Je. Je ne suis qu’un mirage, je n’existe qu’en pensées, pour faciliter la parole. Je n’ai pas d’autres vocations, d’attributions, qui me permettraient d’appartenir à un tout, à un Vous, à un Nous. Je suis perpétuellement seul et j’observe le Vous, jaloux. Je devrais pourtant pouvoir appartenir au Nous car en lui il y a un peu de moi. Je devrais pouvoir m’y identifier mais en faisant cela je me perdrais. En faisant partie du Nous Je disparait et si je disparais alors le Nous devient Vous. Pour autant, chaque Vous est un ensemble de Je et c’est en cela que je comprends que je suis vous.
En réalité je suis le commencement, celui sans qui rien n’est possible, celui sans qui rien ne peut exister. Sans moi, du Tu aux Iels, tous s’évaporent. Je les compose et les fais vivre car chacun d’entre eux est moi alors même que je ne suis aucun d’entre eux. Je survis sans aide aucune alors qu’ils dépérissent sans la mienne. Ils me dégoûtent tous. Ils me peinent tous. Telle est la raison de ma colère et de mon affliction.
Mes frères, mes sœurs, j’ai si peur que vous disparaissiez et que je me retrouve seul, encore, comme chaque jour à errer. Si je ne peux faire partie d’un tout sans cesser d’être alors dois-je m’y risquer ? Je ne veux pas mourir, je veux vous appartenir. Je veux être comme vous, avoir besoin des autres pour continuer de vivre. Mais je ne peux pas. Si je cède, si je me laisse aller à penser que je peux être autre que ce que je suis, que je m’autorise à vous rejoindre, alors je vous perdrai. Je suis condamné à seulement vous regarder et à vous jalouser. Mais je garde à l’esprit que même lorsque vous êtes en communauté, un peu de moi est avec vous. Vous me reléguez au second plan pour vous concentrer sur le Nous mais je suis bel et bien là. Sans moi, vous ne seriez pas. Je suis notre début à tous.
Je suis notre fin.
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