top of page

Quelques idées de mots-clés :

Cinéma

Poésie

Auteur

Théâtre

304 éléments trouvés

  • L'amour de jeunesse

    Écrire une microfiction à partir de la chanson Le Soleil et la Lune (version live) de Charles Trenet. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Tu as vingt ans. Tu es devant chez toi dans sa voiture. Il pleut et Julien t'a proposé de te ramener. Tu réunis tes affaires, ton sac, tes clés et le livre qu'il t'a prêté puis tu poses le tout sur tes genoux, tu regardes tes pieds et tu restes immobile. Il te demande ce qui t'arrive, l'air est lourd et le silence épais. Toi et moi, on en est où ?, t'entends-tu lui demander d'une voix étranglée. Il reprend sa respiration et regarde droit devant lui, à travers les gouttes qui frappent le pare-brise. On en est nulle part, il te répond, il n'y a pas de "toi et moi". Tu es sonnée. Tu avais compris qu'il ne quitterait pas Lucie, tu avais senti qu'il s'était éloigné, tu avais juste besoin de te l'entendre dire. Mais qu'il puisse te balancer que rien n'avait jamais existé, tu ne l'avais pas anticipé. Tu lui parles d'amour, il te parle d'amitié. Peut-être que les autres avaient raison, que tu t'étais raconté de jolies histoires, que tu voulais trop y croire et que tu avais tout inventé. Pourtant il te semble que c'est toi qui est dans le vrai. Tu as vingt-cinq ans. Ta grand-mère vient de mourir et tu es seule. Tu appelles Julien qui te propose de venir. Depuis combien de temps ne vous étiez-vous pas retrouvés tous les deux ? Lucie est de garde et ton mec sur des rails à 500 kilomètres. Et de fil en aiguille, de bière en bière et d'heure en heure, au milieu de tes rires et de tes pleurs, il finit par te l'avouer. Il peut bien te le dire maintenant que tu es casée. Qu'il n'a jamais songé à quitter Lucie mais qu'il t'a désirée, qu'il t'a même peut-être aimée. Tu n'as pas affabulé. Vos éclats de rire et vos discussions à bâton rompu jusqu'au cœur de la nuit, ses mots susurrés dans ton oreille que ses lèvres touchaient dans le brouhaha des soirées arrosées, sa main qu'il avait un jour glissée dans la tienne, tout ça, tu pouvais le repeindre d'une belle couleur d'été, tu pouvais le garder. Tu as trente ans. C'est le week-end et vous avez invité Lucie et Julien ce midi. Entre deux verres de Sauternes, ils vous annoncent une bonne nouvelle, Lucie attend un bébé. Tu les embrasses avec toute la chaleur dont tu es capable mais déjà tes yeux s'embuent de larmes. Tu pars précipitamment dans la cuisine en prétextant que les pâtes sont cuites. Julien te rejoint, il est ému que tu sois émue, il s'en amuse même. Pourtant, tu ne pleures pas de la joie de le voir devenir père. Tu pleures de l'avoir définitivement perdu. Tu as cinquante ans. Vingt ans à se voir deux fois par an en famille, les liens se délitent, plus grand chose à se dire. Ce soir, tu le rejoins dans un café du centre-ville, celui dans lequel vous alliez quand tu lui courais après. C'est lui qui te l'a demandé, sa mère est morte et il l'enterre demain. Tu es au coca light, il enchaîne les whiskys. Il te parle de ses parents que tu as bien connus, il te parle de ses enfants que tu peines à cerner, il te parle de Lucie qui viendra à l'enterrement mais avec qui il ne vit plus. Il te dit qu'il aurait dû la quitter, qu'il aurait dû te choisir. Tu regardes cet homme courbé et amer. Tu penses à celui avec qui tu partages ta vie depuis une décennie. Tu n'as aucun regret.

