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Photo du rédacteurLouise

La boucherie

Dernière mise à jour : 5 déc. 2022

La rue assourdissante autour de moi hurlait. J’aurais aimé être Baudelaire pour connaître la joie, la passante et ses plaisirs.


Des stands par dizaine occupaient chacune des places du quartier de la boucherie. Ces différents organes étaient liés par des ruelles intestines. La rue principale en éternelle boulimique avalait puis recrachait des individus par centaine. À en juger par l’état de certains, la rue n’était pas fine bouche. Il fallait se méfier de cette gloutonne. Ses boyaux géants étaient capables de digérer un peuple. Les vestiges des maisons incendiées auraient dû servir d’avertissement.


Le sol était composé d’un gravas poussiéreux, rendu plus misérable encore par les déchets qui le couvraient. De nombreuses photographies aux murs vantaient la longévité de cette tradition. La propagande avait eu son effet. Des innocents se laissaient aller à l’ignominie de cette célébration, avant de terminer en chair à canon.


Des décorations médiévales ornaient les murs. Des barrières de fer condensaient davantage la foule et la rendait compacte, dure et agitée. Elle agissait comme une proie prise au piège, pourtant le bétail se trouvait dans des plats de faïences émaillés. Tels des appâts, bovins et ovins répandaient leurs entrailles dans la plus grande joie de cette foule anthropophage.


Dans les ruelles, les rouges menaient une dictature. Le rouge du sang. Le rouge du vin. Le rouge des joues. À l'unisson comme des frères d'armes. Une odeur de gras, de sang et de bière. Des mains baladeuses de viande à viande. Des passants aux rires gutturaux qui tordaient leur visage. Des passants aux rires étouffés qui montraient les crocs. Chancelants, ils s’asseyaient sur des chaises en paille qui auraient pu leur servir de griffoir. Heureusement, tout juste assis, l’ivresse gagnait ces charognards. Il était trop tard pour lécher l’assiette de Bocuse. Leurs gestes devenaient enhardis.


J’avais donc une chance.

Il fallait lever les yeux au ciel, toujours au ciel, puis avancer.

Néanmoins, tout ce que j’entendis fut une respiration devenir momentanément féroce avant de s’étouffer dans un râle.


À l’horizon, les rouges, les roses et les orangés brasillaient dans la clarté finissante du jour.



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