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- Qu'est-ce que l'Amour ?
Atelier slam : composer un texte avec le thème de la haine sur quelque chose que tout le monde aime. La Saint Val C’est quoi ? Putain c’est que dalle ! Du business Que l’on consomme Et que l’on se farcit Chaque année De l’hypocrisie En barres Où l’on déclare Ses sentiments Mièvres et niais Mais sérieux On n’a pas besoin De ce jour-là Pour dire qu’on s’aime Et nous P’tits moutons là-dedans On se fait plumer Comme des pigeons Ou comme la dinde de Noël Putain ça me rend dingue Et patatras tout valdingue ! Valentin love De sa Valentine Ou bien Roméo in Love ! Faut des cadeaux Faut des p’tits mots Doux comme de la soie Faut des restos Faut des cinés Faut être bien apprêté Faut dire des je t’aime Se bouffer la bouche Et surtout s’offrir des fleurs Par gros bouquets Moi c’est des chrysanthèmes Plutôt que des je t’aime Que je vais leur offrir Pour enterrer Toutes ces conneries Le 14 février Au fond On s’en balek On se le carre au fion ! Et puis Quand on est seul C’est déprimant à souhait Ça pousse au suicide Comme au Nouvel An À la Noël Ou au 14 juillet Encore un 14 Ceci dit en passant Ceci explique Sans doute cela Les crématoriums Font salles combles Ils ne désemplissent pas Comme les blockbusters US Et les films à gros budgets ! C’est la trilogie La tétralogie C’est la loi des séries C’est à la fois les préquels Et les sequels Qui nous en laissent Et nous tiennent en laisse On se fait du beurre sur la vie Le beurre L’argent du beurre Et le cul de la crémière ! Sans pouvoir en mettre Dans ses épinards Pour faire passer Le mauvais goût Du pinard On nous vend de l’amour Par petits pécules Obtenus difficilement Qu’on finit même par spéculer Sur nos envies Ça fait les rétines humides Sur la pellicule Ça rend tout mou Et dégueulasse Le pop-corn On nous vend de la mort Au rat On nous refourgue des danseuses du ventre Dans nos yeux éteints Par cachetons De placebo De speed Ou bien sans doute De perlimpinpin ! La pilule est difficile à avaler ! Il faut la petite pilule bleue pour bander Il faut la petite pilule rose pour dormir Et pour se calmer La petite pilule contraceptive Quotidienne Pour pas tomber Comme on bouffe Une tartine de merde Chaque matin Tout est payant Tout a un prix Une femme dans un lit Ou une place allongée bien peinard Juste à côté de la mairie C’est la course à la consommation ! Et pendant ce temps-là Les funérariums Font leur chiffre Comme les fleuristes Les chocolatiers Les marchands de bijoux Et de rêves Mais on nous en vend Par camions entiers De l’espoir en fumée De la poudre blanche Par lignes de trois Qu’il faut bien se carrer profond Dans la narine La fête des amoureux C’est un concept abstrait Car au fond Qu’est-ce que l’Amour ? Sinon une grande désillusion Qui nous pousse à la désunion Et à se lâcher la main Pour de bon… XK (25.11.21, Limoges)
- Nous, Vous, Elle
Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Ils lui disent que la douleur finit par passer. Ils lui répètent qu’un jour il ne sera plus sa valeur étalon, prétendent que leurs silhouettes ne lui rappelleront plus la sienne. Comme si derrière un tu elle pouvait voir quelqu’un d’autre que lui, comme si ses adresses pouvaient être à quelqu’un d’autre qu’à lui. Elle plaint leur amour, choisit de ne pas les croire, de penser qu’ils mentent et prêchent un sermon qu’ils ont simplement trop souvent entendu. Parce qu’elle sait qu’il est comme elle. Elle sait que leurs rires lui rappelleront toujours le sien et qu’il ne sera jamais capable d’oublier qu’elle est dans la pièce. Parce qu’il aura beau devenir n’importe qui ou faire n’importe quoi, au fond il reste lui. Et toutes les variables pourraient bien changer, ce n’est qu’elle qui se briserait mille fois. Elle lui dira d’un regard qu’il comprendra mais si elle parle il s’effraiera. Alors même si elle n’en pense pas un mot, elle répond qu’il est loin et qu’elle a préféré ce qu’il avait de mieux pour eux deux. Et si elle peut lui souhaiter le meilleur avec une autre ce n’est que parce qu’elle sait qu’elle le hante autant qu’il le fait pour elle. Il aurait beau essayer de la retirer, sa tache ne partirait pas. Eux aussi sont recouverts de taches. Peut-être qu’à force d’habitude ils ne les voient pas. Ils lui disent que les couleurs finissent par passer. Ils vous disent que la douleur finit par passer. Ils vous répètent qu’un jour il ne sera plus votre valeur étalon, prétendent que leurs silhouettes ne vous rappelleront plus la sienne. Comme si derrière un tu vous pouviez voir quelqu’un d’autre que lui, comme si vos adresses pouvaient être à quelqu’un d’autre qu’à lui. Vous plaignez leur amour, choisissez de ne pas les croire, de penser qu’ils mentent et prêchent un sermon qu’ils ont simplement trop souvent entendu. Parce que vous savez qu’il est comme vous. Vous savez que leurs rires lui rappelleront toujours le vôtre et qu’il ne sera jamais capable d’oublier que vous êtes dans la pièce. Parce qu’il aura beau devenir n’importe qui ou faire n’importe quoi, au fond il reste lui. Et toutes les variables pourraient bien changer, ce n’est que vous qui vous briserez mille fois. Vous lui direz d’un regard qu’il comprendra mais si vous parlez il s’effraiera. Alors même si vous n’en pensez pas un mot, vous répondez qu’il est loin et que vous avez préféré ce qu’il y avait de mieux pour vous deux. Et si vous pouvez lui souhaiter le meilleur avec elle ce n’est que parce que vous savez que vous le hantez autant qu’il le fait pour vous. Il aurait beau essayer de la retirer, votre tache ne partirait pas. Eux aussi sont recouverts de taches. Peut-être qu’à force d’habitude ils ne les voient pas. Ils vous disent que les couleurs finissent par passer. Ils disent que la douleur finit par passer. Ils me répètent qu’un jour tu ne seras plus ma valeur étalon, prétendent que leur silhouette ne me rappellera plus la tienne. Comme si derrière un tu il pouvait y avoir quelqu’un d’autre que toi, comme si mes adresses pouvaient être à quelqu’un d’autre qu’à toi. Je plains leur amour. Je choisis de ne pas les croire, de penser qu’ils mentent et prêchent un sermon qu’ils ont simplement trop souvent entendu. Parce que je sais que tu es comme moi. Je sais que leurs rires te rappelleront toujours le mien et que tu ne seras jamais capable d’oublier que je suis dans la pièce. Parce que tu auras beau devenir n’importe qui ou faire n’importe quoi, au fond tu restes toi. Et toutes les variables pourraient bien changer, ce n’est que moi qui me briserais mille fois. Je te le dirai d’un regard que tu comprendras mais si je parle tu t’effraieras. Alors même si je n’en pense pas un mot, je réponds que tu es loin et que j’ai préféré ce qu’il y avait de mieux pour nous deux. Et si je peux te souhaiter le meilleur avec elle, ce n’est que parce que je sais que je te hante autant que tu le fais pour moi. Tu aurais beau essayer de la retirer, ma tache ne partirait pas. Eux aussi sont recouverts de taches. Peut-être qu’à force d’habitude ils ne les voient pas. Ils disent que les couleurs finissent par passer.
