyeusement, tandis que le soleil continuait à décliner doucement.


Pour comprendre les choses, revenons un peu en arrière :


La convalescence de Dimitri avait duré une bonne semaine et durant ce temps, lui et Tatiana avaient appris à mieux se connaître. La gêne des premières conversations avait bientôt laissé place à un bavardage incessant, mêlé d’éclats de rires. Peu à peu, ils s’étaient découvert des goûts communs, comme la passion des fleurs - surtout les roses - et celle de la lecture.


Finalement, lorsque le jeune homme avait fini par guérir, les deux amis avaient été bien tristes de devoir se séparer. A tel point que Tatiana avait demandé à Dimitri s’ils ne pourraient pas se revoir. Celui-ci fut d’accord et lui avait proposé un rendez-vous dès le lendemain, dans un endroit près de leurs deux terres, non loin de la falaise où Dimitri avait fait sa chute. C’est un lieu charmant, surtout au coucher du soleil et Tatiana avait approuvé lorsqu’elle était arrivée.


Ce jour-là, ils discutèrent tellement que la nuit était tombée lorsqu’ils rentrèrent chez eux, chacun de leur côté. Mais ils se promirent de se revoir très vite. Ce fut chose faite lorsque la semaine suivante, Dimitri envoya une lettre empreinte d’affection à Tatiana, l’invitant à la rejoindre au même lieu que la dernière fois et à la même heure. Celle-ci fut si heureuse ! En fait, c’était bien la première fois qu’elle avait un véritable ami, juste pour elle.


Pourtant, la jeune fille ne pouvait s’empêcher de trouver son amitié avec Dimitri un peu… étrange. Pas à cause du fait qu’il était un être des Ténèbres, ça non. En fait, elle avait l’impression que la tendresse qu’elle lui vouait lui semblait parfois un peu excessive pour une simple amitié. La nuit de leur dernière rencontre, elle se demanda même si elle n’était pas en train de devenir amoureuse de lui.


Finalement, elle décida de laisser le temps faire son œuvre, voir comment évoluerait ses sentiments et parvint à trouver le sommeil. Néanmoins, une chose était parfaitement claire pour elle : quand Dimitri était là, elle se sentait pleinement heureuse, surtout dans ses bras.


Deux mois plus tard…


Les larmes inondant ses joues, Tatiana sanglotait sans pouvoir s’arrêter. Effondrée sur l’herbe, elle aurait voulu que tout ceci ne soit qu’un cauchemar, un affreux cauchemar dont elle finirait par se réveiller. Et pourtant, ce qui venait de lui arriver était on ne peut plus réel. Et désormais, elle le savait : revoir Dimitri signifierait qu’elle courrait à sa perte.


Car il lui était apparu. Le comte Vasya, le père de Dimitri. Jamais encore Tatiana n’avait eu aussi peur de sa vie. Ni aussi mal, d’ailleurs. Les pouvoirs du comte étaient très puissants et l’avaient sévèrement blessé, physiquement. Mais ce qui faisait vraiment souffrir la jeune fille, c’était le terrifiant avertissement que le comte lui avait donné, alors qu’elle était déjà à demi-évanouie :


– Je sais, petite humaine, que vous fréquentez Dimitri et par votre faute, il se détourne du chemin qu’il doit suivre ! Je vous défends donc de le revoir. Si vous venez à me désobéir, craignez pour votre vie car mon courroux sera des plus terribles !


Et il avait disparu. Terrifiée, Tatiana finit par trouver quelques forces pour rentrer chez elle, avec l’intention de se soigner et de ne pas venir au rendez-vous que Dimitri lui avait proposé, le jour même.


Une semaine s’écoula ensuite dans la solitude pour les deux jeunes gens. Sur les terres des Anciens et des êtres des Ténèbres, il pleuvait à verse et de son côté, Tatiana s’ennuyait à mourir. Elle avait reçu quelques lettres de Dimitri qu’elle n’avait osé ouvrir, de peur que leur contenu ne pousse à aller le voir et à expliquer son étrange absence.


