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Souvenir 1

Je me souviens de cette journée étrange. Étrange parce que, quand on grandit, tout ce qui est passé, tout ce qui appartient à l’enfance, nous paraît flou. On peut d’ailleurs distordre le passé et, en ce sens, j’aurais pu parler de mon attraction préférée, mais je sais que ce souvenir aurait été biaisé par celui plus récent que je me suis fait d’elle. Alors, si je joue le jeu, je dirais que je me souviens d’une chose moins poétique que L'extraordinaire voyage, nom de l’attraction phare du Futuroscope. Cette chose, c’est une poubelle. Je l’ai retrouvée lors de ma dernière visite mais elle n’a maintenant plus le même usage puisqu’elle ne fonctionne plus.

Oui, cette poubelle était spéciale. Quand on y plongeait une bouteille en plastique, elle nous vomissait un ticket qui donnait dix pour cent de réduction sur quelques restaurants du parc. Je me souviens de mes amis et moi comme dans un rêve ; on avait trouvé une fascination pour cette poubelle magique. On se répétait que dix pour cent, car on essayait de compter comme on le pouvait, nous accorderait peut-être une glace gratuite. Je ne sais pas à ce jour si c’était l'innocence ou la baisse du niveau de mathématiques en France qui parlait, mais toujours est-il que nous avons essayé corps et âme de récupérer nos tickets.

Un premier problème s’était posé : la poubelle était pleine. Je peux me remémorer le visage incrédule d’un employé quand nous sommes venus à cinq lui demander s’il pouvait la vider. Il nous avait dit qu’elle le serait dans la journée. Il fut difficile de patienter.

Quand la poubelle se vida, un deuxième problème s’est interposé entre moi et ma glace gratuite : mes amis recevaient un ticket une fois sur deux. Je paniquais. Je n’avais qu’une seule et unique bouteille vide en main, et si ça ratait ? Est-ce que je devrais aller jusqu’à trouver une bouteille vide quelque part dans le parc ? Oui, mais comment ? Le Futuroscope est un parc d'attractions sur le thème du futur. L’écologie y est primordiale, et trouver une bouteille en plastique par terre serait une infamie.

L’heure fatidique avait sonné ; je me souviens m’être approchée d’elle avec la boule au ventre. Sans savoir que dix pour cent de remise ne me paieraient jamais de glace, j’ai poussé la bouteille dans le trou rond.

Moment d’euphorie : mon ticket est sorti. Sans attendre, nous avons couru vers le premier stand de glace que nous avons trouvé. Nous avons fièrement levé nos tickets sous le regard bienveillant mais désolé de l’employée qui, le visage peint d’un triste sourire, nous a annoncé :

— Les enfants, les dix pour cent ne sont pas compatibles avec les glaces, je suis navrée.

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