- Comme un métagramme…
Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Son babillage habillait les pièces vides et mornes. Elle était toujours en train de discuter, de papoter, seule ou s’adressant aux habitants et habitantes de la maisonnée monochrome, poupon radieux. Elle apportait tellement de couleurs par sa présence seule. Ravivant le rose aux joues et les éclats de vie dans les yeux de celles et ceux qui la regardaient. Plus elle grandissait, plus ses expressions prenaient des tournures de chants d’oiseaux légers et plus les couleurs s’affinaient, se déclinant par plusieurs teintes et nuances. Certains jours, son ciel ensoleillé se couvrait et elle devenait aussi triste que le lieu qui la voyait grandir, au grand désarroi des vivants et vivantes alentours. Alors, elle prenait des crayons, et dessinait, coloriait, croquait. Si les couleurs n’étaient plus en elle, elle devait les voir pour y croire à nouveau. Ainsi, un vent salvateur venait faire disparaître ces vilains nuages moroses et elle croquait de nouveau cette vie à pleine dent, qu’elle trouvait aussi sucrée qu’une pomme de saison. Et qu’est-ce qu’elle les aimait, les couleurs ! Du jaune, du vert, du bleu, du rose, des rayures, des pois,… à son tour, son habillage habillait les pièces vides et mornes, en plus de sa présence.
- Madres Paralelas : le meilleur Pedro Almodóvar ?
C’est en tant que film d’ouverture de La Mostra de Venise que le nouveau film de Pedro Almodóvar s’est montré. Après avoir été au Festival de Cannes en 2019 pour Douleurs et gloires, couronné du prix d’interprétation masculine pour Antonio Banderas, le film suit l’histoire de deux femmes célibataires, Janis (Pénélope Cruz) et Ana (Milena Smit), accouchant le même jour, qui vont tisser des liens malgré leur différence d’âge tout en étant confrontées à des situations difficiles. Avec un scénario très original, Pedro Almodóvar réussit à réaliser un film digne d’un Claude Lelouch. A travers Madres Paralelas, Almodóvar propose sous différents angles une définition de ce que peuvent être des mères parallèles d’où le titre éponyme du film. Le film parle sans difficulté de sujets comme le deuil, l’homosexualité, le lien de parenté ou encore la famille et le devoir de mémoire. Les prestations de Pénélope Cruz et de Milena Smit sont celles qui se démarquent le plus. Penélope Cruz signe l’une de ses meilleures performances qui pourrait se concrétiser avec une possible nomination aux Oscars. Ses personnages sont crédibles et arrivent à donner de l’empathie, de la peur, de la douleur même si le film se veut être expéditif sur certains passages donnant ainsi comme résultat un film au rythme très inégal avec une musique sobre mais efficace. Dans un Madrid de nos jours, la photographie ne met pas l’accent sur la beauté de la ville mais se concentre sur Ana et Janis, cette dernière étant considérée comme la personnage principale de l’histoire et non le duo de femmes célibataires, ce qui aurait pu être un argument supplémentaire pour justifier le titre Madres Paralelas. Madres Paralelas est un film voulant filmer la vie et ce qu’elle peut apporter de beau comme d’horrible. Un film très Lelouchien dans l’âme mais qui vaut le coup de voir au cinéma. Pedro Almodóvar est arrivé à faire l’un des meilleurs films de sa carrière.
- L'ivrogne et le tire-au-flanc
Métagramme. Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Le tire-au-flanc touche dès la première balle la cible. Il exulte ! Tout à l'heure, il lui a fallu huit coups pour y arriver. Il se lève nonchalamment de sa chaise, récupère la sphère molle et moussue accrochée au tissu et se rassoit sans hâte. 2h28, plus que 3h32. Il aime bien calculer le plus rapidement possible le temps qu'il lui reste. Il prend son petit carnet posé sur le bureau et note le score qui remonte les statistiques de la soirée, il s'arrête sur le coup parfait. Sa tête se relève machinalement, pivote sur la droite, s'avance d'un air penché et fait la mise au point, sourcils froncés. Son visage s'élargit alors d'un coup, secoué de joie. Oh le con ! Oh le con ! Regarde Régis ! Oh putain, il en tient une bonne ! Un pauvre gars titube sur le parking. Trois pas en avant, deux pas en arrière, un pas sur le côté. Il valse avec la vie, l'homme. Il ne sait pas qu'une caméra de surveillance est braquée sur lui. Il chancelle, le dos courbé, les mains recroquevillées sur la poitrine comme dans une ultime prière, puis finit par lamentablement se vautrer. Il parvient à glisser un genou sous lui, prend appui dessus puis sur la poignée de la portière. Il s'accroche et parvient tant bien que mal à se redresser. C'est alors que sa tête trop lourde bascule sur le toit. Son corps accuse le coup, mon Dieu, mais dans quel état je suis. Bientôt tous les gars du premier étage sont là, une multitude de regards fixés sur l'écran 9. Et tous regardent l'homme. Certains s'échangent des coups d’œil amusés ou attendris, d'autres se lèchent les babines. Il y en a qui lancent des paris, celui qui pense qu'il n'arrivera pas à monter dans la voiture, celui qui pense que ce n'est même pas la sienne. Les hommes le voient de dos, écrasé sur la portière. Ils se gaussent les flics, ils se marrent, curieux de voir comment il va s'en sortir, il est côté passager. Mais le voilà qui bascule sur le capot, le buste qui épouse les formes et se laisse glisser, les flics admirent le corps plié en deux, emporté par le mouvement des jambes pour parvenir de l'autre côté. Au commissariat, ça salue l'effort dans une salve d'applaudissements. Et bientôt d'autres du second rappliquent, attirés par le brouhaha joyeux qui monte dans les airs. L'homme réunit ses dernières forces. Il farfouille dans sa poche (mais où est-elle?) et réussit à en extraire la clé. Il touche un peu partout le plastique lisse jusqu'à ce que le verrouillage automatique produise son déclic. Il ouvre la portière. Bien sûr l'ouverture trop étroite l'oblige à se contorsionner pour engouffrer son buste puis tout le reste qu'il balance sur le siège. Il saisit victorieusement le volant. Combien de temps avant qu'il ne réussisse à démarrer ? Les flics déclenchent le chrono et prophétisent sur son