Lors d’une journée particulièrement venteuse, Tatiana décida pourtant de se risquer à sortir, malgré la tempête qui faisait rage. Depuis quelques jours, elle avait l’impression d’étouffer car Dimitri lui manquait horriblement. Elle avait besoin de vent, de pluie… De sensations fortes ! Bienstôt, ses pas la menèrent dans un pré où poussaient quelques tulipes jaunes.


Quelle ne fut la stupéfaction de la jeune fille en découvrant, au loin, la silhouette de son ami ! Elle le reconnut tout de suite. Hélas, elle le vit se retourner vers elle et comprit que lui aussi l’avait reconnue. Elle tenta bien de fuir mais Dimitri fut plus rapide qu’elle et la rattrapa aisément, la retenant par le poignet.


– Tatiana, qu’y a-t-il ? Pourquoi cherches-tu à m’éviter ? demanda-t-il, désespéré.

– Aïe… Ouille ! gémit-t-elle. Lâche ma main !


Mais Dimitri fut plus fort qu’elle et l’obligea à lui faire face. En le voyant, la douleur de Tatiana fut telle qu’elle se mit à sangloter, cherchant vainement à cacher ses larmes.


– Que… Mais tu pleures ! s’écria l’être des Ténèbres, bouleversé. Pourquoi ? Tu dois me dire ce qu’il s’est passé Tatiana ! T’aurais-je fais du tort ?

– Non, ce n’est rien, rien du tout…, dit Tatiana d’une voix larmoyante. Oublie ça… et oublie-moi…, ajouta-t-elle dans un murmure à peine audible.


En entendant ces terribles paroles, Dimitri comprit alors pourquoi son amie n’était pas venue à leur dernier rendez-vous et pourquoi toutes ses lettres étaient restées sans réponse.


– Oh non…, Tatiana, est-ce que mon père est derrière tout ça ? demanda-t-il, inquiet de la réponse qu’elle allait lui donner. - Je… Je ne suis qu’une fille ordinaire…, bredouilla-t-elle. Et même si je t’aime, nous devons nous séparer…


À ces mots, Dimitri faillit perdre tous ses moyens. Elle l’aimait… Elle l’aimait ! Lui qui pensait qu’elle ne partagerait pas les sentiments qu’il avait pour elle… Car l’être des Ténèbres avait fini par tomber éperdument amoureux de la jeune humaine.


– Tatiana… murmura-t-il. Je…

– Nous devons nous dire adieu, Dimitri, le coupa sa compagne d’une voix tremblante. Nous n’avons pas le choix. C’est notre destin… conclut-elle avant de se détourner de lui.

– Tatiana, je t’en supplie ! cria le jeune homme, au plus fort de son désespoir.


Celle-ci se retourna et sans qu’elle n’eut le temps de protester, Dimitri la serra dans ses bras. D’abord abasourdie, Tatiana se laissa faire. Bien que cette étreinte fut pleine de douleur et de désespoir, elle exprimait aussi, sans aucune parole nécessaire, l’amour pur et sincère qui liait les deux amants pour le reste de leur vie.


Mais brusquement Tatiana s’arracha des bras de Dimitri et fuit son bien-aimé, les larmes continuant à couler sur ses joues. Son amant tenta de la retenir mais ne parvint qu’à arracher un ruban de soie rouge, celui que Tatiana portait dans ses cheveux.


Et c’est ainsi que le jeune seigneur vit disparaître celle qu’il aimait, dans une envolée de pétales de tulipe jaune. Il semblait que, désormais, leur amour soit sans espoir…


Un mois plus tard…


Une éternité semblait s’être écoulée pour Dimitri et Tatiana depuis leur séparation, et cette dernière laissait son chagrin la dévorer à petit feu. Il faut dire que l’absence de celui qu’elle aimait lui avait fait perdre sa joie de vivre et cela se voyait : son teint était devenu terne, ses yeux ne brillaient plus de cette lueur malicieuse qu’il y avait autrefois, et son visage affichait sans cesse une tristesse affligeante.


Au village, beaucoup de gens pensaient que Tatiana avait attrapé une maladie inconnue pour être dans un tel état et incapable de se soigner. Cependant, tous ignoraient que sa maladie s’appelait en fait l’amour… et que c’était son amour pour Dimitri qui lui faisait tant de mal.


