Quoi de mieux pour fêter son anniversaire et ses quarante rouleaux de printemps (mais aussi d’hivers) que d’aller au cinéma se visionner un bon petit film russe de derrière les fagots ? Surtout quand la séance est gratuite, cela n’en est que plus savoureux, d’autant plus si l’on est en charmante compagnie ! On en oublie soudain sa fièvre (car j’étais en vérité malade comme un chien depuis plusieurs jours), ses angoisses existentielles et sa peur de vieillir.
En même temps je suis coutumier du fait, je dois avoir une bonne étoile qui veille là-haut sur moi sinon comment expliquer qu’en allant faire mes courses au Super U du coin, je regarde le panneau d’affichages et trouve par pur hasard et de façon totalement fortuite (si, si je vous jure, rien de prémédité là-dedans !), un encart annonçant une séance gratuite au cinéma Grand écran le Lido de Limoges le samedi suivant. Soit le 20 du mois de novembre, et comme par hasard pile poil le jour de mon anniv’ ! Une chance sur combien ? Une chance sur mille au moins ! C’est pas avoir le cul bordé de nouilles ça ? Surtout quand on sait ma prédilection pour le cinéma russe et tout ce qui touche de près ou de loin à ce vaste pays fortement mélancolique (pour ne pas dire alcoolique, mais ne généralisons pas) et enneigé. En plus de ça, moi qui rentre d’habitude chaque vendredi dans mon pays de bord de Loire, j’avais précisément prévu de rester sur Limoges ce week-end-là, donc parfait, tout se goupillait au poil ! Comme on dit : y avait plus qu’à !
Bon, bien évidemment ce genre de chance-là, ça ne s’applique qu’à moi, pour celles qui m’accompagnent en général c’est plutôt jouer de malchance ou encore une véritable corvée que de se taper des films russes pas tip top pour un sous (mais disons plutôt pour un rouble, ça s’y prêtera mieux) en version sous-titrée français (VOST). Néanmoins pour ma part j’y trouve égoïstement mon plaisir ! Cela me permet d’améliorer mon russe et de reconnaître et identifier quelques mots et expressions du cru. Je remercie donc avec grand plaisir l’association Droujba de Limoges à l’origine de ce très bel événement, et de cette expérience que je ne manquerai pas de renouveler l’an prochain. Sur Nantes aussi, ce genre de manifestation culturelle russophile se produit chaque année avec le festival Univerciné du cinéma russe au Katorza, en général aux alentours de la St Val, là encore une véritable joie pour celles qui m’accompagnent ! Oh quel sadique je fais, mais en même temps quand on aime on ne compte pas… Pour le meilleur et pour le pire comme on dit ! 😊
Trêve de digression et revenons à nos blancs moutons. Le film en question est donc en langue russe sous-titré français, il s’agit d’Il était une fois dans l’Est de Larissa Sadilova, c’est un peu le pendant version amour slave d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, mais sans les coups de flingues qui vont avec, et sauf qu’ici les Lada et les camions ont remplacé les chevaux, même s’il en reste quand même plusieurs sous le capot. Ça tombe bien, puisque le personnage principal est routier. Marié à une femme aimante et dévouée, un fils en pleine crise d’adolescence. Il part quasi tous les jours sur les routes et on comprend très vite que ce n’est pas seulement le travail sa véritable motivation. Il nourrit plutôt une relation adultère en cachette avec sa voisine, elle aussi mariée et mère de famille. Ce qui rajoute bien évidemment du piment dans leur vie. Ils se rejoignent à la sortie du village dans un virage, l’homme s’arrête et la prend (si je puis me permettre l’expression) dans son camion, et n’y voyez ici aucune allusion ! Il continue sa route et sa tournée de livraison, elle l’accompagne tout sourire côté passager et semble vivre une belle histoire d’amour. Après tout, l’herbe est toujours plus verte chez les autres, c’est tentant…
Ce petit manège dure depuis quelque temps déjà, mais comme on devait s’y attendre, ils vont finir par se faire griller par leurs conjoints respectifs, et toute la belle idylle commencera à aller de travers. Pour aboutir à un fiasco retentissant : patatrac ! Il est vrai qu’avoir une relation extra-conjugale est très mal perçu en Russie, surtout en campagne dans une société un poil conservatrice et patriarcale. C’est l’idée russe qu’on se fait de la famille qui est mise ici à mal. La morale de l’histoire et les bonnes mœurs resteront néanmoins saines et sauves. La femme russe fautive est ici montrée du doigt (alors que l’homme semble moins blâmé par le regard des autres et par la société), elle fait clairement office de mauvaise mère, de mauvaise épouse, voire même de mauvaise belle-fille, elle quitte son foyer, son enfant (une fille) mais en guise d’épanouissement et de bonheur c’est la lassitude qu’elle finira par trouver et son amour si florissant et insouciant du début tombera dans une réelle impasse…
Bref elle s’en mordra les doigts. Mais comment faire maintenant ? Quand le foyer est quitté et que tout le village est au courant… Faut-il réellement ravaler sa fierté ? Revenir et faire profil bas ? Et surtout, la personne quittée peut-elle vraiment nous pardonner et faire comme si de rien n’était et comme s’il ne s’était jamais rien passé ? C’est ce que vous saurez en regardant ce film en apparence léger mais qui traite en réalité d’un sujet bien plus profond qu’il n’y paraît et fortement actuel : la place de la femme russe au sein du couple et d’un foyer où tout sentiment et toute chaleur sont bel et bien absents. La vie y est dure, les hivers sont froids, figés dans le temps. Le mari très souvent absent, les joies ainsi que les distractions du quotidien peu nombreuses. Comment faire alors pour réchauffer son cœur ?
XK (Limoges, le 13.01.22)
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