alcoolémie, chacun se lançant dans de nouveaux pronostics. Ils l'observent à travers la fenêtre passager et le voient s'accrocher à son volant comme si sa vie en dépendait. Le voilà qui s'acharne sur le démarreur. Ah ça y est, il a réussi à mettre le moteur en route ! Et vlan, contre le pare-chocs avant. Oh putain, lance la clameur. Il s'échine maintenant sur la boîte de vitesse, les flics le devinent au mouvement de tête qui dodeline d'avant en arrière. Et vlan, pare-chocs arrière et Laura et Antoine lèvent le camp. Une minute après, la voiture arrive, gyrophare allumé, sur le parking illuminé de bleus et rouges stroboscopiques. Le spectacle tient la flicaille en haleine. Laura et Antoine garent la voiture devant le véhicule de l'homme qui s'est immobilisé. Le pauvre gars a à peine eu le temps de faire un demi-tour qui le met pile face caméra. Ils sortent de la voiture, claquement de porte dans la nuit noire, s'avancent d'un pas assuré et frappent à la vitre. L'homme s'affale sur le volant. Laura ouvre la porte, l'homme s'écroule. Les flics hilares voient en même temps le visage blanc de Laura se tourner vers eux et une mare de sang par terre. A y regarder de plus près, ils auraient dû voir les tâches brunâtres sur la carrosserie de la scénic. A mieux y regarder, Ils auraient dû voir un homme agoniser. Au même moment, l'écran 11 retransmet une agression d'un homme à main armée sur une jeune femme de 27 ans, Lila Gervais, aux grands yeux noirs terrorisés, secrétaire trilingue qui s'est mariée le mois passé. Le même homme qui a tiré sur notre homme vingt minutes auparavant à un pâté de maisons de là. Le tir au flanc couche dès la première balle la cible.
- Lettre ouverte au président
Président de quoi ? Président de rien Celui qui préside tout en haut Mais qui ne nous représente pas Je veux dire nous La France d’en bas VS les gros patrons Et la France d’en haut Mais entre les deux Le fossé augmente Comme la hausse du pétrole C’est la fracture sociale qui veut ça C’est comme le réchauffement climatique Chacun se renvoie la balle Comme les balles en mousse Tirées par les forces de l’ordre Qui foutent un joyeux bordel En tirant dans le tas Ou en tirant à vue Pour disperser la foule Les canons à eau Les tasers Les flash-balls C’est garde à vue Sur garde à vue ! Tu te prends pour Poutine Et nous pour des moutons Que l’on tond à l’automne À nous laisser plus Que la peau sur les os Oh mais c’est au printemps Que l’on tond Les moutons ! Fais donc gaffe Si tu veux pas qu’ils crèvent Bien sagement En rangs d’oignons Comme du bétail Qu’on mène à l’abattoir Pour l’Aïd Tu nous saignes à blanc Le couteau sous la gorge Tu fais pas de sentiments Oh mais on aura ta peau ! La colère gronde Et le peuple est sorti Dans la rue Ta Révolution Tu l’auras dans le cul ! Tes lois de restriction Qui font de toi un Tyran Tout puissant Assoiffé de sang Sans cœur Et sans aucun sentiment Seulement rappelle-toi Devant la mort Nous sommes tous égaux Alors à quoi bon cet ego ? Faire du pognon Avec le cul de la crémière Et le panier des ménagères Le beurre et l’argent du beurre ! Il te faut tout ! Vampire président Président assassin Il n’y a pas de petits profits Tandis que dans la bouche des orphelins La famine gronde La colère gronde C’est une nouvelle fronde ! Les bonnets rouges Les gilets jaunes Les black blocs Les pavés jetés Dans les vitrines Les barricades dressées Les voitures cramées Ton état policier Te protège Et te garde le cul au chaud Planqué bien sagement Derrière tes rampants La tête froide Et rasée de près Tu nous regardes par la fenêtre Tu nous toises de haut Plein de mépris Tu nous provoques Tu nous vois insignifiants Seulement rappelle-toi Cela ne durera qu’un temps Cinq ans c’est rien C’est comme les cinq doigts De la main Que l’on tient au poing Serré Et levé Alors profites-en bien Car toute bonne chose A une fin... XK (Angers, le 05.03.20)
- Une muse inattendue
"Carnation". Écrire au maximum une page A4 “inspirée” par La Grande Odalisque d’Ingres. (consigne de Jean-Michel Devésa) Une carnation de perle : telle fut sa première pensée lorsqu’il vit la délicate silhouette de la jeune fille s’attabler à la table voisine, visiblement trop rêveuse pour le remarquer. Une peau blanche comme neige, une chair crémeuse, un teint de lys… Son petit poète intérieur savourait déjà le thème tout trouvé pour laisser chanter son amour du lyrisme littéraire : tout et n’importe quoi était prétexte pour célébrer intérieurement la beauté et la puissance des mots. Pour en revenir à la fille, à la blancheur de sa carnation venait s’y associer une autre couleur, tout aussi délicate : du rose, un fin rosé qui se ressortait surtout au niveau de ses joues. Le charme personnifié d’un léger rougissement on ne peut plus naturel. Perdu dans sa contemplation, sa muse improvisée trop occupée à savourer son café pour lui accorder le moindre regard, il essaya alors de s’imaginer ce qu’elle pourrait représenter au cœur même de la sensualité. Curieusement, la première image qui lui vint en tête fut la vision de son corps de dos, et non de face : reposant sur son côté gauche, entièrement dévêtue, le haut de son corps courbé vers le ciel, une jambe tendue et l’autre pliée par-dessus, elle donnait l’impression de danser. Une danse exquise qui promettait bien des plaisirs, un prémisse d’érotisme de la chair… Une douce lueur venait baigner la peau laiteuse de son égérie, mais comment nommer ce genre de lumière ? Le soleil ? Ou bien une lampe tamisée ? Non, ça ne pouvait pas être ça : c’était une sorte de halo de la couleur d’un brouillard matinal… La lune, peut-être ? Oui… La lune pourrait correspondre à la lumière diffuse de la scène ; et puis, ne disait-on pas que la lune était le symbole par excellence des artistes ? Il se replongea alors une nouvelle fois dans sa rêverie libertine : à demi-allongé sur son flanc, lui tournant le dos, la jeune fille avait seulement la tête tournée vers lui, ses lèvres empreintes d’un sourire des plus mystérieux. Qu’essayait-elle de lui dire ? Etait-ce une douce ironie pour se moquer gentiment de son extase silencieuse de poète ? Ou était-ce un encouragement muet de lascivité pour