Il faisait beau et les oiseaux chantaient. Je crois qu’ils chantaient mais je suis sûre qu’il faisait beau. Je ne reste longtemps sur cette terrasse à regarder et humer la vie que lorsqu’il fait beau. Alors il faisait beau et les oiseaux chantaient, peut-être. Le soleil tapait fort et il y avait peu de nuages. Y en avait-il ? Ce devait être l’été ou bien le printemps. J’étais assise sur une chaise en plastique blanc, les jambes étendues et les bras sur les accoudoirs, détendue. Je ne faisais rien hormis regarder et humer. Je devais avoir les yeux mi-clos, c’est toujours ainsi qu’ils sont lorsque je me détends. Il y avait des bruits de voitures, je suppose. Je ne sais pas si je m’en souviens vraiment ou si je me convaincs qu’il devait y en avoir. Pourquoi n’y en aurait-il pas eu ? Les gens n’avaient pas cessé de vivre alors il y avait très certainement tous les bruits dont regorge une ville habitée.
Plus on tenterait de se remémorer un souvenir, plus on lui apporterait inconsciemment des modifications, finissant donc par en oublier les détails. L’on serait alors la cause de la dégradation de ses propres souvenirs. On ne devrait donc jamais essayer de se remémorer ses souvenirs préférés car plus l’on s’y emploierait et plus ils s’éloigneraient de la réalité. Cauchemardesque hilarité. Souvenez-vous une unique fois et ne vous souvenez plus jamais. Ainsi seulement votre souvenir prospérera au plus près de la vérité.
Il faisait donc beau, les oiseaux chantaient peut-être et des voitures roulaient, je suppose. Ma grand-mère était là. Et papa ? et Lucas ? Alexandre ne devait pas être là, il n’y a pas remis les pieds depuis longtemps lui. Autant que Lucas finalement. Je ne sais pas alors je vais rester sur ce que je crois savoir. Je devais m’être mise à l’ombre, au moins la tête, je ne supporte pas la chaleur suffocante du soleil sur mon visage. Et… Peut-être finalement que je ne me souviens pas bien car il n’y a rien dont je doive me souvenir. Si je me détendais simplement alors je devrais davantage creuser mes ressentis du moment, ceux qui me collaient au corps. Ma peau a meilleure mémoire. Retournes-y une fois encore.
La chaleur de l’astre de feu sur mes bras, mes jambes, mon buste. Si bon, si chaud. Je ne me souviens pas qu’il y ait eu du vent. Pas de vent. Mes muscles qui se décontractent peu à peu. Ma respiration silencieuse, presque imperceptible. Mes battements de cœur qui se calment. Et… je crois que j’ai dû finir par m’assoupir… être réveillée par mamie. Je crois qu’elle aussi est venue se détendre et profiter de cette vue qu’elle côtoyait chaque jour. Je crois qu’elle aussi a profité du soleil. Puis, je crois que je me suis de nouveau assoupie.
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