Plus d’une fois, elle fut tentée de le revoir mais l’avertissement du comte Vasya l’avait traumatisée au point qu’elle n’avait osé transgresser l’interdit. Et la nuit, elle se maudissait pour sa lâcheté, sa plus grande faiblesse de l’humaine qu’elle était, et pleurait toutes les larmes de son corps à l’idée qu’elle ne pourrait jamais vivre avec son compagnon. Car elle en était sûre, Dimitri était l’homme qu’elle attendait. Mais comment faire vivre un amour interdit ? Tatiana l’ignorait et cela la désespérait.


De son côté, Dimitri était tout aussi à plaindre que son amante. Son absence le faisait cruellement souffrir, à tel point qu’il en avait perdu l’appétit et le sommeil, mettant sa santé en péril. Mais contrairement à sa bien-aimée, le chagrin ne lui avait pas brouillé toutes ses idées et il réfléchissait à divers stratagèmes pour faire triompher son amour envers une simple humaine, tout en pesant le pour et le contre. Et une nuit, il se réveilla de sa sieste en sursaut, l’esprit soudainement éclairé de cette simple pensée :


« Je dois épouser Tatiana ! »


Effectivement, le jeune homme avait brièvement songé à l’entreprise d’un mariage mais avait rejeté cette idée, de peur que Tatiana ne se sente pas prête pour une telle épreuve. Car un mariage signifierait qu’envers et contre tout, ils seraient liés pour l’éternité. Et l’éternité était un bien grand mot… Pourtant, jamais en cet instant, l’idée d’épouser Tatiana n’avait paru aussi excitante à Dimitri. Car passer le reste de ses jours avec la femme qu’il aimait plus que tout au monde le comblait de félicité.


Pourtant, un obstacle majeur risquait de barrer la route des deux amants : le père de Dimitri. Car même si son fils épousait celle qu’il aimait, il n’hésiterait certainement pas attenter à la vie de Tatiana afin de préserver son honneur et celui de la Tribu des Ténèbres.


« Puisque mon père n’acceptera jamais Tatiana, il nous faudra partir, quitter ce monde pour en chercher un autre. Nous devrons trouver un monde qui acceptera notre amour et ce, sans aucune concession ! » songea le jeune seigneur, déterminé.


Pourtant, Dimitri ne put s’empêcher d’hésiter. Quitter son clan ne lui ferait ni chaud, ni froid, mais il craignait que cela soit plus difficile pour Tatiana. Quoiqu’en y réfléchissant bien, était-elle vraiment heureuse là-bas ? Il avait cru comprendre, lors de leurs rendez-vous, que l’on commérait sur elle, du fait qu’elle ne possédait aucun pouvoir et qu’elle souffrait secrètement de la situation. Et si elle l’aimait autant que lui… Peut-être qu’elle le suivrait ?


« C’est décidé ! Dès que la lune sera au plus haut dans le ciel, j’irai voir Tatiana et lui exposerai mon plan, en priant qu’elle accepte de me suivre… et de m’épouser ! » songea Dimitri, qui ne put s'empêcher de frissonner à l’idée d’un refus.


Bien que la nuit fût perpétuelle dans le monde des êtres des Ténèbres, la lune agissait pour eux comme le soleil : quand elle était au plus haut, cela voulait dire qu’il était minuit, heure à laquelle les humains de la tribu des Anciens dormaient… tandis que les êtres des Ténèbres étaient pleinement réveillés. Et ce fut à cette heure tardive que Dimitri quitta son monde pour aller dans celui des humains et trouver la maison de Tatiana.


Lorsqu’il arriva, il semblait n’y avoir âme qui vive dans la petite maison de bois de son aimée. Prenant un petit caillou, il l’envoya tapoter contre la fenêtre de la chambre de Tatiana. Quelques secondes plus tard, une lumière s’alluma puis, la fenêtre s’ouvrit et Tatiana parut. En la voyant, toujours aussi belle que dans son souvenir, Dimitri crut défaillir d’émotion. Du côté de la jeune fille, elle manquait elle aussi de s’évanouir, mais de surprise :


– Dimitri ?! Mais que fais-tu ici ? Il est plus de minuit passé !

– Tatiana… Il faut que je te parle, c’est urgent ! s’écria fébrilement le jeune homme.

