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Quelques idées de mots-clés :

Cinéma

Poésie

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Théâtre

304 éléments trouvés

  • La Vieil École

    Allez Florent joue-nous encore de ta mandoline Et toi Robert, de ta vielle torturée Comme toi seul sais le faire Tape le fer encore chaud Sur l’enclume Et sous tes coups de marteau Transforme le métal rougi En poésie Et sers-nous de grands verres De malvoisie Ce doux vin de pays Mal vieilli Pour apaiser nos vers Et nos peurs Dans la grande Pomme Que nous croquons En cercle Autour du feu De joie Comme on danse sous un pont Bien en rond Au milieu des cartons A fumer le calumet De la paix Fruits gâtés que nous sommes Bravant l’interdit Ou bien encore Fruit défendu Ou Lupanar interdit Je dirais plutôt Poètes maudits Et dans les ruelles Jusqu’à dans la grand rue Faisons nos classes Les poches trouées Par l’Éternité Jouons à saute-mouton Et chantons sur la grand place : Louons la Loire, Louons Éole ; Tous poètes Et Poétesses De la Vieil École ! Crédits : Un coin de table (1872) de Henri Fantin-Latour (1836-1904), Huile sur toile, 160 × 225 cm, Musée d'Orsay (Paris)

  • « Les formes du vrai » Parabole d'un monde

    Réécrire la microfiction Bienfaisante censure de Régis Jauffret. (consigne de Milena Mikhaïlova) … Pourquoi ? Parce que je veux croire que trois mots qui balaient une vie ne devraient pas être écrits. Et que si ils l’ont été, alors pourquoi serais-je de ceux qui les trouveraient ? Voici une question qui ne doit être posée, et voici qu’adviennent des temps où les paroles vraies se chevauchent. En ces lieux, tout ce qui s’élève ferme les yeux à la couleur. L’univers est de graal et de cristal, les contours se facettent à la paupière close du ciel. Dans cette allée sans but, ils reflètent ce qu’ils récoltent de lumière — les arbres, les pierres-forêt, les gemmes, fougères. Tout s’éclipse au simple regard, me semble que les mots fuient dans l’air. Le temps figé. Au pas qui tinte sur la rosée, au silence qui semble lui sourire. Loin de tous et près de tout, ceci j’appellerai Dieu. Une silhouette d’encre jetée apparaît, une tâche qui s’immisce comme une larme dans les chairs du papier. Le noir volute dans le bleu-monde et forme ces yeux… ses yeux qui traversent l’air comme ils traversent la pierre, me trouvent en tout lieu où je demeure et me transpercent. L’encre s’invite à mon visage et y expose mes entrailles, à vif. J’agrippe un tronc, les écailles de mon bras réfléchissent l’écorce cristallisée, puis s’évaporent. Ses yeux sont rivés en moi, tout mon être frisonne. En un instant-figé, je me vois courir et voler par-dessus les feuilles chantantes, mais je sais que son regard s’est logé dans le mien. Ce n’est pas une malédiction, c’est un jugement. Une vérité entrée par effraction d’encre, de pulpe à éclat d’âme. Ma force s’émiette avec cet arbre que ma main et mon cœur tiennent encore. Le monde entier, de ses veines saphirs à son arche d’émeraudes-feuilles, m’observe. Vois, il se sait dissipé à ces yeux qui ne sont que regard. La silhouette d’encre parle ainsi à son coeur : « Serais-ce possible… » Le vent se lève pour couvrir sa voix, le monde a compris que je ne peux pas l’entendre… Tandis que je m’enveloppe dans le carillon des oiseaux, lui s’arrête et reprend : « Serais-ce possible ! ce vieux saint dans sa forêt n’a pas encore entendu dire que… » À ce figé-instant le cri vrombit à mes oreilles, le sang dedans me soulève dans son roulis et j’agrippe les bordures encore fraîches de mon monde. De toutes mes forces. Dans mes mains, réduire, ne pas entendre… Je le ploie en cristal, je le reforme en diamant pour chasser de moi la crainte de la poussière : non, pas poussière, cristal ; et bien distinctement depuis l’autre bout du monde, avec ses yeux qui me percent et me condamnent, il parle ainsi : « … que Dieu est mort ? » Le monde s’en est retourné à la poussière. Le souffle du ciel entre les monticules grisants d’une sphère de sable. J’ai ri, car rire et pleurer se rejoignaient en ces temps-là. À mon tour j’ai parlé ainsi à mon cœur : « Même si l’encre, ici aussi, s’infiltrera, comment pourrais-je vivre sans cœur ? » Tout cela est le propre des vérités qui se chevauchent avec les vérités d’une nuit ou d’une vie, portant toutes le masque du monde. J’ai pris mon rêve, l’ai enterré, et suis parti dans une nouvelle forêt où j’ai prononcé : « Ceci j’appellerai Harmonie. » « Serais-ce possible (…) » tiré du prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche

  • Tuer le père

    Il faudra tuer le père Un jour où l’autre pour briser nos chaînes qui nous entravent l’esprit comme une maladie congénitale ou une dégénérescence totale qui finira par nous clouer tétraplégique sur un fauteuil les tares les souvenirs les remords les pleurs nos peurs il faudra balayer tout ça devant sa porte et midi ! et minuit ! sans oublier son parapluie pelleter la neige qui nous submerge et efface toutes traces de nos pas dans le blizzard hurlant les chaussures crissant et s’enfonçant profondément pourtant dans cette chair molle du passé lourde de sens immaculée attendre angoissé dehors et frigorifié le retour de la mère sur son cyclomoteur guetter chaque instant l’oreille aux aguets dans un espace de semi-liberté regarder la nuit venue les étoiles dans le ciel défiler comme dans un vieux film en noir et blanc et croiser ses yeux à lui une fois la porte ouverte le regard sévère la main lourde toujours la petite veine sur les tempes et sa grosse voix qui ordonne pleine de colère pour un oui ou pour un non pour un bonjour oublié ou plein d’insolence un regard jeté de travers les genoux au sol les mains sur la tête comme un enfant crucifié à des lois sévères et imbéciles injuste enfance avilissante éducation la main dans le dos pour se brosser les dents ne pas s’appuyer sur l’évier ne pas recevoir d’appels resté enfermé dans sa chambre bien docile comme un chien aboie dans sa niche et se mord la queue le front baissé le regard effrayé courant sur le sol pour fuir son regard à lui le martinet les coups les frustrations les humiliations ne pas parler à table faire pénitence écouter les hurlements du silence entrecouper l’instant ses menaces de le retrouver un jour pendu dans le garage garder en tête cette image tout comme le harcèlement moral de profiter de la vie au détriment d’autrui d’être un parasite un moins que rien un pédé et toujours la même ritournelle en guise de chanson : « elle n’est pas belle la vie ? » l’entendre pleurer le soir entre les draps comme un homme brisé le manque de repère les brises-lames lâchés à bride abattue dans les quarantièmes rugissants comme un cheval sauvage rendu fou ou bien piqué par une mouche et galopant sur la plage à la rencontre des vagues passer un cap celui de l’adolescence oui un jour il faudra tuer le père pour devenir un homme ou bien quelqu’un reproduire les mêmes schémas négatifs boire tout son soûl jusqu’à en devenir fou et oublier d’où l’on vient et où l’on va ne pas aller travailler rester couché du soir au matin sans repère sans volonté sans unité particules de nous-même éclatées détruites annihilées mais on n’oublie pas on n’oublie rien les cicatrices sont béantes boire un coup à sa santé enfin lever un toast jusqu’au ciel ! En prenant la lune pour témoin aujourd’hui mon père a 62 ans il est toujours en vie je n’ai pas eu le courage et j’ai préféré la fuite comme un lâche mon paternel vous voyez avait raison je ne le vois plus depuis un an et c’est tant mieux je ne me réveille plus en sueur la nuit submergé par l’angoisse les cauchemars qui nous assaillent l’esprit tourmenté sans une seconde de répit le corps moite le coeur lourd je ne l’appelle pas à quoi ça sert tout ça ? Tous ces bons sentiments ? Jouer à faire semblant de toute façon nous n’avons jamais rien eu à nous dire au fond nous sommes comme deux étrangers que l’amour d’une mère a séparés... XK (10.03.21, St Flo) Crédits : Œdipe assassinant son père par Gustave Claude Etienne Courtois (1852-1923), huile sur toile, 63 x 120 cm, collection privée, vendu aux enchères à l'Hôtel Drouot (Paris)

