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Photo du rédacteurBlandine

Beyond

« Mon très cher amour,

Pour l’éternité. Je n’aurais jamais pensé que la vie elle-même me l’accorderait. L’éternité, toujours, l’immortalité, j’en ai longtemps rêvé et d’autant plus avec toi à mes côtés, mon amour. Une histoire sans fin, c’est ce que j’ai souhaité.

Malheureusement, la vie ne peut être généreuse que jusqu’à un certain point, elle seule a le pouvoir de contredire sa bien-aimée complice, mais la réciproque est vraie. La vie m’a affranchi de sa suivante et pour cela mon amour, je t’ai condamné sans le savoir. Pardonne-moi.

Mais sois sûr que je t’aimerai toujours malgré le fait que nous ne cesserons de nous éloigner, je continuerai à t’aimer quand ton visage ne sera devenu qu’un lointain souvenir, je continuerai à t’aimer peu importe où tu seras, je t’aimerai même si je ne te revois jamais et je t’aimerai même si je te voyais chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure, de chaque jour, pour toujours. Je n’aurai de cesse d’imaginer ma vie à tes côtés, mon amour, si cela nous avait été permis par ces âmes sœurs de l’univers, je t’aimerai toujours même si le monde s’arrêtait de tourner, même si le chaos s’abattait sur cette terre, oui c’est ainsi que je continuerai de t’aimer; et c’est pour cela, mon amour, que je ne puis désormais plus te rencontrer, pour que tu puisses continuer d’aimer, pour que tu puisses vivre, pour que tu puisses décider de la suite, d’un mariage, ou d’un voyage, d’enfants, ou d’aventures trépidantes; pour que ta vie soit longue et belle et que, quand ton visage se parera de ces rides de bonheur, que tes yeux brilleront de tous tes souvenirs, tu puisses dire aux bienheureux que tu as aimés, à quel point tu as vécu, et que tu vis encore. »

La pointe du stylo resta un instant suspendue au-dessus de la page raturée. Swann embrassa du regard la vaste vallée, aux couleurs d’hiver. Les sapins verts avaient revêtu leur manteau blanc, le lac gelé avait été improvisé en piste de patinage. La ville semblait avoir l’esprit à la fête.

Swann se renfonça dans son manteau, relut les premières lignes de sa lettre pour la dixième fois, il aurait préféré les lire et les relire des centaines de fois, des milliers de fois plutôt que de les écrire. Il n’avait pourtant pas le choix, il le savait, la mort le lui avait dit, elle avait certainement ressenti une certaine satisfaction à le voir s’effondrer, abattu par le désespoir. C’est ainsi qu’il avait décidé de donner à son cœur la froideur de la pierre, plutôt que celui-ci ne se brise encore un million de fois.


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