– Dimitri… Est-ce que tu vas bien ? Rassure-moi, tu n’as rien bu ? s’inquiéta son amante.

– Pas une goutte, lui assura ce dernier. Tatiana, il faut que je te demande une chose extrêmement importante… qui nous concerne tous les deux !

– Chut ! Moins fort Dimitri ! On risque de nous surprendre… Écoute, va dans le jardin et attends-moi, j’arrive tout de suite ! Et je t’en supplie, ne fais pas de bruit !


Trop heureux qu’elle accepte de le recevoir malgré l’heure tardive, Dimitri fit le tour de la maison pour aller dans l’immense jardin de Tatiana. Des héliotropes poussaient en masse, offrant au lieu une splendeur de couleurs brillantes, malgré l’obscurité. Alors que Dimitri admirait la beauté des fleurs sous la pâle clarté de la lune, Tatiana le rejoignit, vêtue de sa robe rose, l’air émue.


– Dimitri… Qu’est-ce qui t’a donc poussé à revenir vers moi ? lui demanda-t-elle.


À cet instant, l’être des Ténèbres se retourna et sans crier gare, il s’agenouilla devant sa bien-aimée et prit ses mains entre les siennes, arrachant un cri de surprise à celle-ci.


– Tatiana, épouse-moi je t’en supplie !

– Qu… Quoi ?! s’écria la jeune fille, sous le choc. As-tu perdu la tête Dimitri ?! Aurais-tu donc l’esprit égaré ?

– Non, jamais mes idées n’ont été aussi claires qu’aujourd’hui, déclara gravement le jeune homme. Tatiana… Au cours de ce dernier mois, je me suis rendu compte que je pouvais plus vivre sans toi. Et dis-le moi franchement, est-ce pareil de ton côté ?

– Oui…, avoua-t-elle alors dans un souffle. Ton absence me fait si mal que je me demande comment j’arrive encore à vivre aujourd’hui, alors que tu n’es plus à mes côtés…

– Justement Tatiana, continua Dimitri, fébrile. Si je suis là, c’est pour t’annoncer également qu’il va nous falloir partir et ce, le plus tôt possible.

– Quoi… Mais tu es fou ? C’est impossible… On ne nous laissera pas faire ! s’exclama la jeune fille, égarée.

– Nous n’avons plus le choix, Tatiana. Nous devons partir pour un endroit où nous pourrons vivre notre amour, répondit son amant d’une voix à la fois douce et ferme.

– Mais Dimitri, crois-tu qu’un tel monde existe ? demanda Tatiana, en s’agenouillant, l’air inquiet. Je ne veux plus te voir souffrir.

– Peut-être qu’il n’existe pas…, admit l’être des Ténèbres, songeur. Mais au moins, nous passerons notre vie à le chercher ensemble !


À ces mots, il y eut un long silence, rompu par Dimitri, la voix empreinte d’émotion :


– Alors, je te le demande encore… Tatiana, veux-tu m’épouser ? Je saurai te rendre heureuse, lui dit-il, les joues flamboyantes sous le coup de l’émotion.

– Tu n’abandonneras jamais…, répondit son amante dans un soupir. Tu es vraiment l’homme le plus obstiné du monde… et le plus fou !

– Tatiana, réponds-moi, je t’en supplie ! insista Dimitri, effrayé par sa réaction.


À cet instant, la compagne de l’être des Ténèbres releva la tête et regarda son bien-aimé droit dans les yeux, son regard brillant de larmes contenues.


– Dimitri, je t’aime, chuchota-t-elle d’une voix légèrement tremblante. Emmène-moi loin d’ici. Trouvons un monde où nous pourrons être heureux.

– Oh Tatiana… murmura Dimitri, rempli de joie.


Les deux amants se regardèrent encore un peu puis, leurs lèvres se rapprochèrent et finalement, Dimitri et Tatiana s’échangèrent leur premier baiser.


Je crois qu’on peut dire sans hésitation que l’émotion des deux jeunes gens n’avait jamais été aussi intense que ce soir-là. Jamais encore Dimitri et Tatiana n’avaient ressenti leur passion aussi puissamment qu’à ce moment-là. Quand ils se séparèrent, à bout de souffle, ce fut pour s’offrir un deuxième baiser, plus passionné et un troisième, celui-ci d’une grande douceur. Car telles étaient les émotions qu’ils ressentaient l’un pour l’autre.


