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La file

Les filles font la queue devant la porte. C’est mardi aujourd’hui, le premier du mois. C’est le jour de la visite. Il est arrivé à l’heure exacte. Il a salué toutes les filles qu’il était déjà venu voir en remontant la file, il a jeté un œil sur les nouvelles qu’il ne connaissait pas. Et il a passé la porte. Le battant a claqué derrière lui. Julie a sursauté.

- Depuis quand il claque les portes lui ? a-t-elle demandé.

- Ça doit être Bérengère qui est de mauvais poil, plus que d’habitude.

Une vague rumeur est montée parmi nous, d’autant plus que l’attente s’éternisait. Et puis un cri a fusé depuis l’intérieur, et un autre. Une engueulade qui éclate et fait taire nos commérages. Les premières se sont approchées pour comprendre ce qui se disait, mais l’altercation semblait trop violente pour que les mots prennent une forme de l’autre côté des murs.

Soudain, silence. La porte s’est rouverte, crachant la lumière jaune de la pièce, avec lui au milieu. Il se tenait courbé, l’air impuissant. Il a fermé le battant derrière lui, et nous a fait face.

- Mesdames. Je… Pardon. Bérengère m’a renvoyé. Je ne suis plus votre gynécologue, je lui coûte trop cher, apparemment.

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