Le sourire pincé et l’air guindé je me complaisais dans une existence végétative qui avait le luxe de m’épargner l’embarras des besoins.
Ravie d’être sous les projecteurs, à cette époque, je n’avais pas conscience qu’ainsi ce ne serait jamais mon heure. Crispée comme une extravagante, je me tenais là, toujours plus affolante. Donnée à voir, jamais à percevoir, le plaisir était simple, le contentement niais. Monter sur scène, réciter, décamper, recommencer.
Ma passion pour le récit devint par défaut celle de la scène. Mon enthousiasme à jouer, devint sournoisement un désir de briller.
Mais sa présence me détourna de cette aspiration. La lumière ne se reflétait pas sur elle, mais la traversait, tandis que si ce n’est pour m’éblouir, moi, elle ne me pénétrait jamais. Cette vorace mangeuse de flamme. Cette pie insatiable. À ses côtés, impossible de briller, l’éclat la nourrissait. Alors, l’adoption du second rôle. Alors l’intérêt pour le derrière de la scène. Alors, la prétention à l’humilité. Tant de frustration pour si peu d’ambition. Le réconfort de l’obscurité régie par la peur de ne pouvoir se démarquer.
Prétendre agir pour ne pas subir. Puis agir vraiment. L’impulsion d’une ancienne intolérante au possible, dopée à l’adrénaline de l’action. Le balcon de l’avant-scène. Un mouvement de côté. Des bras tendus. Un cou serré. Un corps qui craque. En la voyant inerte étendue sur le plateau, je lui accordai la faveur de me faire une dernière fois de l’ombre.
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