Cette nuit scella ainsi la promesse faite entre Dimitri et Tatiana : trouver un monde où ils pourront vivre leur amour et se jurer que personne ne pourra les empêcher de s’aimer.


Qui aurait pu prévoir que cette promesse allait les détruire ?


Quelques jours plus tard…


Peu de temps après la rencontre furtive entre Dimitri et Tatiana, les deux amants se retrouvèrent une autre nuit sur leur lieu de rencontre pour admirer les étoiles. La soirée était douce et paisible sur les terres des Anciens et des êtres des Ténèbres et pour les amoureux cachés, leurs sentiments leur donnaient des ailes, au point qu’ils se sentaient invincibles.


Confortablement installés sur l’herbe, l’un à côté de l’autre, Dimitri et Tatiana observèrent le ciel avec admiration, ayant revêtu son manteau nocturne parsemé de mille éclats de diamant. Les nuits étant devenues plus fraîches, ces derniers temps, le jeune être des Ténèbres avait amené avec lui deux manteaux : un noir pour lui, et un blanc pour sa bien-aimée.


– Regarde comme les étoiles sont belles, Tatiana ! s’émerveilla doucement le jeune homme en serrant délicatement son amante contre lui.

– Tu as raison, Dimitri, approuva la jeune fille en hochant la tête. Et tu sais, dans mon village, on dit que les voeux faits aux étoiles se réalisent toujours.

– C’est vrai ? l’interrogea son amant avec intérêt. Dans ce cas, nous devrions en faire un.

– Pour moi, c’est inutile, répliqua tendrement Tatiana à voix basse. J’ai déjà tout ce que je pourrais souhaiter.


Surpris, Dimitri tourna la tête vers celle qu’il aimait : elle avait fermé les yeux, le visage à présent fortement pensif. A quoi pouvait-elle donc penser ?


– Oui… Mon vœu… a déjà été exaucé. Ou devrais-je dire notre vœu, n’est-ce pas Dimitri ?


L’être des Ténèbres hocha la tête, comprenant à présent ce que voulait dire sa compagne : elle parlait en fait de leur espoir de vivre leur amour, loin de tous ceux qui voudraient se dresser contre eux.


Si le couple n’avait pas encore quitté leurs tribus respectives, c’était parce qu’ils se refusaient à partir sans préparatifs convenables pour un voyage qui promettait de durer longtemps. Cependant, leur fuite était prévue pour bientôt ; et dans quelques jours, Tatiana et Dimitri seraient libres de s’aimer ouvertement, sans avoir à craindre le regard des autres sur eux.


Soudain, l’être des Ténèbres sentit sa bien-aimée frissonner contre lui :


– Tatiana… Tu n’as pas froid ? s’inquiéta-t-il en la regardant avec protection.

– Pas du tout, le rassura-t-elle. S’il te plaît, on peut encore rester un peu comme ça, l’un contre l’autre ? Je me sens si bien…


Soulagé, Dimitri hocha silencieusement la tête avec indulgence et les amoureux secrets demeurèrent blottis entre eux, continuant à se parler tout bas et à scruter le ciel dans l’espoir d’apercevoir une étoile filante.


Cependant, ils ignoraient tous deux qu’au loin, une certaine personne les observait avec une colère froide dans ses yeux : c’était le comte Vasya, le père de Dimitri.


Malgré les efforts de son fils, l’homme n’avait pas été dupe de son manège de ces derniers jours : il avait fini par découvrir ses fuites secrètes qui aboutissait en fait à des rencontres avec cette détestable humaine ! Cette fille auquelle le comte avait intimé l’interdiction de revoir son fils ! Elle ne l’avait donc pas écouté…


Eh bien soit. Il l’avait prévenu qu’elle mettrait sa vie en danger si elle se décidait à lui désobéir… Et puisque c’était le cas, il était temps de prendre des mesures radicales contre elle. Certes, il ne le ferait pas de gaieté de cœur mais pour le bien de son fils, il fallait bien se résoudre à faire quelques sacrifices.





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