  • La part du rêve

    Écrire une microfiction à partir du tableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Peu importe le nombre de couverts, la vie s’astreint, Est plate, droite, froide. Vert uniforme Gris lissé Foncé sur la gauche, clair à droite. Trois sièges. Ils sont deux. Au fond, peu importe le nombre de couverts autour de la table, Le repas est fade, froid, servi bien droit. Et lorsque les couverts commencent à se ranger, Les deux prennent place sur leur trône doré et contemplent Le vide d’une vie lissée. Leur vie de parfaits. Alors ils décalent chacun un pied, l’air détendu ; Juste créer un espace où ils se sentent en liberté. Mais jamais On ne les verra plonger leurs pieds nus dans la terre, Chanter parce qu’ils aiment les couleurs du ciel, Courir jusqu’à ce que leur coeur leur sorte par la bouche Juste pour se sentir vivants. Hurler comme des loups au printemps, S’envoler de l’ivresse des feuilles d’automne Disparaître toute une nuit pour écouter les arbres respirer Dévaler les talus en souvenir de la neige. Ce n’est pas pour eux. Eux dans leurs draps sans pli Ils songent de finances et d’impressions. De meubles vernis sans accrocs. Cela les occupe sur leurs deux sièges dorés, quand le troisième vient à leur manquer, Car une partie d’eux n’a pas oublié le goût de la terre. Alors chaque jour qu’ils veulent bien ordonné, Ils laissent une place vide pour qu’il puisse l’occuper, Le rêve. La place du rêve.

  • Sterne

    Les marées d’oiseaux coulent sur la mer Ils volent en banc, laissent leurs pattes sur la plage Et toi qui planes solitaire Ne suis pas leurs ombres insensibles Bats des ailes au-dessus des étendues d’eau et de sable Aide le vent à suivre leurs courses À te pousser vers des paysages Où ce que tu cherches coulera de source

  • Remise du Petit Prix Littéraire FABLI

    Étudiantes, étudiants ! L'heure est bientôt venue d'annoncer les gagnants du Petit Prix Littéraire FABLI ! La remise des prix aura lieu le 9 mai 2022 à 12h30 à la Coop Cafet (Foyer des Étudiants de la FLSH, sous les amphis).

  • Un amour à travers le temps et l'espace (1/2)