encourager le désir entre eux ? Son esprit s’échauffait davantage lorsqu’il s’imagina le reflet de la lune éclairant la peau d’albâtre de son inspiratrice : un teint si parfait, plus blanc que n’importe quel marbre rosé italien, plus pur que n’importe quel diamant… Une carnation immaculée symbolisant, pour lui, l’élégance suprême d’une femme. Surtout chez une jolie femme. Pourtant, c’était drôle comment la mode du teint féminin avait radicalement changé : désormais, on préférait les peaux bronzées par rapport aux peaux pâles. Des magazines prétendaient que le bronzage donnait l’allure d’une meilleure santé, une chose que la blancheur niait en bloc… Un préjugé stupide qui, pour son poète intérieur, venait tuer l’inspiration de sa littérature lyrique. En quoi la carnation féminine pourrait-elle étouffer dans l’oeuf la folie érotique habitant secrètement chaque être humain ? Peu importe la couleur, le grain de peau de chaque femme ne les privait jamais de leur beauté. Tiens, voilà que sa muse venait enfin de tourner la tête vers lui… et elle lui souriait ? Mais oui, c’est bien lui qu’elle regardait ! Et ses joues rosées avait pris un délicieux coloris rouge… Adorable. N’était-ce donc pas sa chance pour enfin aborder son égérie improvisée ?
- Le tramway était surpeuplé...
"La Musique des phrases". Écrire (au maximum une page A4) après avoir écouté "Casta Diva" chanté par Callas, l'objectif n'est pas d'illustrer cette "pièce" musicale mais de travailler la musique de votre écriture. (consigne de Jean-Michel Devésa) Maria Callas sings "Casta Diva" (Bellini: Norma, Act 1) Le tramway était surpeuplé, et les deux types collés à moi fouillaient de leurs yeux à crever le plongeant de mon décolleté. Je les aurais baffés, mais impossible de les prendre sur le fait. Ils lorgnaient en coup de vent, c’est pas moi c’est l’Histoire de l’œil, comme deux potos qui flânent dans une galerie marchande, léchant les vitrines pour le fun. J’en pouvais plus je suis descendue deux arrêts plus tôt. J’ai traversé la place bordée de terrasses engorgées et c’est en coupant à travers l’une d’elle que j’ai hoqueté, un court sursaut interloquée, quand je l’ai aperçu à quelques chaises de là, blablatant cul et chemise, attablé avec trois que je ne connaissais pas. J’ai disparu dans la ruelle avant qu’il ne m’ait remarquée, un peu chancelante, désarçonnée par ce hasard. Plus loin, arpentant les rues envahies d’étudiants ivres, de flics, d’agents de sécurité et de FAMAS bottés-kakis encadrant poucettes et mendiants, j’ai abattu les murs où le deuil avait enclos son souvenir. D’un texto adressé à Pierre, je me suis bricolée une demi-heure de contretemps. J’ai gagné un banc sur le parvis de l’église, m’y suis assise les jambes coupées, et là, pleine du passé de son image, je l’ai laissé me conter les plus beaux instants de ma vie. Ce n’était pas pour me faire mal, ça le temps m’a appris à ne plus m’y vautrer, mais je voulais sonder mon âme, m’habitait-il ou l’avais-je délogé ? Je l’avais rencontré à la soirée du pote d’une pote, qui connaissait untel. Il sonnait plus juste que les autres, était plus beau que la plupart et c’est par le regard qu’il sapait la fidélité que je croyais devoir à mon mec de l’époque, un gars gentil Martin je crois, marrant tout ça il étudiait le management. En moins d’une heure il a éclipsé le manager, et le soir même je l’ai suivi jusqu’à sa chambre. Lui moi, un duvet le matelas, son lit, il halète je gémis, on jouit l’oubli en pleine conscience dans l’innocence de la vingtaine. Dès cette nuit-là je me suis donnée sans limites, j’ai été prise par celui qui s’offrait à moi. Tu te souviens nous les voyages, les évasions sans moyens de locomotion ? Moi si rétive, empoisonnée par le grappin des hommes voraces, tu m’as révélé la tendresse du monde, où la solitude n’est qu’un mot. À l’ombre des flèches gothiques, que le soleil plongeant étire sur le dallage baigné de lueurs rouges, il me projette tout notre film, montant nos souvenirs au hasard. Ça a duré dix ans ça s’est effrité sans paraître. Le ping-pong insidieux des griefs et des vexations, à toi, à moi, le ressentiment qui boursoufle, défigurant le visage de l’amour. Moi je t’aimais toujours autant tu me haïssais bave aux lèvres. Tu pouvais plus me voir et moi sans ton regard je manquais de lumière, briquet noyé grattoir spongieux, allumettes à la mer. J’ignore pourquoi j’ai compris cette fois-là plutôt qu’une autre, la cent-huitième après cent-sept où tu me hurlais nous c’est mort. Je me revois, décampant sous la douche pour écourter une millionième gueulerie, pas cinq minutes et tu déboules, tu claques la porte de la cabine et moi, ruisselante moitié savonneuse, je blêmis au son de ta voix. Tu ne me l’as pas hurlé différemment, la même rage les traits affolés, beuglant, t’arrachant les cheveux devant le Sphinx à court d’énigmes. Jusqu’ici je n’y avais pas cru, car te prendre au sérieux c’était te permettre d’y croire. Mais quand j’ai lu l’arrêt dans ta pupille, les trois coups de maillet qui me broyaient le cœur, je me suis humiliée et je t’ai imploré prends ces perles de pluie, elles viennent du Sahara ne me renvoie pas au désert. Tu t’es enfui. Et moi j’ai traversé les dunes arides en grelottant dans la touffeur, macchabé diurne, ectoplasme de nuit. La famille les amis, leurs bras, les conseils leur suffocante empathie. Y’avait que toi, la perte, ta mort la mienne, dans ce monde hideux où naître est le commencement de la fin. Tout ça c’est loin, juste là, à dix minutes à pied d’ici. Qu’est-ce que t’es venu foutre en ville, dans mon îlot artificiel où un Pierre vaut bien un Martin ? Douze appels en absence, textos inquiets ma chérie où es-tu ? Pauvre Martin, je veux dire Pierre, tout ça à cause de deux gros dégueulasses. Depuis combien de temps suis-je clouée sur ce banc ? Il fait nuit noire. Le jaune sans âme des réverbères a succédé aux rougeurs violacées du crépuscule. Et pour la première fois de ma vie contingente, je m’autorise à croire en Dieu. La Grand-Place compte trois embouchures que je surveille à tour de rôle. Je ne bougerai pas. Je prie le néant sans rime ni raison de lui faire prendre le chemin de l’Église.
