Enterrée sous ma couette, je vivais le pire week-end de ma vie. Fièvre et courbatures me contraignaient à rester confinée dans le creux de mon lit, à espérer que tout passerait bientôt. Le silence qui m’englobait pour me pousser au repos accentuait la sensation d’aquarium dans mes oreilles. Dans l’ennui de ce repos forcé, je me mis à observer ma chambre. Enfin, « ma chambre », en réalité j’étais chez mon compagnon. J’avais souvent dormi ici depuis que nous étions ensemble et je connaissais par cœur l’emplacement des meubles : le lit à deux places au centre de la pièce exigüe. Au-dessus de moi, un plafonnier vieillot que je trouvais particulièrement hideux. À ma gauche, la grande et vieille armoire de grand-mère, qui avait dû en voir de toutes les couleurs, mais qui n’avait pas perdu les siennes. Du sommet dépassait l’habituel fatras d’objets en tout genre du : « Où est-ce que je range ça ? Je sais pas, mets-le sur l’armoire. » et qui y prenait finalement la poussière. Je pouvais apercevoir des cartons ouverts depuis longtemps, et dont l’utilité était largement questionnable. À leurs côtés, un ancien tableau dont j’avais oublié la teneur. Peut-être une plage ? Je me souvenais vaguement d’une mer agitée. Il avait autrefois été suspendu au mur face au lit. Mon compagnon l’avait retiré par peur qu’il soit abîmé lors d’une de ces soirées alcoolisées qui devenaient de véritables champs de bataille. Je le soupçonnais aussi de ne pas apprécier le tableau peint par sa grand-mère voilà plusieurs décennies. Un manche de ce que je savais être un bâton pour casser les piñatas apparaissait à côté, autre souvenir de soirée. En face de moi, le mur vide et blanc, avec pour seul détail le crochet qui avait servi à accrocher le fameux tableau. À ma droite, le bureau en bois, accompagné de trois tiroirs, qui avait accueilli de nombreuses heures de travail et de révisions pour mon compagnon et moi. S’entassait dessus une lampe high-tech qu’il jugeait « incroyable et vraiment pratique », une imprimante offerte par son père, son Mac, son PC fourni par l’université pour ses travaux d’informatique ainsi que sa pochette de rangement, des câbles en vrac, un tapis de souris, une trousse, une feuille et un stylo avec lequel j’avais écrit ma liste de choses à faire, et enfin une bouteille de jus d’orange que sa grand-mère m’avait donnée pour que je me sente mieux parce que : « c’est plein de vitamines ». Encore à droite se situait le radiateur blanc, vétuste, mais fonctionnel. À hauteur de ma tête, toujours à ma droite, la table de chevet, assortie à la vieille armoire, comportait une autre lampe de dernière technologie que j’avais offerte à mon compagnon au début de notre relation. S’y trouvait également un Google home, ses AirPods et une tonne de médicaments qui me narguaient car, malgré ma douleur, je ne pouvais en prendre un que toutes les six heures. Les deux fenêtres fermées laissaient filtrer une lumière dorée de fin d’après-midi. Emmitouflée dans la couette noire et blanche aux formes géométriques qui me donnait le tournis, mon chat vint se blottir contre moi en ronronnant et je m’abandonnais au sommeil.
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