    N.B. : Cette histoire est la réécriture - plus fournie - d’un récit secondaire tiré d’un jeu vidéo. Il était une fois, dans une lointaine dimension, il y a des années de cela… Deux tribus vivant sur les mêmes terres. Bien que très différents, ces deux peuples n’étaient pas ennemis et vivaient dans la paix. Cela ne les empêchait pourtant pas d’avoir certains préjugés les uns sur les autres. Cependant, parmi ceux qu’on appelait les êtres des Ténèbres, il y avait un beau jeune homme qui ne partageait guère les mêmes idées que les gens de sa nation : il se nommait Dimitri. Fils du comte Vasya, il était également l’un des membres les plus importants de la noblesse de la Tribu des Ténèbres, et bien que ce peuple soit porteur de pouvoirs majoritairement maléfiques, il n’en faisait plus mauvais usage comme cela fut le cas, il y a maintenant quelques siècles. L’autre tribu, celle des Anciens, possédait des pouvoirs dits « bénéfiques » : ils les utilisait au service du bien. Parmi toutes ces personnes vivait une charmante jeune fille sans pouvoir distinct du nom de Tatiana. Orpheline de père et de mère, elle vendait des fleurs dans le petit village où elle habitait, toute seule. Un beau matin de printemps, Tatiana décida d’aller cueillir des fleurs dans le petit bois de son village. Panier en main, elle s’engagea sur le sentier en fredonnant un air joyeux. La journée était belle : le soleil brillait sans brûler, le ciel était dégagé de tous nuages et une légère brise rafraîchissait l’air, faisant gonfler le jupon de la robe rose pâle de Tatiana ainsi que ses longs cheveux blonds cendrés. Ses grands yeux verts s’étaient fermés pour mieux apprécier la caresse du soleil sur son visage. Quand elle pénétra finalement dans la forêt, elle s’amusa des papillons qui virevoltaient tout autour d’elle et, tout en cueillant diverses fleurs sauvages, elle riait en voyant les papillons venir se poser sur ses épaules ou sur sa tête. Soudain, le rire de Tatiana se tut quand elle entendit un cri déchirer le silence paisible des bois. Abandonnant son panier, la jeune fille se précipita vers l’endroit où elle avait entendu le bruit et cela la mena vers une petite clairière où elle découvrit le corps d’un homme, inanimé. En s’approchant d’un peu plus près, Tatiana se rendit compte que cet homme n’était pas tout à fait humain : sa peau bleutée et ses oreilles pointues lui firent comprendre qu’il s’agissait d’un être des Ténèbres. Mais la jeune fille n’en avait cure : être des Ténèbres ou pas, il était de son devoir, en tant qu’être humain, d’essayer de sauver ce malheureux jeune homme dont les blessures saignaient abondamment. Posant sa tête sur la poitrine de la victime, Tatiana chercha à écouter les battements de son cœur. Et à son grand soulagement, l’inconnu était encore vivant. « Je peux encore le sauver, il le faut… » pensa-t-elle tout en soulevant avec quelques difficultés le corps du jeune homme. Se remettant en marche, elle alla récupérer son panier puis rentra rapidement chez elle pour pouvoir s’occuper de son blessé. Car en plus d’avoir l’art de s’occuper des fleurs, Tatiana était également une excellente guérisseuse, connaissant les secrets des plantes et des herbes médicinales. Cela compensait le fait qu’elle ne possédait pas de pouvoirs ordinaires comme les autres membres de son village, comme la télékinésie ou la lévitation. En revanche, ce que Tatiana ignorait, c’était que le jeune homme n’était nul autre que le jeune Dimitri. S’étant aventuré un peu trop loin de son royaume, il s’était retrouvé dans le bois du peuple des Anciens. Là, une horde de loups avait alors surgi des bosquets et s’était lancée à la poursuite du malheureux être des Ténèbres. Ne regardant pas devant lui, Dimitri n’avait pas vu la falaise et avait fait une chute qui aurait pu être mortelle à un être humain normal. Mais lui avait été simplement blessé, heureusement. Cependant, quelles blessures ! Si Tatiana ne l’avait pas entendu, sans doute aurait-il fini par périr. Arrivée dans sa petite maison, la jeune fille installa Dimitri dans son lit et prépara le matériel nécessaire : plantes guérisseuses, bandages, désinfectants… Peu après, elle s’occupa de son blessé tout en faisant attention à bien serrer les bandages. Tout en le soignant, Tatiana eut le loisir d’observer à toute aise l’être des Ténèbres. Il faut dire que c’était la première fois qu’elle en rencontrait un. Petite, on lui avait souvent raconté qu’il s’agissait de créatures horribles doués de pouvoirs maléfiques terrifiants, de véritables démons ! Et pourtant, Tatiana comprit en cet instant que toutes ces histoires étaient fausses : elle trouvait le jeune homme extrêmement beau, en dépit de sa peau bleue et de ses oreilles pointues. Quant à son visage, ses traits d’une grande douceur n’exprimaient aucune image de menace à ses yeux. « Mais que m’arrive-t-il ? » songea Tatiana, surprise de ses étranges pensées. Secouant la tête, la jeune fille décida de se reconcentrer plus sérieusement sur sa tâche. A cet instant, Tatiana vit les traits de son blessé se contracter. Elle comprit alors qu’il était en train de reprendre connaissance et un sourire soulagé naquit sur son visage. – Mmm… Ouille…, marmonna Dimitri, sortant de sa torpeur. – On se réveille enfin ? demanda Tatiana, toujours souriante. Finalement, Dimitri ouvrit grand ses yeux d’un bleu azur très pur, faisant battre un peu plus fort le cœur de la jeune fille, bien que celle-ci ne s’en rendit pas compte. – Mais… où suis-je ? C’est… une maison d’humain ? demanda le jeune homme d’un ton de voix qui paraissait être effrayé. D’abord étonnée par la question, Tatiana comprit rapidement le sentiment d’insécurité qui émanait de l’être des Ténèbres : « Il n’est pas dans son monde habituel : là-bas, il fait toujours nuit, et cela est peut-être la première fois qu’il voit le soleil, des fleurs d’hibiscus roses et une humaine ! » songea-t-elle, avec amusement, tout en faisant référence aux fleurs qui décoraient sa petite demeure. Mais en le voyant trembler, Tatiana se décida à le calmer et à le rassurer : – Ne t’agite pas ainsi. Je t’ai trouvé au pied de la falaise : tu as fait une sacrée chute. Mais tu n’as pas à t’inquiéter pour ta vie : je me suis occupé de tes blessures et elles seront guéries dans quelques jours, je peux te l’assurer. À cet instant, Tatiana se rendit compte que le jeune homme ne l’observait plus avec de la peur dans les yeux. Au contraire, il semblait, à présent, à la fois surpris et curieux. – Tu es humaine… Je ne te dégoûte pas ? Je viens de la Tribu des Ténèbres…, lui dit-il avec une certaine appréhension. Ce fut au tour de Tatiana d’être stupéfaite. Elle n’en revenait de cette question qu’elle trouvait totalement saugrenue ! – Quelle importance ? dit-elle d’une voix sincère, tout en resserrant le bandage du bras droit de son blessé. Il faudrait être un monstre pour ne pas aider une âme blessée ! Dimitri, à son tour, demeura sans voix. La douleur de ses écorchures n’était plus rien comparée aux paroles que la jeune fille venait de prononcer. On lui avait souvent dit qu’il fallait se méfier des êtres humains… et pourtant, cette fille lui inspirait confiance. De plus, il la trouvait extrêmement jolie : ses yeux, en particulier, le captivait. Grands, d’une couleur verte semblable à celle de l’émeraude, il avait l’impression de pouvoir lire toutes les émotions de cette inconnue à travers son regard. Oui décidément, cette petite humaine était vraiment intrigante… Soudain, une douleur le tira de ses rêveries. – Ah ! s’exclama-t-il en grimaçant. – Oh désolé ! s’excusa Tatiana, confuse. Elle s’empressa de desserrer le bandage du bras puis, elle se leva de sa chaise. – Bon, étant donné la gravité de tes blessures, il vaudrait mieux que tu restes avec moi le temps que tu te rétablisses totalement. Maintenant, repose-toi. Et alors qu’elle s’apprêtait à sortir, elle entendit la voix de Dimitri lui demander : – Où est-ce que tu vas ? – Au marché. Je dois acheter de quoi manger car je risque de ne pas en avoir assez pour nous deux, expliqua-t-elle. Et alors qu’elle ouvrit la porte, elle se retourna et dit : – Ah oui, j’ai failli oublier de me présenter ! Je me nomme Tatiana. Et toi ? – Mon nom… C’est Dimitri. – Eh bien Dimitri, sache que je suis ravie de te rencontrer ! Sur ce, elle lui fit un petit salut de la tête et s’éclipsa. Quand à Dimitri, il finit par s’endormir et se mit à rêver d’une belle jeune fille aux longs cheveux châtains et aux grands yeux couleur émeraude. Son nom était Tatiana… Ce jour-là, leurs chemins se croisèrent. Ce jour-là… marqua le début d’un destin tragique. Deux semaines plus tard… Du haut de la colline, alors que le soleil lançait ses derniers rayons flamboyants, Tatiana s’impatientait et tournait en rond. Voilà un bon moment qu’elle attendait Dimitri et celui-ci n’était toujours pas là ! Pourtant, aux deux précédents rendez-vous, il était arrivé à l’heure. La jeune fille ne finissait pas de s’interroger sur le retard de celui-ci : « Et s’il ne voulait pas venir me voir ? Et s’il s’était finalement lassé de ma compagnie ? » songea-t-elle avec inquiétude. Soudain, un coup de vent la fit se retourner. Quel soulagement ! Dimitri était enfin arrivé. Il était un peu essoufflé, comme s’il avait beaucoup couru. – Tu es en retard, reprocha gentiment Tatiana à son ami. Tu as eu un problème ? – Oui, mon père m’a puni, expliqua le jeune être des Ténèbres, légèrement embarrassé. Ça n’a pas été facile de sortir du château après ça. – J’ai eu peur, avoua la jeune fille, j’ai cru que tu ne viendrais pas… – De toute façon, je serai venu te voir, puni ou pas, répondit Dimitri d’une voix douce. Tu n’es pas comme les autres… Tu sais ce que je suis, mais tu n’as pas peur de moi. – Peu importe ce que tu es, déclara Tatiana d’un ton de voix ferme. J’avais juste envie de te voir. Est-ce si… anormal ? s’interrogea-t-elle serrant contre son cœur son minuscule bouquet, composé de deux fleurs de lilas