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Se taper dans l'œil

À la fin de l’année se déroulait une petite fête encadrée par les professeurs de l’école. Il était convenu d’inviter un ou une camarade pour l’occasion, qui se rapprochait plus ou moins de l’idée que nous nous faisions d’un partenaire idéal. Les lettres d’amour peuplaient les trousses, les cartables, les casiers. Les effusions fusaient dans les couloirs, même dans les salles de classe, comme des jets de vapeur sentimentale que nos cœurs d’enfants ne pouvaient contenir. Je traînais. Tous les meilleurs étaient déjà pris. Je m’adressais alors à ceux vers qui personne ne se tournait vraiment, faute de mieux. Les rebuts, les intellos, les harcelés, les timides ou les moches. Peu importe, il suffirait qu’on me tienne lieu de partenaire le temps d’une soirée. J’essuyais des refus marmonnés à demi-mot, gênés ou confus. Ils s’étaient invités entre eux. Mon choix diminuait à vue d’œil, je devais encore descendre l’échelle de la popularité. Il faut croire que les plus laids compensaient leur valeur par une fierté que je ne saisissais pas ; tous m’avaient rejetée. En dernier recours, je proposais mon offre à Faustine, l’aveugle de ma classe. Ses yeux défaillants ne se posèrent même pas sur moi lorsqu’elle ricana un Jamais de la vie moqueur. Vexée et honteuse, je lui répondis Je vois.


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