Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa)
Personne n’a su devancer l’éruption de ce cœur solaire.
Il va se faire taper sur les roches. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir prévenu la population locale avec ses tremblements de terre. Trois ou quatre jours en avance, qui plus est… Non, non, vraiment, ces humains… Que des sourds, que des aveugles. On dirait qu’ils sont dénués de toutes sensations possibles et inimaginables quand la nature est concernée. Pourquoi Dame Nature elle-même a-t-elle passé des millénaires à créer cette espèce, qui ne la remercie qu’en la détruisant ? Elle semble n’avoir d’yeux que pour eux. Les humains par-ci, elle s’extasie devant chacune de leurs inventions. Les humains par-là, elle leur pardonne n’importe quel drame en leur répétant « Ce n’est point grave mes chéris ! Mais à l’avenir, ne recommencez plus ». Il ne devrait pas penser si fort, elle va finir par l’entendre. Il connaît le dicton, pourtant : « Gare à celui qui critique l’humanité devant cette grande Dame, car il se verrait entièrement rayé de la carte ».
À tout bien y réfléchir, jamais il ne risquerait pareille chose. Le simple fait de faire trembler de peur une agglomération tout entière calme ses ardeurs. En langage humain, la satisfaction de voir une ville se vider, quartier par quartier, jusqu’au statut fantomatique, s’appellerait du sadisme… Mais lui n’en sait rien. Il ne le vit pas de la même manière, puisque c’est son rôle depuis sa formation ! De temps en temps, Dame Nature lui demande de projeter des cendres par-ci, de libérer des coulées de laves par-là, parce que c’est comme ça ; il faut obéir aux lois. Lui ne s’est jamais posé de question, il s’exécutait et s’attirait les bonnes grâces de Dame Nature…
Ça, c’est compter sans cette équipe d’hommes étranges qui vient d’arriver. D’habitude, les humains ne s’aventurent jamais autour de lui, encore moins dans son cratère ; encore plus étrange : d’après son thermomètre, trois d’entre eux possèdent un halo rouge, mais celui du quatrième est bleu…
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Volker avance lentement derrière ses collègues ; il traîne la patte. Et pour cause : il n’a plus aucune motivation. L’environnement dans lequel il se trouve ne génère pourtant aucune crainte ni dégoût chez lui, bien au contraire. Son travail, il l’adore. Ses collègues beaucoup moins. Coincé avec eux pour encore bien des années, il s’efforce de supporter leur présence et rêve de les quitter dès que l’horaire de débauche sonnera. Cette solution de fuite n’arrange pas le fond du problème. Il fut un temps où Volker était amoureux de ces rares sorties sur le terrain, de son observation, de son étude, des prélèvements de roches et tout le tralala… Seulement, être sous payé au profit de trois trublions qui se croient en vacances dans un sauna ou à Hawaï, et qui clament haut et fort que l’expédition s’est faite en collaboration à quatre… Volker cherche encore la caméra cachée. Et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Alors qu’il assiste à la dernière énormité de ses soi-disant collaborateurs, il atteint le point de non-retour ; sans même qu’il s’en aperçoive.
Personne n’a su devancer l’éruption de ce cœur polaire.
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