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Photo du rédacteurManon

Sphinx

Leslie,


Si tu lis ces lignes, c’est que le sphinx de la maison a gagné. Gagné son combat sur la vie ; gagné son combat sur ma vie. Je n’ai pas été la femme, la mère, que je me devais d’être. La vie de femme de militaire est une énigme et je ne la souhaite à personne, pas même à mon pire ennemi. Nous vivons dans un monde de contraintes où il faut sans cesse réfléchir pour survivre à ces contraintes. Ma chère fille, quoi que dise ton père, vis, pars, vole vers tes rêves même les plus fous.


Si tu lis ces lignes, alors c’est à toi de continuer mon combat. Dire que tu devrais suivre mon chemin serait te mener à ta perte, comme il en a été pour moi. Sois meilleure que ta pauvre mère. Survis avec tes amis, la famille que tu te seras choisie. Fuis ce terrible sphinx à l’énigme insoluble, fuis ce monstre à la carrure de héros.


Si tu lis ces lignes, ne pleure pas. Garde la tête froide et haute. Ne te retourne pas vers ton passé, ne le fuis pas non plus. Avance vers ce que la vie a de meilleur à t’offrir. Ne te penche jamais vers le soir qui tombe.


Quand j’écris ces lignes, je suis face à ma fenêtre. Cette fenêtre qui m’est attribuée parce que je suis une femme, attribuée parce que je suis comme son esclave. Je vois la campagne blanchir. Dans quelques heures ou dans quelques jours je m’endormirai pour si longtemps. Lorsque je fermerai une dernière fois les yeux, je reverrai ton visage dans cette campagne blanche. C’est triste à dire mais c’était prédit.


Quand j’écris ces lignes, j’imagine la femme forte, audacieuse et indépendante que tu es, ou que tu seras. Peut-être auras-tu un homme dans ta vie, peut-être aurais-je la chance de le rencontrer. Si ton père le désapprouve, ne l’écoute pas car celui qui sera à tes côtés te soutiendra mieux que ton père, ce sphinx au sourire blanc.


Voilà ma fille, n’oublie pas qu’en dépit de ce que j’ai pu te faire subir – ou ce que je te ferai subir – je t’aime et je t’admire. N’oublie pas de fuir le danger. Renoncer à un combat ne fait pas de toi une mauvaise combattante. Il fait de toi quelqu’un de prudent et de raisonnable.


Stéphanie, ta mère qui t’aime tant.

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