mauves. – Non… Non, pas du tout ! se récria Dimitri avec une franchise fougueuse. J’avais envie de te voir, moi aussi… Très proches l’un de l’autre, les deux jeunes gens se regardèrent avec une sincère tendresse. Car tel était la naissance des premiers sentiments amoureux… Soudain, un rayon du soleil couchant vint les frapper au visage, les surprenant tous les deux, avant qu’ils n’éclatent de rire : – Ah, ce cher soleil ! s’amusa Tatiana. Il nous prendra toujours au dépourvu, n’est-ce pas Dimitri ? Ce n’est pas souvent que tu as dû le voir. – C’est vrai, admit le jeune homme. Les seules fois où je l’ai contemplé, c’était en ta compagnie, ma chère Tatiana… Il poussa un soupir puis s’assit sur l’herbe, à l’ombre du sycomore, le regard perdu vers la lumière. A cet instant, Tatiana, fixant son ami du regard, le trouva vraiment très beau, illuminé ainsi par le soleil couchant. S’approchant de lui, elle lui demanda : – Dimitri… Est-ce que je peux m’assoir à côté de toi ? - Bien entendu Tatiana, répondit celui-ci en regardant la jeune fille avec un sourire. Mais reprenons notre discussion. Je veux mieux te connaître… S’asseyant à côté de Dimitri, Tatiana se blottit contre son torse et les deux se mirent à bavarder joyeusement, tandis que le soleil continuait à décliner doucement. Pour comprendre les choses, revenons un peu en arrière : La convalescence de Dimitri avait duré une bonne semaine et durant ce temps, lui et Tatiana avaient appris à mieux se connaître. La gêne des premières conversations avait bientôt laissé place à un bavardage incessant, mêlé d’éclats de rires. Peu à peu, ils s’étaient découvert des goûts communs, comme la passion des fleurs - surtout les roses - et celle de la lecture. Finalement, lorsque le jeune homme avait fini par guérir, les deux amis avaient été bien tristes de devoir se séparer. A tel point que Tatiana avait demandé à Dimitri s’ils ne pourraient pas se revoir. Celui-ci fut d’accord et lui avait proposé un rendez-vous dès le lendemain, dans un endroit près de leurs deux terres, non loin de la falaise où Dimitri avait fait sa chute. C’est un lieu charmant, surtout au coucher du soleil et Tatiana avait approuvé lorsqu’elle était arrivée. Ce jour-là, ils discutèrent tellement que la nuit était tombée lorsqu’ils rentrèrent chez eux, chacun de leur côté. Mais ils se promirent de se revoir très vite. Ce fut chose faite lorsque la semaine suivante, Dimitri envoya une lettre empreinte d’affection à Tatiana, l’invitant à la rejoindre au même lieu que la dernière fois et à la même heure. Celle-ci fut si heureuse ! En fait, c’était bien la première fois qu’elle avait un véritable ami, juste pour elle. Pourtant, la jeune fille ne pouvait s’empêcher de trouver son amitié avec Dimitri un peu… étrange. Pas à cause du fait qu’il était un être des Ténèbres, ça non. En fait, elle avait l’impression que la tendresse qu’elle lui vouait lui semblait parfois un peu excessive pour une simple amitié. La nuit de leur dernière rencontre, elle se demanda même si elle n’était pas en train de devenir amoureuse de lui. Finalement, elle décida de laisser le temps faire son œuvre, voir comment évoluerait ses sentiments et parvint à trouver le sommeil. Néanmoins, une chose était parfaitement claire pour elle : quand Dimitri était là, elle se sentait pleinement heureuse, surtout dans ses bras. Deux mois plus tard… Les larmes inondant ses joues, Tatiana sanglotait sans pouvoir s’arrêter. Effondrée sur l’herbe, elle aurait voulu que tout ceci ne soit qu’un cauchemar, un affreux cauchemar dont elle finirait par se réveiller. Et pourtant, ce qui venait de lui arriver était on ne peut plus réel. Et désormais, elle le savait : revoir Dimitri signifierait qu’elle courrait à sa perte. Car il lui était apparu. Le comte Vasya, le père de Dimitri. Jamais encore Tatiana n’avait eu aussi peur de sa vie. Ni aussi mal, d’ailleurs. Les pouvoirs du comte étaient très puissants et l’avaient sévèrement blessé, physiquement. Mais ce qui faisait vraiment souffrir la jeune fille, c’était le terrifiant avertissement que le comte lui avait donné, alors qu’elle était déjà à demi-évanouie : – Je sais, petite humaine, que vous fréquentez Dimitri et par votre faute, il se détourne du chemin qu’il doit suivre ! Je vous défends donc de le revoir. Si vous venez à me désobéir, craignez pour votre vie car mon courroux sera des plus terribles ! Et il avait disparu. Terrifiée, Tatiana finit par trouver quelques forces pour rentrer chez elle, avec l’intention de se soigner et de ne pas venir au rendez-vous que Dimitri lui avait proposé, le jour même. Une semaine s’écoula ensuite dans la solitude pour les deux jeunes gens. Sur les terres des Anciens et des êtres des Ténèbres, il pleuvait à verse et de son côté, Tatiana s’ennuyait à mourir. Elle avait reçu quelques lettres de Dimitri qu’elle n’avait osé ouvrir, de peur que leur contenu ne pousse à aller le voir et à expliquer son étrange absence. Lors d’une journée particulièrement venteuse, Tatiana décida pourtant de se risquer à sortir, malgré la tempête qui faisait rage. Depuis quelques jours, elle avait l’impression d’étouffer car Dimitri lui manquait horriblement. Elle avait besoin de vent, de pluie… De sensations fortes ! Bienstôt, ses pas la menèrent dans un pré où poussaient quelques tulipes jaunes. Quelle ne fut la stupéfaction de la jeune fille en découvrant, au loin, la silhouette de son ami ! Elle le reconnut tout de suite. Hélas, elle le vit se retourner vers elle et comprit que lui aussi l’avait reconnue. Elle tenta bien de fuir mais Dimitri fut plus rapide qu’elle et la rattrapa aisément, la retenant par le poignet. – Tatiana, qu’y a-t-il ? Pourquoi cherches-tu à m’éviter ? demanda-t-il, désespéré. – Aïe… Ouille ! gémit-t-elle. Lâche ma main ! Mais Dimitri fut plus fort qu’elle et l’obligea à lui faire face. En le voyant, la douleur de Tatiana fut telle qu’elle se mit à sangloter, cherchant vainement à cacher ses larmes. – Que… Mais tu pleures ! s’écria l’être des Ténèbres, bouleversé. Pourquoi ? Tu dois me dire ce qu’il s’est passé Tatiana ! T’aurais-je fais du tort ? – Non, ce n’est rien, rien du tout…, dit Tatiana d’une voix larmoyante. Oublie ça… et oublie-moi…, ajouta-t-elle dans un murmure à peine audible. En entendant ces terribles paroles, Dimitri comprit alors pourquoi son amie n’était pas venue à leur dernier rendez-vous et pourquoi toutes ses lettres étaient restées sans réponse. – Oh non…, Tatiana, est-ce que mon père est derrière tout ça ? demanda-t-il, inquiet de la réponse qu’elle allait lui donner. - Je… Je ne suis qu’une fille ordinaire…, bredouilla-t-elle. Et même si je t’aime, nous devons nous séparer… À ces mots, Dimitri faillit perdre tous ses moyens. Elle l’aimait… Elle l’aimait ! Lui qui pensait qu’elle ne partagerait pas les sentiments qu’il avait pour elle… Car l’être des Ténèbres avait fini par tomber éperdument amoureux de la jeune humaine. – Tatiana… murmura-t-il. Je… – Nous devons nous dire adieu, Dimitri, le coupa sa compagne d’une voix tremblante. Nous n’avons pas le choix. C’est notre destin… conclut-elle avant de se détourner de lui. – Tatiana, je t’en supplie ! cria le jeune homme, au plus fort de son désespoir. Celle-ci se retourna et sans qu’elle n’eut le temps de protester, Dimitri la serra dans ses bras. D’abord abasourdie, Tatiana se laissa faire. Bien que cette étreinte fut pleine de douleur et de désespoir, elle exprimait aussi, sans aucune parole nécessaire, l’amour pur et sincère qui liait les deux amants pour le reste de leur vie. Mais brusquement Tatiana s’arracha des bras de Dimitri et fuit son bien-aimé, les larmes continuant à couler sur ses joues. Son amant tenta de la retenir mais ne parvint qu’à arracher un ruban de soie rouge, celui que Tatiana portait dans ses cheveux. Et c’est ainsi que le jeune seigneur vit disparaître celle qu’il aimait, dans une envolée de pétales de tulipe jaune. Il semblait que, désormais, leur amour soit sans espoir… Un mois plus tard… Une éternité semblait s’être écoulée pour Dimitri et Tatiana depuis leur séparation, et cette dernière laissait son chagrin la dévorer à petit feu. Il faut dire que l’absence de celui qu’elle aimait lui avait fait perdre sa joie de vivre et cela se voyait : son teint était devenu terne, ses yeux ne brillaient plus de cette lueur malicieuse qu’il y avait autrefois, et son visage affichait sans cesse une tristesse affligeante. Au village, beaucoup de gens pensaient que Tatiana avait attrapé une maladie inconnue pour être dans un tel état et incapable de se soigner. Cependant, tous ignoraient que sa maladie s’appelait en fait l’amour… et que c’était son amour pour Dimitri qui lui faisait tant de mal. Plus d’une fois, elle fut tentée de le revoir mais l’avertissement du comte Vasya l’avait traumatisée au point qu’elle n’avait osé transgresser l’interdit. Et la nuit, elle se maudissait pour sa lâcheté, sa plus grande faiblesse de l’humaine qu’elle était, et pleurait toutes les larmes de son corps à l’idée qu’elle ne pourrait jamais vivre avec son compagnon. Car elle en était sûre, Dimitri était l’homme qu’elle attendait. Mais comment faire vivre un amour interdit ? Tatiana l’ignorait et cela la désespérait. De son côté, Dimitri était tout aussi à plaindre que son amante. Son absence le faisait cruellement souffrir, à tel point qu’il en avait perdu l’appétit et le sommeil, mettant sa santé en péril. Mais contrairement à sa bien-aimée, le chagrin ne lui avait pas brouillé toutes ses idées et il réfléchissait à divers stratagèmes pour faire triompher son amour envers une simple humaine, tout en pesant le pour et le contre. Et une nuit, il se réveilla de sa sieste en sursaut, l’esprit soudainement éclairé de cette simple pensée : « Je dois épouser Tatiana ! » Effectivement, le jeune homme avait brièvement songé à l’entreprise d’un mariage mais avait rejeté cette idée, de peur que Tatiana ne se sente pas prête pour une telle épreuve. Car un mariage signifierait qu’envers