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Citation de Sartre

Quand je pense à la mort je pense à l’eau, il y a tellement de possibilités de rapprocher ces deux entités et de les mêler, de les conjuguer, de les faire se heurter puissamment, loin de moi l’idée de vouloir écrire à propos de l’écriture, de sans cesse foutre dans mes textes je-ne-sais-quelle leçon littéraire - et puis qui je suis, franchement, pour le faire, mais quand je pense à la mort je pense à ce que j’ai lu, à tous ces personnages qui sont morts, à l’intérieur, morts à l’extérieur, je pense à cet écrivain brisé puis reconstruit quand il a rencontré sa moitié, je pense à ce jeune garçon qui tente de se suicider chaque fois, au fond de l’eau, mais que l’instinct de survie rattrape, je pense à cet entraîneur de patinage artistique qui est tombé, de qui la vie part du coeur jusqu’à la paume qui s’appuie sur une canne, je pense à ceux que j’ai créés, celui qui se fait harceler, l’autre qui doit tout contrôler et qui rêve de se soumettre au contrôle, je pense à celui qui s’est fait violer, je pense à tous ceux que mon coeur n’a pas retenus et qui se sentent peut-être abandonnés, ça n'a aucun sens, ils n’existent pas, et en quoi tout cela me donne l’impression qu’on m’arrache l’estomac et qu’on me tue, sérieusement, je pense tellement, tellement, sans cesse, sans une seconde de souffle, de répit, de repos, à les rejoindre, parce qu’un personnage, c’est peut-être un mort, un vivant, c’est un foutu mort-vivant qui ne sait pas lui-même où se mettre entre inspirer et expirer, qui ne sait pas de quel côté il est de la ligne, est-ce qu’il y a une ligne, est-ce que je comprends ce que veut dire arracher de son vivant sa propre vie à toutes les formes de la mort, comment le pourrais-je, je pense que je suis à côté de la plaque mais la mort m’évoque tout un tas de choses, je n’ai retenu que ce mot, comme s’il était en gras, ou qu’il était en italique, souligné, comme si un détail annulait le reste de la phrase, de la citation, je me dis qu’écrire ne sert à rien, même quand on lit un bon livre on finit par l’oublier, que notre doxa nous empêche d’apprendre de ceux qui devraient rester gravés, de toute façon on n’en fait qu’à notre tête, les seuls qui obéissent sont les personnages, me voilà à lier de nouveau mort et livre, ou littérature, un livre et la littérature c’est pas pareil, j’écris des livres mais je suis incapable de produire de la Littérature, je fonce tête baissée dans la narration et dans la construction de dominant et de dominé, comme si le monde n’était fait que de ça, qu’il était manichéen, manipulé par le fort et le faible, manipulé par une relation avec un ascendant et un descendu, qui baisse le regard, qui rougit, tandis que l’autre ne connaît pas les émotions, comme s’il était mort, d’ailleurs, comme si je l’étais aussi, à être incapable de créer quelque chose de qualitatif, à être capable d’écrire mais incapable d’Écrire, incapable de me restreindre à parler de ce qu’évoque, en moi, arracher de son vivant sa propre vie à toutes les formes de la mort, sans parler de ma plume misérable alors que ne pas savoir Écrire c’est vraiment, vraiment, pas la mort.

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