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Interstice

Cet homme. Il m’a tout pris. Une bête hirsute aux crocs lisses imprégnés de sang noir, au cœur gonflé par la rage de vaincre quiconque pourrait le surpasser. Un monstre humain. Sa silhouette trapue emmaillotée dans son beau costume trois pièces, je la longe avec répugnance en passant ma langue sur mes dents. Un éclat de voix s’élance, la foule l’exhorte, frémissante, impatiente. J’aperçois son visage depuis la fenêtre recouverte des bureaux supérieurs. Ses mâchoires semblent sur le point de se refermer sur le micro qu’il a au poing. Après un très bref temps de calme, il débute son discours. Sa bouche s’entrouvre sans que je n’entende quoi que ce soit de pertinent. Cet homme est une coquille joliment nacrée, un lion à la crinière bouffante, de la poudre aux yeux polie par un constant besoin de briller. Son éclat se reflète pauvrement dans les cristaux liquides de la télévision qui diffuse sa prise de parole. Quand la caméra bouge en gros plan, son front se découpe en deux rectangles luisants. Je referme l’interstice de la fenêtre. Mieux vaut maintenir close la jalousie entre lui et moi. C’était l’époque où je pouvais me permettre d’enfiler un costume trois pièces.


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