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Insurmontable

Seule dans la salle de bain, face à elle-même. Un appart, une tante aimante, une copine. Le bonheur en soi. Pourtant, cette sensation lui était de plus en plus étrangère. Cela faisait des années qu’elle se battait contre sa maladie. Des années. Foutue maladie.

L’eau du bain coulait. Ses mains tremblaient sur le rebord froid du lavabo. Elle leva les yeux et vit son reflet. Son teint blême et son regard triste. Pas la moindre lueur. Tout cela n’avait mené à rien. Mais est-ce que les autres comprendraient ? Certainement pas. Personne ne pouvait comprendre, à moins d’être souffrante comme elle. Souffrante. C’était le mot juste. Elle était en constante souffrance, et rien n’avait réussi à l’éteindre. Peut-être l’atténuer, mais pas suffisamment.


Elle ouvrit la boîte à pharmacie. La solution se trouvait juste là, derrière le rouge à lèvres de sa copine. Elle le lui avait offert pour son anniversaire l’année dernière. Elle l’avait adoré et le portait pour de grandes occasions. De la joie, elle en avait sûrement ressenti ce jour-là. Tout était si lointain, embrumé, qu’elle ne se souvenait plus.

Elle plongea sa main dans la boîte et attrapa de ses doigts fébriles l’objet de sa libération. Son cœur résonnait dans ses oreilles. Elle coupa l’eau. Le bain était prêt.

Elle ne connaissait pas vraiment l’utilité du bain dans ce geste. Elle avait vu ça à la télé, mais aucune explication n’avait été fournie. Peut-être un dernier réconfort avant la mort. Ou une sensation de chaleur qui pourrait dissuader de l’acte. Elle le découvrirait par elle-même.


Elle inspira longuement et se plongea dans l’eau sans prendre la peine de se déshabiller. La manche relevée, elle posa la lame de rasoir contre sa peau. Elle tremblait. Le voulait-elle réellement ? La fin de sa douleur, oui, mais la mort…

Elle enfonça la lame, découpa sa chair. Le sang gouttait sur le carrelage, formant une flaque. Le liquide se propagea rapidement dans la baignoire. Elle se retrouva couverte de son propre sang.


La liberté au bout d’une lame. La douleur disparut, ainsi que la chaleur de son corps. Elle n’était pas morte, encore capable de penser. Sans vraiment comprendre pourquoi, elle recouvra sa plaie avec son autre main et pressa avec la force qu’il lui restait. Était-ce trop tard ? S’était-elle condamnée elle-même ? Qu’allaient dire ses proches ? Peut-être que survivre après ça rendrait les choses encore pires ? Peut-être même qu’elle ne survivrait pas.


Une porte claqua. Sa copine était rentrée.

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