- Noël, cette période formidable pour les animaux
Comme j’aime décembre et sa belle période de Noël : des canards gavés jusqu’à tomber malade pour remplir nos estomacs de délicieux foies gras, de belles dindes bien rondes abattues par milliers – et toujours en cadence – pour satisfaire nos papilles délicates. Quoi, ça ne vous donne pas envie ? C’est pourtant ce dont vous vous rendez responsables à chaque période de fêtes. Mais souriez, c’est normal, c’est la nature qui en veut ainsi, puisque nous sommes des prédateur.ices. Et quels prédateur.ices ! Nous chassons, affublé.e.s de nos lunettes de miraud.e.s et de notre besace en ferraille – comprenez notre caddie – dans le rayon « viande » ou « poisson » de notre jungle ou forêt qu’est le supermarché – dans lequel nous nous sommes rendu.e.s muni.e.s de nos vaillants destriers aussi nommés « voiture ». Et là, nous passons un temps fou – plusieurs secondes – à sélectionner minutieusement la bête qui réjouira tou.te.s nos convives, cette même bête que l’on trouve à l’état sauvage et féroce dans les rayons boucherie, poissonnerie, ou encore sous cellophane. « MoI J’aImE lA vIaNdE ! » allez-vous me rétorquer. Certes. Moi aussi j’aime la viande. Mais je préfère voir un animal dans une prairie bien verte et heureux plutôt que torturé dans un élevage très souvent intensif – huit animaux d’élevage sur dix se trouvent dans un élevage intensif en France – avant de finir trimballé et malmené dans un abattoir, où les réveils sur la chaîne d’abattage sont fréquents – Geoffrey Le Guilcher dans son livre Steak Machine rapporte que « près d’une vache sur six et un veau sur quatre peuvent quitter la saignée sans être morts ». La saignée c’est ce poste situé juste après l’étourdissement, poste où la mise à mort de l’animal est censée être effective. Diantre, mais quelle horreur, n’est-ce pas ? Et que dire de ces chers homards ébouillantés vivants pour constituer de délicieuses entrées ? Cette pratique, courante et normalisée en France, est interdite en Suisse et en Nouvelle-Zélande. De même, le Royaume-Uni vient de reconnaître leur sentience – comprenez leur capacité à ressentir des sensations comme la douleur, le plaisir et la joie – en s’appuyant sur plusieurs centaines d’études. Vous ne le saviez pas ? Mince, c’est vrai que les homards ne peuvent pas crier. Mais bon, vous avez déjà dû entendre leurs petits coups de pattes contre le métal du fait-tout, non ? D’ailleurs, j’ai dit que la période de Noël était responsable de toutes ces joyeusetés mais les animaux vivent en enfer tout au long de l’année, Noël ne fait qu’accentuer la cadence des meurtres. Si vous non plus vous n’aimeriez pas être ébouillanté.e.s vivant.e.s, étourdi.e.s à l’aide d’un pistolet muni d’une tige qui vous perforera le crâne, puis saigné.e.s à la jugulaire, rien de plus simple : laissez les animaux en dehors de vos assiettes. Soyez gentil.le.s, sauvez des vies.
- Crème brûlée
Métagramme. Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Le dessert glacé brûle son cœur Lasse de tout cet entourage étouffant De leur parodie pitoyable De leur paronomase paranoïaque Las elle poursuit sa catabase catastrophique Dans la douceur perfide des flammes Hélas le sucre glace resserre les lacets de ses artères Nitroglycérine hyperglycémique Elle la consomme et se consume Bêtise diabétique de pire en pire Insuline insulaire insultante sultane cellulaire Règne sanguinaire sur son empire Seule séparée des siens sans chaleur Roide dans la chambre froide Son crâne recouvert d’un linceul Frêle membrane transformée en cendres Crème dessert le corps desservi au crématorium Le désert glacé brûle son cœur
- Soleil Noir
Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Soleil noir, le début de la fin, c’est un reflet inversé, une Lune renversée. Abeille, papillon, libellule aux ailes enflammées. Astres de désir brûlant jusqu’au désastre. Fièvre nocturne et froide. Le Début, la Fin. Entre les deux il n’y a rien. Juste le Néant pour horizon. Un grand point d’interrogation, avec perdus au milieu nos espoirs déçus. Sommeil moire, la fin est un début.