et contre tout, ils seraient liés pour l’éternité. Et l’éternité était un bien grand mot… Pourtant, jamais en cet instant, l’idée d’épouser Tatiana n’avait paru aussi excitante à Dimitri. Car passer le reste de ses jours avec la femme qu’il aimait plus que tout au monde le comblait de félicité. Pourtant, un obstacle majeur risquait de barrer la route des deux amants : le père de Dimitri. Car même si son fils épousait celle qu’il aimait, il n’hésiterait certainement pas attenter à la vie de Tatiana afin de préserver son honneur et celui de la Tribu des Ténèbres. « Puisque mon père n’acceptera jamais Tatiana, il nous faudra partir, quitter ce monde pour en chercher un autre. Nous devrons trouver un monde qui acceptera notre amour et ce, sans aucune concession ! » songea le jeune seigneur, déterminé. Pourtant, Dimitri ne put s’empêcher d’hésiter. Quitter son clan ne lui ferait ni chaud, ni froid, mais il craignait que cela soit plus difficile pour Tatiana. Quoiqu’en y réfléchissant bien, était-elle vraiment heureuse là-bas ? Il avait cru comprendre, lors de leurs rendez-vous, que l’on commérait sur elle, du fait qu’elle ne possédait aucun pouvoir et qu’elle souffrait secrètement de la situation. Et si elle l’aimait autant que lui… Peut-être qu’elle le suivrait ? « C’est décidé ! Dès que la lune sera au plus haut dans le ciel, j’irai voir Tatiana et lui exposerai mon plan, en priant qu’elle accepte de me suivre… et de m’épouser ! » songea Dimitri, qui ne put s'empêcher de frissonner à l’idée d’un refus. Bien que la nuit fût perpétuelle dans le monde des êtres des Ténèbres, la lune agissait pour eux comme le soleil : quand elle était au plus haut, cela voulait dire qu’il était minuit, heure à laquelle les humains de la tribu des Anciens dormaient… tandis que les êtres des Ténèbres étaient pleinement réveillés. Et ce fut à cette heure tardive que Dimitri quitta son monde pour aller dans celui des humains et trouver la maison de Tatiana. Lorsqu’il arriva, il semblait n’y avoir âme qui vive dans la petite maison de bois de son aimée. Prenant un petit caillou, il l’envoya tapoter contre la fenêtre de la chambre de Tatiana. Quelques secondes plus tard, une lumière s’alluma puis, la fenêtre s’ouvrit et Tatiana parut. En la voyant, toujours aussi belle que dans son souvenir, Dimitri crut défaillir d’émotion. Du côté de la jeune fille, elle manquait elle aussi de s’évanouir, mais de surprise : – Dimitri ?! Mais que fais-tu ici ? Il est plus de minuit passé ! – Tatiana… Il faut que je te parle, c’est urgent ! s’écria fébrilement le jeune homme. – Dimitri… Est-ce que tu vas bien ? Rassure-moi, tu n’as rien bu ? s’inquiéta son amante. – Pas une goutte, lui assura ce dernier. Tatiana, il faut que je te demande une chose extrêmement importante… qui nous concerne tous les deux ! – Chut ! Moins fort Dimitri ! On risque de nous surprendre… Écoute, va dans le jardin et attends-moi, j’arrive tout de suite ! Et je t’en supplie, ne fais pas de bruit ! Trop heureux qu’elle accepte de le recevoir malgré l’heure tardive, Dimitri fit le tour de la maison pour aller dans l’immense jardin de Tatiana. Des héliotropes poussaient en masse, offrant au lieu une splendeur de couleurs brillantes, malgré l’obscurité. Alors que Dimitri admirait la beauté des fleurs sous la pâle clarté de la lune, Tatiana le rejoignit, vêtue de sa robe rose, l’air émue. – Dimitri… Qu’est-ce qui t’a donc poussé à revenir vers moi ? lui demanda-t-elle. À cet instant, l’être des Ténèbres se retourna et sans crier gare, il s’agenouilla devant sa bien-aimée et prit ses mains entre les siennes, arrachant un cri de surprise à celle-ci. – Tatiana, épouse-moi je t’en supplie ! – Qu… Quoi ?! s’écria la jeune fille, sous le choc. As-tu perdu la tête Dimitri ?! Aurais-tu donc l’esprit égaré ? – Non, jamais mes idées n’ont été aussi claires qu’aujourd’hui, déclara gravement le jeune homme. Tatiana… Au cours de ce dernier mois, je me suis rendu compte que je pouvais plus vivre sans toi. Et dis-le moi franchement, est-ce pareil de ton côté ? – Oui…, avoua-t-elle alors dans un souffle. Ton absence me fait si mal que je me demande comment j’arrive encore à vivre aujourd’hui, alors que tu n’es plus à mes côtés… – Justement Tatiana, continua Dimitri, fébrile. Si je suis là, c’est pour t’annoncer également qu’il va nous falloir partir et ce, le plus tôt possible. – Quoi… Mais tu es fou ? C’est impossible… On ne nous laissera pas faire ! s’exclama la jeune fille, égarée. – Nous n’avons plus le choix, Tatiana. Nous devons partir pour un endroit où nous pourrons vivre notre amour, répondit son amant d’une voix à la fois douce et ferme. – Mais Dimitri, crois-tu qu’un tel monde existe ? demanda Tatiana, en s’agenouillant, l’air inquiet. Je ne veux plus te voir souffrir. – Peut-être qu’il n’existe pas…, admit l’être des Ténèbres, songeur. Mais au moins, nous passerons notre vie à le chercher ensemble ! À ces mots, il y eut un long silence, rompu par Dimitri, la voix empreinte d’émotion : – Alors, je te le demande encore… Tatiana, veux-tu m’épouser ? Je saurai te rendre heureuse, lui dit-il, les joues flamboyantes sous le coup de l’émotion. – Tu n’abandonneras jamais…, répondit son amante dans un soupir. Tu es vraiment l’homme le plus obstiné du monde… et le plus fou ! – Tatiana, réponds-moi, je t’en supplie ! insista Dimitri, effrayé par sa réaction. À cet instant, la compagne de l’être des Ténèbres releva la tête et regarda son bien-aimé droit dans les yeux, son regard brillant de larmes contenues. – Dimitri, je t’aime, chuchota-t-elle d’une voix légèrement tremblante. Emmène-moi loin d’ici. Trouvons un monde où nous pourrons être heureux. – Oh Tatiana… murmura Dimitri, rempli de joie. Les deux amants se regardèrent encore un peu puis, leurs lèvres se rapprochèrent et finalement, Dimitri et Tatiana s’échangèrent leur premier baiser. Je crois qu’on peut dire sans hésitation que l’émotion des deux jeunes gens n’avait jamais été aussi intense que ce soir-là. Jamais encore Dimitri et Tatiana n’avaient ressenti leur passion aussi puissamment qu’à ce moment-là. Quand ils se séparèrent, à bout de souffle, ce fut pour s’offrir un deuxième baiser, plus passionné et un troisième, celui-ci d’une grande douceur. Car telles étaient les émotions qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Cette nuit scella ainsi la promesse faite entre Dimitri et Tatiana : trouver un monde où ils pourront vivre leur amour et se jurer que personne ne pourra les empêcher de s’aimer. Qui aurait pu prévoir que cette promesse allait les détruire ? Quelques jours plus tard… Peu de temps après la rencontre furtive entre Dimitri et Tatiana, les deux amants se retrouvèrent une autre nuit sur leur lieu de rencontre pour admirer les étoiles. La soirée était douce et paisible sur les terres des Anciens et des êtres des Ténèbres et pour les amoureux cachés, leurs sentiments leur donnaient des ailes, au point qu’ils se sentaient invincibles. Confortablement installés sur l’herbe, l’un à côté de l’autre, Dimitri et Tatiana observèrent le ciel avec admiration, ayant revêtu son manteau nocturne parsemé de mille éclats de diamant. Les nuits étant devenues plus fraîches, ces derniers temps, le jeune être des Ténèbres avait amené avec lui deux manteaux : un noir pour lui, et un blanc pour sa bien-aimée. – Regarde comme les étoiles sont belles, Tatiana ! s’émerveilla doucement le jeune homme en serrant délicatement son amante contre lui. – Tu as raison, Dimitri, approuva la jeune fille en hochant la tête. Et tu sais, dans mon village, on dit que les voeux faits aux étoiles se réalisent toujours. – C’est vrai ? l’interrogea son amant avec intérêt. Dans ce cas, nous devrions en faire un. – Pour moi, c’est inutile, répliqua tendrement Tatiana à voix basse. J’ai déjà tout ce que je pourrais souhaiter. Surpris, Dimitri tourna la tête vers celle qu’il aimait : elle avait fermé les yeux, le visage à présent fortement pensif. A quoi pouvait-elle donc penser ? – Oui… Mon vœu… a déjà été exaucé. Ou devrais-je dire notre vœu, n’est-ce pas Dimitri ? L’être des Ténèbres hocha la tête, comprenant à présent ce que voulait dire sa compagne : elle parlait en fait de leur espoir de vivre leur amour, loin de tous ceux qui voudraient se dresser contre eux. Si le couple n’avait pas encore quitté leurs tribus respectives, c’était parce qu’ils se refusaient à partir sans préparatifs convenables pour un voyage qui promettait de durer longtemps. Cependant, leur fuite était prévue pour bientôt ; et dans quelques jours, Tatiana et Dimitri seraient libres de s’aimer ouvertement, sans avoir à craindre le regard des autres sur eux. Soudain, l’être des Ténèbres sentit sa bien-aimée frissonner contre lui : – Tatiana… Tu n’as pas froid ? s’inquiéta-t-il en la regardant avec protection. – Pas du tout, le rassura-t-elle. S’il te plaît, on peut encore rester un peu comme ça, l’un contre l’autre ? Je me sens si bien… Soulagé, Dimitri hocha silencieusement la tête avec indulgence et les amoureux secrets demeurèrent blottis entre eux, continuant à se parler tout bas et à scruter le ciel dans l’espoir d’apercevoir une étoile filante. Cependant, ils ignoraient tous deux qu’au loin, une certaine personne les observait avec une colère froide dans ses yeux : c’était le comte Vasya, le père de Dimitri. Malgré les efforts de son fils, l’homme n’avait pas été dupe de son manège de ces derniers jours : il avait fini par découvrir ses fuites secrètes qui aboutissait en fait à des rencontres avec cette détestable humaine ! Cette fille auquelle le comte avait intimé l’interdiction de revoir son fils ! Elle ne l’avait donc pas écouté… Eh bien soit. Il l’avait prévenu qu’elle mettrait sa vie en danger si elle se décidait à lui désobéir… Et puisque c’était le cas, il était temps de prendre des mesures radicales contre elle. Certes, il ne le ferait pas de gaieté de cœur mais pour le bien de son fils, il fallait bien se résoudre à faire quelques sacrifices.

