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L’extra-ordinaire

Deleuze écrit : “l’intérêt peut être trompé, méconnu ou trahi mais jamais le désir.” Et moi j’ai honte d’avoir tant espéré, tant cru mais surtout tant idéalisé. Puisque désormais ces fantasmes brisent la beauté d’un présent si convoité. J’étais aux yeux des autres un phénomène. Pourtant, sortir de l’ordinaire pour viser l’extraordinaire a fait de moi un monstre et a dressé un fossé entre le vous et le moi.


Très jeune et déjà défini par mes excès, je suis extra toute chose. Dans mes projets et projections, extra aux yeux des autres. Maman disait, tes proéminences t’offrent l’opportunité d’exprimer tes aptitudes. Je les considère maintenant comme des tumeurs, qui réduisent à néant mes désirs les plus intimes d’un tout vouloir devenu trop vouloir.


Et maintenant j’ai honte. Honte d’avoir grandi dans la certitude que mes facultés étaient un don et d’avoir baigné dans l’urgence de les révéler. À cause de ces injonctions j’ai grandi sans délai. J’ai évolué sans penser, dans la croyance la plus intime que si je ne les utilisais pas elles disparaîtraient. Mon identité a été définie trop jeune par ces facultés. Désormais incapable de faire la distinction entre ce qui fait le moi et exerce le trop, mes compétences sont devenus des excroissances qui me restreignent et me heurtent.

La fatalité est que m’en détacher maintenant me ferait risquer la commotion. Mon identité s’en verrait éclatée. Je ne résisterais pas à cette fracture puisqu’elle fragiliserait mon identité trop tôt caractérisée par ces attraits.


Et maintenant j’ai honte de vivre au rythme de ces habilitées nourries par l’inassouvi.

Comment freiner un monstre créé pour avancer ? Je repense à Frankenstein et sa créature condamnée. Je repense à Sisyphe et son rocher. Les désirs ne sont pas bons pour les extraordinaires.


Et pourtant vous m’avez exulté et condamné pour mon désir d’expier mes difformités.

Et maintenant mon désir est annihilé par mon impossibilité à me satisfaire d’un présent radieux et d’un avenir étincelant.


L’extra m’empêche d’atteindre l’ordinaire. Le trop m’éloigne du déjà.


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