- Deux mots
Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Quel Dieu m’a tendu cette paille ? Cela fait bien deux heures que la nuit est tombée, que j’avance au milieu des tiges implacables écartées encore et encore au-devant de mes bras tailladés. Il a fallu que la nuit soit sans lune, sans compter les grappes sombres qui attrapent le peu de lumière arrivant jusqu’en bas. Dire qu’elle est là, quelque part, dans le noir… J’avance plus vite, je me mets à penser à des grillons, je ralentis le pas. À gauche, à droite, devant, partout : du maïs. À en faire éclater la poitrine, des épis de maïs qui dépassent mon crâne de deux têtes. En rangs serrés, feuilles tranchantes, partout, toujours : des épis. J’ai perdu de vue la lueur de la grange depuis longtemps. Les autres ont dû aller se coucher, même s’ils n’y arrivent pas. Leur dire que je ne l’ai pas trouvée ? Le champ est grand, mais quand même… Et puis ce qui m’inquiète, outre le noir, les épis, les épis, le noir, c’est de la trouver. Non, je veux dire : croiser les sangliers. La nuit, comme ça, avec leurs petits, pleins de groins fouinants… animal nocturne ? Je ne sais plus. J’aurais dû demander avant de partir… ce n’est qu’une question de temps avant que je les croise, le champ n’est pas grand. Ça y est je les entends, à dix mètres, sur la gauche. Y’a une chouette, dix mètres avant ; après. Elle chasse, les épis, les épis frôle, ça fait un bruit de pluie… la retrouver. Bon. Je l’entends pleurer, ou bien c’est le vent ? Ça s’arrête ; faut bouger, les sangliers ça bouge comme l’homme. Pas se faire entendre ; pas l’appeler. On sait jamais quand il fait trop froid ou qu’on est juste mort. Les épis qui me frottent les bras, fouettent les chevilles, on remue tous gaiement dans des champs d’épis dans une nuit noire, noire sans lune ; et les chouettes, et les sangliers, et elle qu’il faut trouver. Pas l’appeler — pourquoi ? Pas se faire repérer. Par qui ? Les grandes feuilles, les rangées de tiges froissées, et pique et tire, et coupe et frôle : elle est où bon sang ? Elle est où la lumière ? Et elle, elle pleure pas ? J’entends les groins des sangliers frotter la terre, peut-être qu’ils la reniflent, peut-être qu’elle est tombée comme un épis fauché, peut-être que… « Il l’a trouvée ? » La grange doit pas être loin. Ils doivent faire une de ces têtes… en même temps elle aurait pas dû partir, je veux dire elle aurait pas dû et ça aurait pas dû être moi à sa recherche. Moi… Moi j’ai pas de poids, et elle elle me parle de choses lourdes, lourdes… je peux pas le supporter. J’ai rien dit, la paille a choisi : la nuit pour toi, et pour les autres rien. Moi je suis rien, pourquoi on m’a pas donné ça à la place ? Elle me dit souvent « respire » avec ses dents qui sourient, elle me prend par la main alors que j’ai pas besoin de ça, moi je respire pas. J’en oublie les grillons. Bon et puis elle est où ? Faut que j’aille voir les sangliers ? Bon sang il a fallu que ce soit moi. Course. Pause. T’es où ? Pourquoi je m’inquiète, moi ? La peur c’est lourd. La nuit, la nuit, le noir. Bon sang. Des rangées d’épis. Bon sang. Mes jambes vont pas tenir jusqu’au matin. T’es où ? Arrête avec tes trucs lourds, je te l’ai déjà dit, j’ai pas de poids moi. J’ai pas de poids, je veux pas de poids. Les épis, rangés serrés comme des brins dans un poing, j’en tire un, par hasard, et il a fallu que je tire cette paille. Il a fallu : moi, le noir. Sangliers bougent. À gauche, épis, à droite, devant, épis, partout rangées, je tourne, asphyxie, ses cheveux elle est là, je courre, la rattrape, elle me sourit. Des yeux larmoyants, une robe en lambeaux, y’a plus de noir, plus de peau, je lui souris, y’a plus rien… elle sans poids dans mes bras, je rentre. « Respire », elle me dit, et « respire » je lui dis aussi… J’ai l’impression que l’aube est déjà là, tant on se porte l’un l’autre dans les allées sans fin. Elle sourit : les grillons chanteront, demain. J’y crois pas, tu sais, que les mots ont pas de poids, pourtant… j’ai voulu enterrer les tiens, et ils s’envolent si haut… Une nuit, une paille, il a fallu que ce soit toi et moi, et deux mots qu’on ne se dit qu’à deux. Quel Dieu m’a tendu cette faille ?
- Volcangry
Écrire une page (au maximum un feuillet A4) en usant du procédé décrit par Raymond Roussel dans Comment j’ai écrit certains de mes livres. Rédiger un texte incluant deux phrases identiques à l’exception d'un paronyme qui en change le sens. Puis "les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un conte pouvant commencer par la première et finir par la seconde." (consigne de Jean-Michel Devésa) Personne n’a su devancer l’éruption de ce cœur solaire. Il va se faire taper sur les roches. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir prévenu la population locale avec ses tremblements de terre. Trois ou quatre jours en avance, qui plus est… Non, non, vraiment, ces humains… Que des sourds, que des aveugles. On dirait qu’ils sont dénués de toutes sensations possibles et inimaginables quand la nature est concernée. Pourquoi Dame Nature elle-même a-t-elle passé des millénaires à créer cette espèce, qui ne la remercie qu’en la détruisant ? Elle semble n’avoir d’yeux que pour eux. Les humains par-ci, elle s’extasie devant chacune de leurs inventions. Les humains par-là, elle leur pardonne n’importe quel drame en leur répétant « Ce n’est point grave mes chéris ! Mais à l’avenir, ne recommencez plus ». Il ne devrait pas penser si fort, elle va finir par l’entendre. Il connaît le dicton, pourtant : « Gare à celui qui critique l’humanité devant cette grande Dame, car il se verrait entièrement rayé de la carte ». À tout bien y réfléchir, jamais il ne risquerait pareille chose. Le simple fait de faire trembler de peur une agglomération tout entière calme ses ardeurs. En langage humain, la satisfaction de voir une ville se vider, quartier par quartier, jusqu’au statut fantomatique, s’appellerait du sadisme… Mais lui n’en sait rien. Il ne le vit pas de la même manière, puisque c’est son rôle depuis sa formation ! De temps en temps, Dame Nature lui demande de projeter des cendres par-ci, de libérer des coulées de laves par-là, parce que c’est comme ça ; il faut obéir aux lois. Lui ne s’est jamais posé de question, il s’exécutait et s’attirait les bonnes grâces de Dame Nature… Ça, c’est compter sans cette équipe d’hommes étranges qui vient d’arriver. D’habitude, les humains ne s’aventurent jamais autour de lui, encore moins dans son cratère ; encore plus étrange : d’après son thermomètre, trois d’entre eux possèdent un halo rouge, mais celui du quatrième est bleu… ***** Volker avance lentement derrière ses collègues ; il traîne la patte. Et pour cause : il n’a plus aucune motivation. L’environnement dans lequel il se trouve ne génère pourtant aucune crainte ni dégoût chez lui, bien au contraire. Son travail, il l’adore. Ses collègues beaucoup moins. Coincé avec eux pour encore bien des années, il s’efforce de supporter leur présence et rêve de les quitter dès que l’horaire de débauche sonnera. Cette solution de fuite n’arrange pas le fond du problème. Il fut un temps où Volker était amoureux de ces rares sorties sur le terrain, de son observation, de son étude, des prélèvements de roches et tout le tralala… Seulement, être sous payé au profit de trois trublions qui se croient en vacances dans un sauna ou à Hawaï, et qui clament haut et fort que l’expédition s’est faite en collaboration à quatre… Volker cherche encore la caméra cachée. Et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Alors qu’il assiste à la dernière énormité de ses soi-disant collaborateurs, il atteint le point de non-retour ; sans même qu’il s’en aperçoive. Personne n’a su devancer l’éruption de ce cœur polaire.