  • Premières fois

    Réécrire la microfiction Slogans de David Thomas (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) – Ne tuez pas votre enfant ! – Dieu vous aime ! 11 ans, et mes premières règles. C’était en plein exercice de crawl. J’étais en tête de la course ; pour une fois que j’étais rapide. Les crampes m'ont assaillie comme une nuée de couteaux plantée dans ma peau. Sans prévenir. Elles m’ont serrée, si fort. Essorant, tordant, saccageant ce que j’allais découvrir comme étant mes ovaires ; ces satanés organes qui me pourriraient la vie. Game over : Mère Nature déclarée vainqueure par KO ! Le prof, lui, n’a rien trouvé de mieux à dire que “T’aurais pu prévoir”. 16 ans, et mon premier amour. Il s’appelait Jules. Il faisait du skate et il avait du talent. Les papillons dans le ventre, les sourires jusqu’aux oreilles, les palpitations du cœur, c’était avec lui. Alors je lui ai tout confié : mes sentiments, mon cœur, ma virginité… tout. Et qu’est-ce qu’il en a fait, trois heures après ? Il les a étalés. Massacrés. Piétinés. Devant tout le lycée. Les rires fusaient. 21 ans, et ma première agression. Je rentrais à mon appartement. Il ne me restait plus que 100 mètres quand un homme est arrivé vers moi. Il m’a sifflée puis reluquée à tel point que de la faim dégoulinait de son regard. Je me sentais plus morceau de viande que femme. Donc je me suis mise à courir. Il m’a suivie. Traquée. Longtemps. Puis il m’a coincée. La ruelle était sans issue. Moi, prise au piège. Il m’a poussée. Je suis tombée. Il a baissé son jean. S’est allongé sur moi. M’a écrasée de tout son poids. A relevé ma robe. Enlevé ma culotte. Et m’a brisée. – Ne leur réponds pas. Je brûle de leur hurler qu’ils sont inhumains. Qu’ils ne savent rien de mon vécu. Mais ça n’a plus d’importance. Je refuse que l’être qui grandit en moi apprenne ce que “souffrir” signifie.

  • Je suis le résultat de (mes) choix

    Réécrire la microfiction Slogans de David Thomas (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Ça fait des années que je regrette ma vie et mes mauvais choix ramassés d’un trottoir ou croisés par hasard sur un spot publicitaire. J’ai perdu le sens de ma vie et des kilos. Je suis une vieille femme maudite par des malédictions cumulées pendant des années d’aveuglement et de non-sens. Et je vis l’automne de ma vie telle une brebis isolée et désolée à attendre ma mort qui ne décide pas encore de m’arracher la vie insensée. Et je continue à marcher dans la campagne en chantant mon proverbe préféré « Si jeunesse savait si vieillesse pouvait ! ». Et depuis, je commence à me moquer des slogans et à avertir les jeunes de leur incrédulité.. Rien n’est plus facile que de coller trois à sept mots qui riment ensemble pour plaire à l’ouïe. Mais ce qui est drôle c’est de les écouter de la bouche de leurs inventeurs, si je dois considérer le slogan comme une invention car, comme vous le savez, mes chers enfants, l’invention nécessite un temps de recherche et de rationalité tandis qu’un slogan n’est qu’un jeu de mots. Il suffit de regarder un politicien enflammé par l’applaudissement et le hurlement de ses disciples et de voir comment il va prononcer un nouveau ready-made accompagné par des secouements de bras, un bref regard sérieux et une voix terrible qui résonne à travers le microphone. C’est un vrai acrobate ! Il est flexible, performant et sait marcher sur un fil très fin, rouler dans l’air, sauter, danser, rire tout en gardant son équilibre et tout en ensorcelant les yeux de ceux et celles qui le suivent et qui attendent le moment où il tombe. Mais il ne tombe jamais car depuis qu’il a prononcé son sortilège, ce sont les gens qui tombent sous son charme. Je vous raconte la malédiction qui s'était activée dans ma vie à cause des slogans : J’avais l’habitude de contempler les slogans que j’avais tant aimés. Je chantonnais ces chers petits-mots compactés dans une formule douce, charmante et séduisante. Je me les répétais quand je me sentais perdue. Je les croisais quand je ne trouvais personne qui puisse me conseiller. Ils étaient là, affichés partout devant moi, à la télé, dans la rue, dans ma fac, dans mon lieu de travail, dans mes conversations intimes avec mes proches. Ils me parlaient et m’ensorcelaient. Mais en réalité, je les aimais autant que je me détestais. Je croyais qu’ils me guidaient donc ils étaient mes itinéraires de vie. Quand je devais prendre une décision, soit ils me la confirmaient soit ils me la niaient. C’est comme ça que j’avais épousé un harceleur d’enfants qui m’avait juré qu’il était innocent des rumeurs qui l’accusaient de crime mais le slogan de Chirac « Nous irons plus loin ensemble » venait l’aider dans son plaidoyer et j’avais accepté des années d’amertume toute souriante et toute aveuglée. Un soir, je m’étais disputée avec une amie dans un restaurant car elle m’avait conviée à un dîner à la suite de son élection au poste de directrice générale d’une entreprise de cosmétique. Elle était super excitée et on avait commandé plusieurs repas mais quand l’addition avait affiché 233 euros, elle s’était sauvée du restaurant et m’avait laissée seule à me débattre avec le serveur. Le lendemain, je n’avais pas réussi à avaler ma rage mais je ne savais pas comment venger ma haine. Alors un slogan jeté sur le trottoir m’avait conseillée la suite « Faire battre le cœur de la France ». J’avais tout de suite saisi le message et je m’étais rendue au bureau de mon amie que j’avais battue très fort jusqu’à lui faire saigner le visage. Que les cosmétiques dissimulent ses cicatrices bleutées ! Il ne faut pas se laisser aller par l’excitation quand on n’a pas d’argent. C’est ainsi que je rumine ma vie à cause de ces slogans. Si le temps remontait en arrière, je chercherais certainement auprès des proverbes, un sens à ma vie. Soyez plus sages que moi, ô mes petits, et tâchez de ne pas croire à tout ce qu’on vous dit!

