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J'étais laid.

Dernière mise à jour : 17 nov. 2022

J’étais laid.

Ma peau était pâle, presque translucide. Mes veines, visibles au travers, ajoutaient une teinte bleutée, tirant sur le violet, et soulignaient des années d’isolement que j’avais passées, enfermé chez moi, me refusant tout contact avec l’extérieur et la sensation bienveillante du soleil sur mon corps. Mes courts cheveux noirs, encadrant mon visage trop fin, accentuaient d’autant plus mon air souffrant. Au moment de la mode émo, j’aurais parfaitement pu être l’un d’entre eux.

Mes reflets, dans les miroirs, m'insupportaient. Je les avais par conséquent bannis, ôtant de ma vue ma silhouette décharnée.

Mes reflets, dans le regard des gens : inconnus, proches, amants était bien pire encore. Leurs bannissements, à eux aussi, étaient nécessaires. Un besoin. Un instinct de survie.

C’est ainsi que commença ma vie d’ermite. La prise de conscience que mon aspect était de ces choses ignobles que l’on veut oublier. Des années de solitude que je comblais par une activité constante sur les réseaux sociaux, les forums. Tous les lieux de discussions où la personnalité prime sur l’apparence. Je m’étais petit à petit créé un réseau. Un cercle de personnes que je considérais comme mes proches, mais qui ne m’avaient jamais vu.

Cette vie parallèle, loin de ma laideur, me donnait la sensation de dissoner. De me scinder entre deux êtres distincts, vivant chacun une existence si différente.

Qui étais-je finalement ? Cet être introverti et isolé de force par sa laideur ? Ou cette personne extravertie, ouverte, drôle, attentionnée que me décrivaient mes amis ?

Tous ces questionnements me plongèrent dans un état de méditation qui dura longtemps. Je ne sais plus exactement combien. Peut-être même était-ce depuis le début ?

Heureusement, mes interrogations me menèrent vers mes souffrances, mes années d’isolement. Je sors enfin de chez moi pour la première fois. J’ai la réponse à mes douleurs.

J’étais le plus laid des hommes, car je suis la plus belle des femmes.


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