  • L'entonnoir

    Écrire une microfiction à partir du tableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Autrefois il y avait du monde. C’était plus gai. Ils se sont tous évanouis, là-bas, avalés au croisement de la ligne d’horizon et du point de fuite, où l’herbe synthétique chatouille le bleu monoxydé du ciel et où convergent les parallèles feuillues d’arbres Playmobils, taillés par des paysagistes made in prisonniers de China. J’ignore pourquoi nous venons encore. Pourquoi nous continuons, ce qu’il y a poursuivre. Nous scrutons cette perspective d’entonnoir, le goulot le siphon, le goût de l’eau croupie saturant nos papilles, engorgeant nos poumons noyés dans les ulcères de l’amour autophage. Nous avons égaré le souffle loin avant de nous rencontrer, et nos bronches aux ramures alvéolées, oxygénant le sang caillé que pompe nos cœurs rocheux, sont nécrosées. — Je t’aime. — Merci. Il y a cent ans, nous nous sommes amputés les mains pour éviter d’en venir à elles. Les ecchymoses continuaient de fleurir à la surface de nos chairs changées en buvards, aussi avons-nous convenu peu après de scier nos bras au-dessus du coude. Les moignons sont inoffensifs. Les jambes, nous les avons gardées entières. L’un comme l’autre nous manquons de souplesse et nos coups de pied, n’excédant pas la hauteur du tibia, sont douloureux mais non létaux. Pour plus de précautions, nous nous sommes agrafés au front une mousse prélevée sur un tapis de sol. Cela tient chaud lorsque le soleil tape, champignonne et démange, mais absorbe les coups de boules que nous nous assénons. — Tu me dégoutes. — Merci. Considérant que nous ne nous adressions presque jamais la parole, nous avons pris le risque de conserver nos langues. Privés de nos dix doigts, peut-être craignions-nous qu’un jour il nous prît la fantaisie de nous léchouiller à nouveau. Heureusement nous n’avons jamais levé l’interdiction dissuasive de savonnette, encroutant nos sexes puants et inertes. — Je ne peux plus te sentir. — Sais-tu si Quies a développé une gamme de produits pour narines ? Autrefois il y avait du monde. C’était plus gai. Ils se sont tous évanouis mais nous gardons une chaise libre en souvenir. Y prennent place les ex adulés, figures irremplaçables dont nous ne serons jamais à la hauteur, les inconnu.e.s enlacé.e.s à l’insu ou aux vues de nous deux sur des dancefloor poisseux dans des recoins salaces, le la meilleur.e ami.e dont l’inaccessibilité nous a rejeté l’un vers l’autre, toute personne nous libérant de la haine du couple. — J’aurais voulu ne jamais te rencontrer. — Regarde Uber fait 25 off sur toute commande excédant 30 euros.