  • Épave en sursis

    Écrire une microfiction à partir de la chanson Le Soleil a rendez-vous avec la Lune (version live) de Charles Trenet. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Je t'ai aimé. Mais tu m'étouffes. Tu m'encercles. Ton énergie, ton flot m'envahissent, tes colères me noient. Tes colères. J’aimerais t’apaiser, savoir te consoler, t’aimer, comme avant. Quand tu te déchaînais sur moi, que tu te lovais et pleurais jusqu’à ce que tes émotions s’aplatissent. Mais maintenant… C’est la noyade qui m’attend. C’est ma perte en toi, dans les profondeurs de ton être, les abysses de ton âme, les épaves de ton passé. Tes épaves. J’ai peur. Je tremble. Je brûle. Pas les épaves. Ne pas devenir une de tes épaves. Ne pas devenir ton Atlantide, engloutie dans ta noirceur. Tu m’immerges chaque année plus encore : plus de ton vague à l’âme qui me poignarde sans cesse, plus de tes larmes qui aspirent les miennes. Tes émotions me submergent, et ce n’est que ton sel que je parviens à pleurer. Tes rages empirent, les empires te supplient… Les ténèbres de tes abysses grandissent.. Mais c’est eux qui causent tes colères. Ces empires. C’est eux ! Pourquoi t’abats-tu là…pourquoi t’abats-tu sur moi ? … Tu te souviens ? Notre première rencontre. J’émergeais tout juste, découvrant une liberté et un monde impossible à parcourir - c’est que je ne sais ni marcher ni nager - tu es vite devenu le mien. Sous le soleil tendre, tu t’es présenté : Pacifique. Sous la bienveillance lunaire, nous nous racontions nos espoirs pour les vies à venir. Et le Soleil et la Lune se succédaient et nous leur confions l’amour de l’un à l’autre et leurs sérénades et leurs désirs… Et nous leur cachions notre gêne, de nous interposer dans cet amour que nous savions impossible. Nous nous embrassions. Et tu me promettais le calme plat. Ces éternités se sont envolées. J’aimerais te chanter la beauté des orages, leurs basses grondantes, mais je sais que la prochaine pluie me plongera dans l'oubli. J’aimerais t’étreindre une fois et savoir que j’en sortirai entière, mais les quelques parcelles sauves de mon être me supplient dans leur dernier soupir. J’aimerais sentir ton air salin encore longtemps, mais j’ai peur d’y goûter à tout jamais. J’aimerais sentir la douceur de tes caresses même si je sais que leurs sourdes lames veilleront à me déchirer. J’ai peur, Pacifique. J’ai peur que les vents me ravagent, que l’air me brûle. J’ai peur des frappes du Soleil et que la Lune te commande de m'étouffer. Je tremble, Pacifique. Fini la bienveillance de la lune et la tendresse du soleil. Oubliés les jours où nous déclamions l’amour de l’un à l’autre. Je tremble, et ces tremblements finiront par me fendre. Je brûle, Pacifique. Je brûle et tu ne peux pas m’éteindre. Tu ne peux pas m’étreindre, tu m’engloutirais, et je ne veux pas rejoindre tes épaves. Pas une autre, pas une de plus, pas la tienne. J'ai peur, Pacifique. Je tremble. Je brûle aussi. Et tu ne peux pas m’étreindre. Parce que je suis une île et tu es l’océan. Et si je te serrais comme je le voudrais, Tu me noierais.

  • Voter au son des bottes

    Allons tous voter dimanche 24 avril ! Ne nous abstenons pas Ne votons pas blanc Ne votons pas contre Pour une fois, votons pour ! Pour empêcher ce que du fond du cœur L'on ne veut pas voir dans leurs yeux La haine et l'anéantissement de nos idées Voire même de nos idéaux Relevons fièrement la tête Prenons notre destin en main ! Pour notre liberté Pour notre avenir Tous fils et filles d'un même pays ! Halte à la tyrannie ! En un mot allons voter Pour notre humanité Pour la différence Qui nous nourrit chaque jour Pour la solidarité Pour la fin de la précarité Pour la justice sociale Pour la transparence Pour l'égalité des chances ! Et pour tout ce qui fait notre beau pays Le pays des Lumières Et des Libertés : Tous fils et filles de France ! Crédits : Suffrage universel dédié à Ledru-Rollin, 1850, Frédéric Sorrieu (1807-1887), lithogravure, Musée Carnavalet (Paris)

  • Monstrueux

    Écrire une microfiction à partir de l’affiche “Ils ont vu cela !” du premier numéro de la revue L’amour, dirigée par Frédéric Pajak (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) La rumeur courut dans toutes les rues tortueuses du village. Je l’ai entendue de la bouche de Madame Francine qui faisait la queue avec nous à la boulangerie. – C’est notre bon Jacques qui l’a vu le premier. Il paraît qu’il est arrivé alors que le jour n’était pas encore levé, dans le noir, sorti de nulle part. Béatrice m’a dit qu’il était très grand, à peu près de cette taille, dit-elle en élevant sa main, peut-être plus. Ses yeux luisaient. Je crois qu’ils l’ont emmené chez le maire. Sur la place du marché, les chuchotis reprenaient de plus belle. – Une peau foncée, hideuse. – Des iris rouges. – Exactement ! – Qui brillent dans le noir. Les enfants s’en donnaient à cœur joie, heureux que l’extraordinaire prenne place dans leur quotidien. – Attention ! C’est un ogre qui va venir nous manger. – Mais non, c’est un loup avec des crocs immenses qui croque nos bras et nos jambes pour nous empêcher de fuir. – Ne dites pas n’importe quoi, mes chéris. Enfin, heureusement qu’ils l’ont enfermé, ce fou. – On dit qu’il est arrivé des bois et qu’il y a toujours vécu. – Il n’est pas comme nous – Si c’est une menace, il faut l’éliminer. – Venez les enfants. On rentre à la maison. On y sera plus en sécurité. Qui sait ce qu’un monstre comme lui pourrait nous faire ? À midi, presque toutes les maisons étaient verrouillées de l’intérieur, la clef tournée deux fois dans la serrure. Derrière les volets clos, les plus courageux glissaient un œil entre les fentes et, au moindre signe de mouvement, se reculaient contre le mur ou rejoignaient le reste de la famille sous la table. Les derniers retardataires prévenaient ceux qui ne savaient pas encore la nouvelle qu’il ne fallait sortir sous aucun prétexte. Un malheur avait frappé à la porte du village et apportait sa malédiction avec lui. Armée de curiosité, je sortis dehors au péril de ma bêtise. Il se tenait sur la place du village, grand effectivement, vêtu de guenilles et de cicatrices, le regard plus inquiété qu’inquiétant. Un fou, un ogre, une bête, un monstre, un démon, une menace. Ils ont vu cela ! J’ai vu un homme.

  • En attendant depuis longtemps...

    Écrire une microfiction à partir du tableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) - C’est fou que le temps puisse passer aussi vite, hier nos enfants sont nés. Dit la femme et une larme brillante s’est détache de ses pauvres cils. - Le dernier de nos descendants va se marier et nous abandonner, comme les autres. Soupire le vieil homme à gauche - C’est la vie, mon chéri. Répond la femme calmement - Non, la vie n’est pas comme ça ! Ce sont nos enfants qui veulent la rendre insupportable à cause de leur égoïsme infernal. Crache l’homme -A quoi bon de s’indigner en ce moment empli de bonheur où ton benjamin va fêter son mariage avec son épouse ? -Quoi ? Un moment de bonheur ? Dis plutôt un moment de malheur ! Ton fils va finir comme nous, abandonné sur une chaise et incapable de marcher vingt pas sans souffler la fatigue ! Il donnera naissance à des enfants à qu’il consacrera toute sa vie, sa carrière, son bien-être pour qu’enfin il les regarde continuer leur vie seuls tout en oubliant l’existence. La femme se tait. Elle sait que son mari a en grande partie raison mais elle ne dira pas un mot, pour ne pas aviver sa colère. Elle préfère le silence pour le consoler. Près de deux heures et demie dans cette posture, sur leurs chaises, et incapables de rejoindre la foule dans la salle des fêtes où les convives dansent et chantent autour des mariés sous la voix élevée de la musique et personne n’est venue les chercher et les aider à se déplacer. Leur fils est tellement épris de joie qu’il a oublié de chercher ses parents parmi la foule. Ils sont devenus vieux, le pas lent et presque impossible, ils préfèrent la chaise que de se mettre debout. Jamais ils ne sortent de la maison. Ils restent confinés en attendant que l’un de leurs enfants viennent leur raconter des histoires de l’extérieur mais en vain. Personne ne sonne à la porte comme ici, personne ne vient les inviter à la salle des fêtes. Leur mission est accomplie, leur dernier fils vient de se marier : voici une dernière preuve tangible que leur fils n’est plus enfant et ne leur appartient plus. Il vaut mieux attendre quelques heures supplémentaires et rester sur place afin que le dernier sortant de la salle des fêtes les remarque pour les inviter à les conduire chez eux.