- Ballons
Écrire une page en appliquant les phrases suivantes : « J'adorais la façon dont elle a dit « ballon », elle disait cela comme si elle gonflait des bulles. » et « Elle l'attendait dans le café de l'aéroport. Il était sobre pour une fois. » J'adorais la façon dont elle a dit « ballon », elle disait cela comme si elle gonflait des bulles. Et elle disait souvent ce mot-là, car celui-ci était son jouet préféré : « Passe-moi le ballon » « jouons au ballon », « où est mon ballon ? » Comme s’il n’existait des millions de jouets au monde. Mais elle était simple. Elle ne souhaitait jamais de jouets chers, nouveaux, des jeux de sociétés, des poupées avec un petit château... elle ne savait pas que ces choses existaient. Elle passait la journée dans la cour, en jouant au ballon, seule, parfois avec les autres enfants. Le soir, elle se couchait tôt ; elle voulait se lever avant six heures pour regarder le lever du soleil. C’était un mardi, quand j’ai rencontrée cette fille au couloir du bâtiment. Elle était si petite, si mignonne, avec ses yeux marrons, avec son ballon. Elle était maigre, elle n’avait pas de cheveux. Elle m’a regardé, elle a souri et elle a couru vers la cour. À ce moment-là, elle a volé mon cœur. La veille de ce mardi, j’avais été désespérée, j’avais abandonné l’idée d’avoir un enfant. Mon médecin nous a conseillé de réfléchir à l'adoption. Et un mardi, quand j’ai rencontrée cette fille au couloir du bâtiment, j’ai senti un petit espoir, comme une bulle très fragile. Alors, je venais lui rendre visite le mardi. D’abord, je lui ai acheté des jouets, mais elle ne les voulait pas. On jouait au ballon, on prenait le déjeuner ensemble au centre-ville et le mardi soir, je lisais des contes de fées. Elle les adorait. Un soir, quand elle s’est endormie dans mes bras, j’ai décidé de l’emmener loin de ce bâtiment. L’orphelinat, où elle habitait, était semblable à une déchetterie : saleté, trace d’excréments partout ; il n’y avait presque jamais de l’eau chaude, et les lits étaient pleins des punaises. Les repas étaient froids et toujours les mêmes : de la baguette sèche au petit-déj, des pâtes au déjeuner et un verre de lait au dîner. Je ne voulais plus que cette enfant abandonnée grandisse dans ces conditions. J’ai posé ma candidature pour l’adopter. La directrice m’a demandé si je voulais vraiment l’adopter, parce qu’elle est malade. Je n’ai pas hésité. J’ai attendu plus d’un an pour la sauver. J’ai attendu, parce que je voulais une famille. Mais Pierre… Lui, il ne le voulait pas. Au moment où il a entendu que son ex-femme, Jeannette et moi, nous voulons adopter une fille, il ne voulait plus signer les documents du divorce. Enfin, après une éternité de rendez-vous en présence de nos avocats, il était d’accord pour les signaler. Elle l'attendait dans le café de l'aéroport. Il était sobre pour une fois. Pierre et Jeannette ont divorcé là-bas. Et elle en était contente. Soulagée. Et a elle couru avec les documents à l’hôtel de ville pour certifier : nous avions le droit de nous marier et d’adopter la petite fille. Mais c’était trop tard.
- L'opium du peuple !
Putain, y’a pas à tortiller du cul : L’opium du peuple, c’est le football ! Surtout en ce contexte de crise sanitaire mondiale, où nos grimaces et nos rires jaunes se cachent derrière des masques ! À croire qu’on a tous chopé la jaunisse, ou la « délisionnite » aigüe. Regarder des gars courir derrière un ballon, taper dedans à gagner des millions, c’est notre bouffée d’oxygène, notre came. Comprenez que ça nous enchante et qu’il n’y a rien d’autre de mieux à la télé (à se demander pourquoi on paie un abonnement) ou bien à faire dans ce monde qui part en totale décrépitude, ou plutôt en sucette, bien que ce ne soit pas des Chupa Chups saveur Coca-Cola et qu’elles gardent au fond de la gorge comme un goût amer. Un goût de lendemain de fête un peu trop arrosé où on sort du lit avec un terrible mal de crâne. Et le comprimé effervescent n’y pourra rien… La planète ne veut plus de nous, sinon pourquoi tout ce cirque ? Des jeux, des jeux ! Mais surtout il faut bien penser à payer son abonnement, son réseau câblé, Canal +, Canal Sat, Be in sport, RMC sport, Téléfoot. Quel micmac ! Chacun y met son grain de sel et se spécialise dans tel championnat ou tel pays. Pour être dans le coup, on peut même en cumuler deux ou trois et prendre l’abonnement sport + histoire de savoir de quoi parler au boulot le lundi avec les collègues de bureau. C’est la petite guéguerre à laquelle se livrent chaque année les chaînes de télé. Pour racheter les droits des uns et des autres. Voilà ce qu’est devenu le foot, une histoire de pognon, de merchandising, de diffusion. Avant le foot c’était diffusé sur les chaînes publiques, on pouvait suivre les matchs de Ligue des Champions, mais ça c’était avant (non je ne fais pas de pub pour Krys). Il y a aussi les magazines spécialisés (L’équipe, France Foot, Onze Mondial, So Foot), les plateaux télés (Télé Foot, Canal Football Club, Jour de Foot, 100% Foot)… qui commentent les matchs avant les matchs et qui commentent les matchs après les matchs, autant dire que pour un seul et même match on se tape avec bonheur et délectation des dizaines de scenarii possibles. Sauf bien entendu celui du match véritable. C’est comme avec les paris en ligne, on a une chance sur trois de remporter la mise, ça serait trop facile sinon ! D’où les nombreux sites de paris en ligne (et les pubs qui vont avec), business is business… Avec des si on pourrait refaire le monde, et si l’arbitre avait sifflé pénalty, et si ceci, et si cela, et s’il avait fait moins chaud, si le terrain avait été moins lourd, et si la Covid19 n’était qu’un mauvais rêve, et si, et si, ô mon Dieu, si le foot n’avait jamais existé ? Comment ça ? Alors pas de main de Dieu ni de Dieu lui-même ? Pas de Messi annoncé non plus pour tous nous sauver ? Pas d’espoir, ni non plus aucune espérance dans cette vie ? Pas de rédemption possible ? Comme si l’autre cruche avait pris soin de vider complètement la boîte de Pandore