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  • Photo du rédacteurMarie

La pâquerette

Dernière mise à jour : 17 nov. 2022

Adossée contre le banc froid du parc, je regarde la dernière pâquerette qui tente de rester debout malgré le froid de ce mois de septembre. Se balançant de gauche à droite au gré du vent, cette fleur aux longs pétales blancs et au cœur jaune m’apaise sans que je n’en sache la raison. Sa beauté me rappelle ma jeunesse d’autrefois. La blancheur de ses pétales me rappelle celle de ma peau de porcelaine de mon enfance, sa douceur apparente celle de mon visage et son cœur jaune éblouissant me rappelle la joie que j’avais jadis. Je me souviens de ces jours heureux aux côtés de mes amis, jouant avec l’eau du tuyau d’arrosage du jardin de mon très cher Eric. Ces jours où aucun de nous ne se préoccupait du lendemain, ces jours où nous étions insouciants quant à l’avenir, des études ou d’une vie de famille future. Nous étions des enfants qui aimions jouer avec tout ce qu’ils trouvaient autour d’eux. Oui, je me rappelle de cette période où j’étais une enfant enjouée et pleine de vie comme si c'était hier, alors qu’il va de soi que cette période est révolue depuis bien des années maintenant lorsqu’on regarde mon visage. L’image de mes rides, de mes cernes, de mon visage vieillissant me ramène pendant une seconde à la réalité ; lorsque je prends conscience que mon regard se trouve encore sur cette magnifique fleur bougeant seule au sol, ma rêverie repart aussitôt. La jeune fille que j’étais autrefois possédée de longs cheveux noirs, des yeux marron, un sourire éblouissant, un corps élancé, mais tonique, qui me permettait de courir plus vite que les garçons et de grimper aux arbres. Je souris face à ces souvenirs. J’étais la fille la plus rapide de ma classe. Les garçons essayaient toujours de me rattraper, mais je m’élançais encore plus vite, faisant virevolter mes longs cheveux au gré du vent. Je me sentais libre, libre et heureuse. La vision de ce souvenir m’est brutalement arrachée lorsqu’un passant, la tête plongée dans son téléphone, écrase soudainement de sa longue chaussure de ville la seule pâquerette encore debout de ce parc. Je reviens définitivement à la réalité. Je me redresse du mieux que je peux en utilisant ma canne, je projette une dernière fois mon regard sur la pâquerette désormais étalée sur l’herbe, flétrie et dénuée de vie. Je quitte le parc pas à pas, le dos voûté et le regard éteint.



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