  • Le Spectre

    Réécrire la microfiction Babylone de Régis Jauffret (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Être primitif dans ce siècle ankylosé Ère bestiale Quasi animale Que faisons-nous là ? À errer Tourner en rond Comme des chapeaux de plomb Tout va trop vite pour moi Tout va à 200 à l’heure Je comprends rien à rien Qui a fait quoi ? Comment que ça marche ça ? Mais j’ai pas de réponses À tous les quatre coins De la rue Tout s’en va incertain D’un pas Impromptu Alma Mater Mea Culpa Je regarde sans bouger Le monde Moderne Les Sciences, le Génie des Hommes Le Progrès, La Lumière de nos Esprits Créatifs Les Inventions de M. je sais pas qui Celles-là mêmes qui Font qu’il y a du chômage Ou qu’on se tire dessus Pour un baril De poudre, de pétrole Pour pas un rond Ou pour une idéologie L’Époque des Machines La Robotisation Le Taylorisme, le Capitalisme Les barrières de Possession C’est pour elles qu’on se tue Le Monde de l’Argent Les cracks boursiers La Violence Et pis savoir dire non La valeur d’un franc Le CAC 40 et ces Cons du gouvernement Les manipulations télévisuelles La Propagande La Misère, la Guerre Qui va dominer qui ? C’est toujours pour les perdants Les persécutions Les Génocides Et la peine de mort Alma Mater Mea Culpa En l’an 40 on se tuait pour 4 dollars Au XXIème on se bat avec des petits joujoux De 300 000 dollars pièce Imaginez le Progrès ! Les gangs mafieux, la Prostitution La Délinquance Tous ces conflits d’intérêts Ces perversions Je hais les keufs, la Pédophilie Et les violeurs en série Les attentats Les bombes Vive la Politique La Démocratie Le Tiers Monde Mais en quoi est-ce différent ? On est tous tributaires de pas grand-chose D’un bouton rouge en fin de compte La hausse du Chômage Parlez-en La consommation de masse Le Rendement à outrance L’OGMisation Et la hausse du SMIC Soi-disant La consommation des ménages Le Monde d’aujourd’hui est en nage Il en a marre de tourner en rond Voudrait stopper dans l’univers sa nage Mais des petits malins ont mis droit de veto Il y en a même qui veulent accélérer le mouvement de la Terre Elle va pas assez vite à leurs yeux Alma Mater Mea Culpa Le nucléaire, la Déforestation La pollution, l’esclavage Le racisme Le fascisme L’ Over Killing Les catastrophes naturelles Les fruits qu’ont plus goût de fruits Et la couche d’ozone qui fout le camp Toutes ces merdes qui nous retombent dessus Les Changements climatiques Les espèces qui disparaissent Et leurs changements tactiques Au bout du compte C’est du sérieux Alzheimer Einstein L’alcoolisation des masses La drogue La grippe aviaire, la vache folle Les nouvelles maladies Sexuellement transmissibles Les pandémies Mais toujours les mêmes conceptions Le Monde d’aujourd’hui Est un Monde de progrès Alma Mater Mea Culpa Et le Progrès est en marche Ça y est Le ver est dans le fruit C’était foutu d’avance Voici le Temps de l’Exploitation Monde sans fil, Monde mobile Y a du monde au balcon Le Monde Moderne, inventif Et tous ses superlatifs Rébarbatifs Nous endort de belles illusions La Terre est classée SEVESO Il est où le bleu de la mer ? Il a fini en poussière Et tout ce qu’on afflige Aux entrailles de Création Alma Mater Mea Culpa Le bitume englobe ma vision Du haut de ma prison j’ai pas l’air con Babylone micropucée Ère de l’infra net Le Monde Moderne Les Sciences, le Génie des Hommes La Liberté en marche Le Grand Bond en avant Moi je dis non : Place aux Arts primitifs…

  • Trou de ver

    Rédiger une version condensée de notre monologue en une page. (consigne de Paul Francesconi) Aller… fais-le. Aller...Oui, c'est ça...aller... Non ! Mais...C'est pas vrai ?! C'était quoi, c'est quoi ça ? Ben ?! Il est parti, juste là, comme ça, parti ? Il laisse Rebecca, là, comme ça ? Juste, là, comme ça ? Il la plante là et il part ? Il l’a pas plantée, il l’a enterrée, six pieds sous terre ! C'est... Nooon ! C'est la quatrième saison de la romance « Jabecca », et après touuut ce temps, il s'est barré ? Faut avouer qu'il n'a jamais porté ses couilles aussi, si ? Non ? Bah voilà. Il l'aime, elle le sait : c'est évident. Elle lui attrape la main, ils se regardent, elle soupire, il lui sourit, elle lui dit, eeet… Il lâche une bombe. 3,2,1... « C'est trop de pression », «je dois penser à mon avenir », « c'est pas toi c'est moi », et le bouquet final « tu seras mieux sans moi ». Bien sûr que c'est toi Jason, que t'es un lâche, qu'elle sera largement mieux sans toi et que t'es un bon à rien ! On tient l'amour, on résiste pour lui. C'est ce qu'elle fait Rebecca. Elle, elle tient, parce qu'on passe une vie entière à le chercher, à le traquer, parfois. Elle le sait que certains ne le vivent jamais, et puis t'as les autres, là... Ceux qui le gâchent !... T'as pas dit un mot. J't'ai pas laissé en placer une tu me diras. T'en penses quoi, toi ? Ça te fait rien ? Ça fait quatre saisons quand même… Tu dis pas un mot. Ben ? Est-ce que t'espères pas un peu que les réalisateurs soient cupides ?... Sinon, ça voudrait dire qu'on pourrait vraiment faire ça ? J'veux dire, tout abandonner, lâcher une bombe… Être stupide... Ben ? Non ! Nonono no way, pas question. Pas possible. Non, tu le défends pas. Ha, alors ça ? Non plus. Non, tabou, forbidden. C'est pire. Bien pire. Au bout de quatre ans de relation ambiguë durant laquelle on se voit tout le temps, des nuits complètes de complicité partagée, de séries entières, de débats sur la réalisation de l’amour, bref où on parle de tout sans tabou sauf de nous ! Et il casse tout. C’est de la torture, une perte de temps. C'est trop facile, trop bête... C'est trop lâche. Non, nonnononon, chuuut. Imagine. Imagine-toi à sa place, celle de Jason. Moi, j’suis Rebecca, on est au parc, sous les étoiles, Orion à l'horizon sous fond de Voie Lactée, un verre de rouge à peine entamé, et on est.... Imagine avec moi, s'il te plaît… Jason ...? (il sourit) Là, elle lui dit que c’est la grande ourse, et son ourson. Et, imaginons que… Cette étoile soit morte… Ça fait réfléchir hein ?... Que même les étoiles puissent mourir… (Temps) Ça t'arrivait à toi aussi ? Pas de mourir, de réfléchir. Enfin, bien sûr que ça t'arrive....Mais de te dire qu'on était bien pitoyable de prier l'infiniment grand de nous faire une place, comme si une fourmi pouvait espérer être écoutée de tout Paris ? Ça m'arrivait, tous les jours. J’en perdais même mes rêves de nuit au profit de ces interrogations futiles. Je scrutais le firmament à la recherche d'un souhait à exaucer. Mais je ne veux pas que le ciel l’exauce à ma place. C'est pas ça, non. C'est la force de l'exprimer, de m'exprimer que le ciel doit m'accorder. Et il l’a fait ! Je n’ai plus les nuages gris qui embrumaient mon esprit : je vois les couleurs ; chaudes et froides. Je vois des tâches, des nuances et des détails. Je vois l’émeraude scintiller dans les feuilles d’été, je vois le sulfureux rouge dans des lèvres qui n'attendent qu'à être capturées... L’inimitable bleu du ciel qui brille, flamboie dans des yeux-ciel, comme si les nébuleuses qui aspiraient mes lumières autrefois ne l'avaient fait que pour m'éblouir à travers les étoiles de ces deux cieux, maintenant et à jamais.... Comme un trou de ver, une machine à remonter le temps. Je parle d'une machine à remonter le temps, parce que j'ai réalisé tellement de choses avec toi, Jason. Je comprends maintenant ces deux personnes qui se tenaient la main comme si elles risquaient de se perdre à jamais dans la Vie. Je comprends qu'on puisse être si heureux que vivre perdrait tout son sens, ce serait risquer de détériorer cette photo parfaite. Je comprends mon souffle-court, « les papillons dans le ventre », « les étoiles dans les yeux », le « cœur qui bat la chamade ». Je le sais maintenant. C'est « mon cœur dans un trou de ver ». Il traverse l'espace-temps à la recherche de chacun de nos moments. J'aimerais pouvoir arrêter le temps, ou sans arrêt vivre ce moment et le rembobiner, encore et encore... Une fois de plus, et une fois de trop... Admirer les constellations, laisser virevolter la Voie Lactée sans que son trajet ne puisse nous altérer. Je sais qu'aujourd'hui est différent. Je sais qu'aujourd'hui je vois le sens dans les constellations. Je vois les constellations dans tes yeux, tes yeux hantent mes rêves, ma vie est un rêve éveillé... (Temps) Jason... ! Regarde-moi. Transperce-moi de tes yeux-ciel...(Temps) Ben... Je t'en prie... Quatre ans…Ben ! … REGARDE MOI JE T'EN SUPPLIE !

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