en la refermant. Allez zou l’espérance ! Du balai, du vent ! Mais non le foot existe bel et bien, Alléluia ! Mais hélas aussi toute cette connerie de confinement, de pass sanitaire, de terrasses de café et de restos fermées. De culture tombée en déliquescence, ô pauvre France, connue pourtant pour être le berceau de la culture et de la Liberté. Liberté qui du reste semble se rétrécir un peu plus chaque jour comme neige au soleil ou comme une peau de chagrin (dédicace à Balzac ceci dit. Balzac c’est qui ce boloss ? Il joue dans quel club et à quel poste ? Jamais entendu parler de lui, je suis sûr qu’il est même pas dans Fifa 21 !). Alors en attendant on vit notre vie par procuration à travers les petits potins people des stars du ballon rond : CR7, Messi, Pogba, Ibra, Neymar et toute la smala. Ça nous fait notre feuilleton télé et même tout notre été. Même les journaux télé et la presse s’en mêlent. À savoir qui de Messi ou de Ronaldo sera ballon d’or (une fois n’est pas coutume encore cette année), ou si enfin cette fois un outsider parviendra à tirer son épingle du jeu. Si Mbappé restera ou restera pas au PSG (question à laquelle les Normands, toujours très calés sur la question, répondront ptêt bin que vi, ptêt bin que nan)… Et surtout si le PSG cette année parviendra à décrocher la timbale, à savoir le très saint Graal de la Ligue des Champions derrière lequel il cavale depuis un peu plus d’une décennie maintenant. Entre illusion et désillusion, les matchs retransmis à la télévision sont notre traînée de poudre, notre aiguille et notre trip artificiel ! Notre pipe de Hash et notre bang ! À mi-chemin entre le gang-bang, le Big Bang et l’orgie romaine ! Du pain, du vin, du Boursin, prône une pub à la télé ; comprenez donc pour tous les camés du ballon rond : de la pizza, de la bière et du foot à la TV à profusion ! Pour mieux nous anesthésier le cerveau. En veux-tu en voilà des Uber Eat, des Just Eat, des Deliveroo à gogo ! Au fond, on n’est pas si loin que ça des jeux romains où les hommes s’entretuaient dans une arène, sur le sable chaud, et sous un soleil de plomb… Les footballeurs ont troqué la tunique du toréador contre un short et un maillot haut-le-corps couvert de sponsors et un numéro dans le dos. Ah ça, ils ont fière allure nos spartiates impartiales ! Sauf que des footballeurs en shorts et en crampons ont remplacé aujourd’hui les gladiateurs antiques, les Thraces et les tartempions ! Ce sont nos athlètes à nous, nos gladiateurs modernes, sauf qu’ils ne risquent pas leur vie sur un terrain, au pire une fracture, un ménisque froissé, mais après une opération ou deux ils courront de nouveau comme des lapins de garenne ! C’est la course à l’inflation, des millions, des millions ! Le foot fait tourner bien des têtes, tout le monde n’a d’yeux que pour ça aujourd’hui. C’est ce qui fait réellement bander notre humanité ! Les Qataris, les Russes, les Saoudiens, tous les milliardaires dans chaque pays, les consortiums, les riches oligarques, les magnats du pétrole, tous ces nouveaux riches, à s’enrichir sur le dos de millions de gens, aussi pauvres que vous et moi. Mais que voulez-vous, on aime ça et on en redemande encore ! Des Jeux, des jeux ! On lève notre pouce en l’air, on vocifère ! Tous les ans ou presque c’est le même cinéma, la coupe de France, le championnat, la coupe de la ligue comme si ces deux compétitions-là ne suffisaient pas. Puis bien entendu le calendrier de l’équipe nationale. Les matchs de coupes d’Europe, la coupe aux grandes oreilles, la coupe aux petites oreilles pour la médaille au chocolat, comprenez les oreilles de Mickey (made in USA). Celui qui nous la met bien profond, mais pas d’inquiétude voulez-vous, si on arrive à lui tirer la queue on a droit à un tour de manège gratuit ! Putain, mais quelle connerie ! Et pendant ce temps les gouvernements font passer leurs lois à la con, comme ça en scred, comme une lettre à la poste ! C’est d’ailleurs dans les victoires que l’on voit toujours nos très chers dirigeants, à faire des courbettes, des sourires niais devant les caméras braquées sur eux dans le seul but de faire remonter la courbe pourtant pas bien haute de leur popularité (bizarre on ne les voit jamais s’afficher dans la défaite). Rien de tel qu’une victoire dans une compétition de football intercontinentale pour redorer son blason et faire soudain l’unanimité. C’est aussi simple que ça la politique au fond, elle prend par bien des aspects la forme et la trajectoire d’un ballon rond… Le foot est un puissant antalgique, un profond somnifère un GHB dissimulé. C’est l’opium du peuple ni plus ni moins ! Celui qui nous fait tout oublier comme ça, par miracle ou par magie. Sauf que les problèmes ne vont pas s’évaporer d’eux-mêmes… C’est formidable, allez les Bleus, ramenez la coupe à la maison qu’on chante tous à l’unisson comme des couillons ! C’est le tube de l’été et le carton plein en Russie, pas de bérézina en vue cette fois-ci, ni de retraite de Russie ou de Krisna bis (bien que la Russie se situe pourtant à des latitudes plus propices), mais au final c’est le peuple français qui se l’est fait mettre dans le fion… quelle désillusion. Alors oui, de la poudre aux yeux ou plutôt de la poudre de perlimpinpin on s’en met plein au visage, on se poudre le nez avec à la manière de filles faciles et vulgaires qui se maquillent comme des voitures volées. Parfois les footeux côtoient les deux, comprenez l’argent et les filles faciles, ou plutôt celles intéressées. Les scandales sont monnaie courante et ont la belle vie (Zaya et Ribery, Benzema et tutti quanti !). Conspiration, conspuassions, constipation, l’opium nous a hélas rendu accro à toutes ces conneries. Et nous on court derrière tous ces mirages, ces nuages en pagaille. Cette poudre blanche que l’on fume et que l’on inhale. Que l’on boit et que l’on ingurgite en intraveineuse ou bien encore en télé-vénéneuse, jusqu’à plus soif, jusqu’à la lie. Comprenez jusqu’à l’hallali ! Mais n’oubliez pas qu’Allah est grand et que lui aussi bénit toutes ces conneries…