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Void

Elle semblait vide. Pas une seule étincelle dans le regard. Pas une parole au bout des lèvres. Elle le ressentait souvent, ce vide ; comme si tout son être se confondait avec. Le vide était elle, mais était-elle le vide ? Ce vide était en elle et l'entourait tel un immense manteau. Elle le trouvait bien plus confortable que le plein, et bien moins glaçant que le trop-plein qui la submergeait et la bouleversait à chaque fois. Non, le vide c'était mieux. Elle mettait un point d'honneur à garder le vide dans sa vie, il était visible sur elle à chaque instant. Elle refusait de porter la moindre bague sur ses longs doigts, car ses mains vides de tous ornements étaient suffisantes à ses yeux. Il y avait un important vide chez elle, puisque l'idée de remplir un espace lui semblait dénuée de sens. Mais elle savait que le plus important était le vide qu'elle ressentait à l'intérieur. Elle le sentait, et ne savait plus si elle l’appréciait ou si elle en avait pris l'habitude et si alors, c'était cette habitude qui la confortait. Après tout, elle avait l'habitude de ne rien dire depuis si longtemps et cette habitude s'était transformée en habitude de ne rien penser, de rester neutre, de rester vide. Ainsi comment pouvait-elle se définir si elle était neutre, si elle était vide ? Elle ne savait pas. Elle aurait aimé savoir. Elle aurait aimé que quelqu'un puisse répondre à sa question. Et pourtant, jamais un mot ne passait ses lèvres, bien qu'ils trébuchaient souvent sur sa langue, bloqués par cette barrière de dents, ne s'ouvrant jamais pour prononcer le moindre son. Elle aurait aimé qu'on puisse, dès lors, lire son questionnement dans son regard. Mais ses yeux mornes semblaient constamment clos sur son âme. Elle décida donc d'essayer de se définir. Elle tenta de rattraper les pensées fuyantes qui la traversaient incessamment. Cela était peine perdue. L'habitude du vide était tellement ancrée en elle, qu'elle paraissait impossible à effacer. Mais alors était-elle encore quelque chose si le vide était elle ? Si celui-ci la définissait, est-ce qu'elle le définissait aussi ? Il lui sembla que la question était de plus en plus vide de sens. Ses pensées commençaient de nouveau à lui échapper, à juste traverser son esprit sans s'y arrêter. Ainsi, elle s’enfouit de nouveau dans son manteau de vide, dans le confort du silence de son esprit. Elle retourna à cet état primaire, de figure de porcelaine, pas une étincelle dans le regard, pas une parole au bout des lèvres et à l'intérieur rien que le vide.


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