Consigne : Écrivez un texte de la forme de votre choix sur la citation suivante :
« La parole doit sortir du cœur et non de la bouche » Colette Magny
J’étais amoureux d’elle depuis longtemps.
Depuis que je l’avais rencontré, peut-être. La 1ere chose que j’avais vue chez elle, c’était ses longs cheveux roux. Quand elle était entrée dans le bureau, hors d’haleine, un peu en retard, pour son entretien d’embauche.
Elle m’avait abordé, me demandait où était le bureau du directeur. J’avais compris de quoi il s’agissait : je savais qu’il devait rencontrer une possible nouvelle employée aujourd’hui.
Je m’étais levé et je l’avais conduit voir le directeur. Pendant les quelques secondes du trajet, je l’avais observée à la dérobée : de taille moyenne, à peu près mon âge, bien habillée, de longs cheveux roux. Je l’ai trouvée très belle.
On est arrivée au bureau, j’ai toqué, le directeur a répondu. Je l’ai donc laissée entrer, et après m’avoir remerciée, elle a fermé la porte derrière elle. J’ai hésité, puis je suis retourné à mon bureau.
Je n’avais pas été très productif par la suite, j’avais la tête ailleurs. Mais j’ai malgré tout été bien surpris quand une main s’est posée sur mon siège, environ 1h après. Elle était venue me remercier à nouveau. Son rendez-vous s’était très bien passé, et elle espérait me revoir dans quelques semaines, cette fois en tant que nouvelle collègue.
J’ai souri, lui assurant que ce n’était rien. Elle m’a également donné son nom. Églantine. Je lui ai donné le mien, Julien. Elle a souri, et juste avant qu’elle ne parte, je les ai remarqués. Ses yeux. Verts. Un magnifique vert émeraude, comme ceux d’un chat.
Le lendemain, le directeur nous a informés qu’il était très satisfait de son entretien de la veille, et qu’a priori, nous aurions bientôt une nouvelle collègue.
Et quelques jours plus tard, elle était de retour. Elle s’est présentée à tous et, quand elle m’a vu, elle a eu un grand sourire.
C’était il y a de cela trois ans. Depuis, les choses ont évolué. Elle a rapidement monté en grade dans l’entreprise. Elle était d’une grande gentillesse, mais très naturelle, sans arrière-pensées. Cela lui a beaucoup servi.
Et je suis devenu son ami. Ça a été très naturel. Elle a rejoint mon service, et on a rapidement été amené à travailler ensemble. On s’est découvert des intérêts communs dans la littérature, le cinéma… Quand j’ai appris qu’elle venait d’arriver en ville et qu’elle la connaissait peu, je lui ai fait découvrir la médiathèque. Nous y sommes allés ensemble quelques fois, et peu après, elle m’a invité chez elle, et vice-versa.
Mais il ne s’est rien passé entre nous. Je n’osais pas lui dire ce que je ressentais, je me sentais trop honteux. Mes expériences amoureuses étaient très limitées, et je ne voulais pas risquer notre amitié naissante, pour un solitaire comme moi, sans amis proches. Et puis… Je ne me faisais pas d’illusion sur moi. Sans être véritablement laid, je n’étais pas particulièrement beau, sans rien de remarquable. Simplement un jeune trentenaire brun, sans traits distincts, comme il en existe des millions. Tandis qu’elle était une jeune magnifique femme rousse, solaire et pleine de vie, que tout le monde adorait. Je me suis donc complais dans ce rôle de l’ami fidèle.
J’ai cependant été assez atteint quand j’ai appris, quelques temps plus tard, qu’elle s’était mise à sortir avec un collègue de travail, Robin. Je comprenais qu’elle ait été attirée par lui. C’était un très bel homme, intelligent et cultivé. Et l’un des meilleurs employés de l’entreprise, ce qui ne gâchait rien.
Je n’ai donc rien dit. Cela a duré quelques mois, pendant lesquels je m’étais un peu éloigné. Elle m’en a fait la remarque, j’ai prétexté des problèmes personnels, elle m’a cru. Je ne voulais pas lui dire que je ne souhaitais pas m’imposer, et aussi que c’était plus facile pour moi ainsi.
Et un jour, en fin d’après-midi, elle m’a appelé, au bord des larmes. Robin avait rompu, et elle avait besoin d’un ami. Je suis allé chez elle, et j’ai essayé de la consoler du mieux possible. Je ne l’avais jamais vue aussi triste. J’ai dormi chez elle ce soir-là, dans son canapé, après avoir réussi à la faire s’endormir dans son lit.
Le lendemain matin, elle était plus en forme. Elle s’est excusée de son état de la veille et m’a remercié d’être venue. Quand j’ai demandé ce qui avait provoqué la rupture, elle m’a répondu qu’elle ne savait pas, que Robin lui avait juste dit qu’il préférait terminer leur relation. Elle avait perçu quelques signes précédemment, mais avait quand même difficilement encaissé.
