Les Origines (3/3) : Layfae

La réincarnation, le phénomène par lequel l’âme, après la mort physique, s’incarne à nouveau dans un corps, animal ou humain, afin de poursuivre son évolution spirituelle.

Jahia y a toujours cru. Pour être plus exacte, elle a toujours espéré qu’il y ait une part de vérité dans cette croyance, dans l’espoir de pouvoir un jour refaire sa vie dans un environnement qui ne la punirait pas pour sa sexualité. Devoir constamment contrôler la moindre de ses actions et paroles pour ne rien laisser passer était si épuisant. Plus les jours passaient à entendre à quel point les gens comme elle méritaient de brûler en enfer, plus sa santé mentale se dégradait.

Une seule erreur, un seul faux-pas suffit pour éclater la bulle de mensonges qu’elle avait passé des années à soigneusement construire. Seule face à sa famille et paralysée sur place par la peur, elle pria de toute son âme pour que ses parents se montrent miséricordieux envers leur enfant. Elle n’eut pas cette chance.

Elle peut sentir son énergie la quitter à mesure que le sang s’écoule de ses yeux et de la plaie béante dans son estomac qu’elle a vainement tenté de stopper avant d’abandonner quelques minutes auparavant. La douleur ne l’atteint plus, son énergie déjà trop faible pour être affectée. Elle ne peut qu’apprécier le départ du groupe d’hommes qui l’a laissée pour morte dans une forêt; elle quittera cette existence infâme sans être souillée par leur présence.

Entre ses pensées qui s’affaiblissent progressivement, l’idée de la réincarnation apparaît telle la lumière qui l’a guidée depuis son enfance, et Jahia se retrouve à s’y accrocher de toutes ses forces. Elle ne veut pas finir comme ça. Elle ne veut plus souffrir. Et l’univers écoute sa dernière prière, et infuse son esprit d’une promesse d’un avenir meilleur, d’un renouveau. Dans un dernier souffle de vie, elle accepte la proposition et dépose son âme dans les mains du monde. L’instant suivant, elle s’éveille sous le regard bienveillant de deux femmes dont la beauté la fait immédiatement rougir et se redresser, tout en restant assise à même le sol.

« Qui es-tu ? » lui demande d’une voix douce la femme aux traits fins, à la queue de serpent remplaçant ses jambes et à la peau pâle anormalement bleutée.

Elle se sent différente… Elle-même. Libérée d’une identité étrangère. Elle observe sa peau de la même couleur que la tige d’une rose et la tunique à la broderie dorée qui l’habille. D’un geste instinctif, elle passe une main sur l’herbe qui l’entoure et des fleurs apparaissent sous son toucher. Un bonheur extatique explose en elle : elle a enfin trouvé sa place.

« Je suis… Layfae », dit-elle, et le nom sonne juste à ses oreilles. Layfae, la déesse de la vie.