La légende raconte que la jeune femme rejetait chaque individu qui entrait dans sa vie. Car chacune de ces personnes saisissait la projection qu’elle s’était faite de sa propre identité. Et car chacun de ces êtres perforait la surface hermétique de son enveloppe corporelle afin de cribler l’écorce spongieuse qui entourait son âme, de leur insécurité et de leur blessure propre.
La légende raconte pourtant que les amplitudes de son être étaient parfaites. La construction, finement travaillée, procurait à la structure une étanchéité digne d’un sous-marin. Une coque épaisse entourait ses organes avec des orifices nécessaires à la vie en société, protégés eux-mêmes par une expression polaire qui dissuadait quiconque de s’y attarder. La technologie de sa carapace était alimentée par des mythes urbains qui recouvraient une fois de plus son identité. La jeune femme était nommée celle qui ne sourit jamais. Un véritable folklore ombrait sa personne et lui assurait des effets supplémentaires à ses finitions finement travaillées.
Malgré ces protections nécessaires à la vie en communauté, la légende raconte que certains individus chanceux réussissaient à pénétrer les couches premières de son âme, au prix d’ailes brûlées et d’une cire chaude sur le cœur les irradiant à jamais. L’exploration de ces tréfonds obscurs avait l’effet d’une multitude d’aiguilles saillantes dans l’épiderme vulnérable de ces farouches aventuriers. Mais l’orgueil du premier homme à pénétrer des terres inexplorées animait l’humanité. Et cette présomption suffisait à accepter une souffrance vibrante et absolue, ainsi que des cicatrices vives et indéfectibles, tant l’arme utilisée manquait en matière.
La jeune femme acceptait ces risibles excursions qu’elle estimait nécessaire pour améliorer la machine. En effet ces aventuriers, par leur goût pour l’erreur, réussissaient à mettre le doigt sur des cuivres abîmés, des rouages emmêlés, des cordages élimés ou encore des ventilateurs défaillants. Ainsi celle qui ne sourit jamais se plongeait dans les méandres de sa machinerie pour réparer ces omissions et revenait à la surface plus étanche et plus indivisible que jamais.
La légende rappelle aussi que le mythe est une fiction nécessaire à l’homme afin d’affronter ses démons. Et que l’usage de ces édifices était le seul moyen trouvé par la femme afin de protéger une âme aqueuse, dont la surface perméable avait été rendue marécageuse par des décennies d’excursions, avant qu’elle ne trouve le moyen de protéger sa porosité vulnérable.
Des interventions et des mots destructeurs qui dispersaient ses cellules volubiles et cristallisaient toujours un peu plus son âme.
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