Elle a pris un jour de congé ce jour-là, et quand je suis allé travailler, je suis allé voir Robin. Il savait que nous étions amis. Il m’a dit qu’il avait réalisé que ça n’allait pas marcher sur la durée entre eux, et n’avait pas voulu prolonger leur relation inutilement. Il n’avait pas souhaité la faire souffrir. Je l’ai cru.
Les semaines suivant la rupture avec Robin, j’ai passé beaucoup de temps avec Églantine. Nous sommes allés voir plusieurs films, j’ai dîné chez elle et inversement. Je voulais lui redonner le sourire, et j’ai réussi.
Cependant, rapidement, j’ai réalisé que mon amour n’en faisait que grandir. Elle restait la femme la plus belle que j’avais jamais connue. Je n’avais eu aucune relation depuis son arrivée dans l’entreprise, ni bien avant d’ailleurs. Mais je sentais que je ne pourrais plus être juste un ami pour elle. J’ai donc commencé à réfléchir à m’éloigner, et à me renseigner sur une éventuelle mutation.
Et puis, ce soir, elle m’a invité. Elle venait d’être augmentée et souhaitait que l’on fête ça ensemble chez elle. J’y suis donc allé, et nous avons passé une très bonne soirée, même si je savais que c’était peut-être un de nos derniers moments ainsi.
Tard dans la soirée, après le dessert, j’étais assis dans le canapé. Je me préparais à la remercier pour cette soirée et à rentrer chez moi, quand je l’ai entendue :
– Julien ?
– Oui ?
– Tu sais, ce n’est pas seulement pour mon augmentation que j’ai voulu t’inviter ce soir.. Il y avait autre chose…
– Ah ? Quoi donc ? ai-je demandé, surpris.
Elle n’a pas répondu et s’est avancée vers moi, en me rejoignant sur le canapé. Je restais silencieux, attentif. J’avais bien une idée, mais je l’ai rapidement repoussée.
– C’est aujourd’hui, il y a 3 ans, que je suis arrivée dans l’entreprise, en retard, pour mon entretien.
Je suis resté silencieux, sous le choc. Je m’en souvenais, bien sûr, mais je n’aurais jamais cru qu’elle aussi.
– C’est ce jour-là que je t’ai rencontré. Tu travaillais à ton bureau, et tu t’es interrompu pour m’aider, en m’emmenant voir le directeur. Je… Je dois encore te remercier pour ça.
– Oh, ce n’était rien, c’était bien normal… Je n’aurais pas cru que… Que tu t’en souvenais autant…
Elle est restée silencieuse à nouveau, puis, lentement, elle s’est rapprochée de moi.
– Je… Je suis vraiment très heureuse de t’avoir rencontrée. J’étais seule dans une ville que je ne connaissais pas, et tu m’as énormément aidé, en me permettant de m’intégrer à mon poste, et à découvrir la ville. Sans… Sans toi, ça n’aurait pas été possible.
J’ai rougi, flatté. Et en même temps, je me sentais très gêné de la voir si proche de moi… Cela n’était jamais arrivée depuis que je la connaissais.
– Julien, je… a-t-elle repris, après un nouveau silence, en cherchant ses mots. Quand j’étais avec Robin, j’ai été un peu triste que tu t’éloignes de moi. Tu parlais de problèmes personnels, et depuis, j’ai compris que tu voulais me laisser mon intimité. Mais, depuis que cela s’est…Terminé entre Robin et moi, j’ai été très heureuse que nous redevenions proches, comme auparavant. Et… J’ai réalisé que… Cette amitié m’avait manqué, et que… Je souhaitais plus. Et, si je ne me trompe pas… Je crois que toi aussi.
J’ai presque sursauté en entendant cela. Je l’ai regardée, lentement. Elle était rougissante, plus belle que jamais.
– Églantine, je… Je n’aurais jamais pensé que tu… Je veux dire, je ne suis…
– Depuis que je te connais, j’ai vu que tu as un sentiment d’infériorité. Mais tu n’as pas à te dénigrer. Tu es quelqu’un de généreux, gentil et honnête.
– Je… Comment… Comment as-tu su pour…
– Je te connais… Et puis, parfois, certains gestes en expriment plus que les mots…
Je l’ai alors regardé intensément. Puis elle a penché la tête, a fermé les yeux et, lentement, a posé ses lèvres sur les miennes.
Quand je me suis réveillé dans un lit inconnu, le lendemain matin, pendant quelques secondes, je n’ai pas reconnu où j’étais. Puis, la mémoire de la soirée précédente m’est revenue, et j’ai regardé à ma droite. De l’autre côté du lit, sous les couvertures, dépassait une chevelure que je connaissais très bien… J’ai hésité, puis j’y ai passé ma main.
Quelques secondes plus tard, j’ai entendu :
– Bonjour… - Bonjour… Tu… Tu vas bien ?
– Oui, a répondu Églantine en se rapprochant de moi. J’ai passé une très bonne nuit…
J’ai penché ma tête vers la sienne, et alors que j’allais lui répondre que moi aussi, et ajouter bien d’autres choses, je me suis contenté de la regarder, puis de l’embrasser délicatement.
La parole doit sortir du cœur et non de la bouche.
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