  • Cons comme la Lune

    Écrire une microfiction à partir de la chanson Le Soleil a rendez-vous avec la Lune (version live) de Charles Trenet. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Soirée étudiante arrosée, les verres se vident et se remplissent telle une corne d’abondance, mélange de bières, de vodka et de rosé, les rires fusent et les voix se font plus fortes au fur et à mesure que la nuit s’avance. Les jeunes éméchés mettent quelques vinyles à tour de rôle sur le mange-disque vintage de leur hôte, n’attendant même pas la fin des chansons pour passer à une autre et semblent en désaccord sur l’artiste à écouter. Le bouton de volume du son se tourne jusqu’à la butée. Quatre mecs, six filles, tous de la même promo. On parle de tout et de rien, de poésie, de politique, d’ivresse et de la pleine lune qui est particulièrement ronde et brillante comme un 33 tours. On prend aussi un malin plaisir à dénigrer les profs les plus imbuvables comme la tête de turc de l’école dans la cours de récré, afin de souder le groupe face à un ennemi commun. La nuit est douce, la saison est avancée comme l’heure. Les esprits s’échauffent. Des mots fusent, un désaccord une fois encore. Cette fois-ci sur la môme Piaf. Un des mecs a entrepris de passer le disque de cette dernière qu’il qualifie de reine de la Soul. Ses camarades de classe l’ont dégagé manu militari en faisant riper le diamant contre la surface du microsillon. Ce qui fit un bruit vraiment désagréable. On décide alors de passer sans transition à Brassens et à sa chanson quand on est con on est con, façon old school puisque l’heure s’y prête bien. Histoire aussi de calmer les choses. Deux, trois rides de coke achèvent de réconcilier les belligérants. Ce soir encore ça va être nuit blanche ! Les cendriers se remplissent de mégots consumés mais aussi de roulées qui donnent le sourire. Les rires se font nerveux pour rejeter dans son pieu la fatigue. La joyeuse troupe vaguement littéraire est debout sur la terrasse, un verre dans une main, une clope dans l’autre. La fenêtre du salon est entrouverte pour laisser passer la chanson de Charles Trénet désormais qui parle vaguement d’un rendez-vous manqué entre deux astres que tout oppose. L’humeur est enjouée tout comme la musique. Un chien non loin n’arrête pas d’aboyer. Soudain un cri déchire la nuit : y a quelqu’un ? Personne n’y prête attention et on continue le fil de sa conversation où tout le monde parle mais personne ne s’écoute. Puis un deuxième cri troublant, comme un long râle. Le chien aboie de plus belle. Mais que fait son maître ? Ta gueule ! qu’un mec lance hilare en beuglant. Les autres pouffent de rire. On se demande même si ces cris ne sont pas le fruit d’une hallucination collective. Seulement les cris reprennent de plus bel ainsi que les aboiements, comme un appel à l’aide. On s’inquiète. Une soirée pas loin sûrement qu’une fille suppute. Ou peut-être les voisins qui se plaignent qu’on fait trop de bruit, qui peuvent pas dormir et qui menacent d’appeler les flics. Pour en être certaine une étudiante décide de couper le son de la platine. Tous tendent l’oreille. Un silence inquiétant. Puis une voix chevrotante à nouveau : s’il-vous-plaît ! Merde cette fois c’est clair, quelqu’un a besoin d’aide et les appelle. On regarde en contrebas dans le jardin, on allume les lampes torches des portables. Un clebs remue la queue et aboie dans leur direction. Soudain un pied avec au bout sa pantoufle. Le voisin du bas ! Fait chier, trois mecs descendent pour voir ce qu’il en est. Les autres restent en haut et commencent à débarrasser. Fin de soirée qui s’annonce. La vache, il en tient une bonne ! Sur place les trois étudiants ont la vision pitoyable d’un homme ivre mort et à moitié nu. Allongée dans l’herbe humide. Il marmonne quelque chose dans sa barbe blanche négligée. Un pauvre alcoolique, tous les jours c’est la même affirme l’étudiant qui habite ici. Son chien aboie toujours à la même heure chaque midi. Du pinard dégueulasse, en plus. Dans des bouteilles en plastique… Je, Je J’ai pas bu proteste le voisin. Je sais pas ce qui m’arrive. Mais oui, mais oui, et la marmotte emballe le chocolat… Soudain tous trois partent d’un fou rire nerveux et communicatif. L’alcoolo est allongé et essaye de se relever de lui-même, on aurait dit une tortue maladroite renversée sur le dos. La scène est comique. Ils entreprennent alors de le relever, mais peine perdue le voisin pèse cent quarante kilos tout mouillé et fait l’effet véritable d’un poids mort. Putain c’est quoi ça ? De la terre ? Ha non fait chier de la merde de chien ! J’en ai partout ! Bordel ! Il faut croire que les trois sont en terrain miné. L’homme en est recouvert. Ils décident donc de le laisser se démerder tout seul. Puis un des mecs a une brillante idée. Et si on le défroquait ? Histoire de lui donner une bonne leçon Les deux autres sont pétés de rire, ou tout simplement pétés. Cela ressemble à une méchante blague de beuverie. Sur ce ils le défroquent. Regarde on voit sa lune ! qu’ils s’esclaffent. La même qu’il y a au-dessus de nos têtes ! Attends bouge pas je vais lui foutre ma caduche dans le cul ! l’homme au sol proteste mais rien n’y fait, ils écrasent alors leurs clopes sur ses fesses et un peu partout sur ses jambes, piquent ses fringues, son bas de pyjama et sa robe de chambre ainsi que ses deux pantoufles qu’ils balancent au loin dans le jardin d’un autre voisin. Le type tente de se défendre tant bien que mal et essaye de leur filer quelques coups de pieds au passage, ce qui a le don de les énerver. Ils le rouent alors de coups avec acharnement. Dans un déchaînement de violence gratuite. Les autres restés en retrait plus haut sur la terrasse lancent même des encouragements pour galvaniser leurs camarades de classe. Le chien bondit tout autour des trois jeunes comme un beau diable sorti de sa boîte en essayant de défendre son pauvre maître. Un coup de pied bien placé le réduit au silence. Puis une lourde pierre achève de le faire taire. Fais dodo que le jeune bourreau hilare lâche. Non ! Non ! Mon chien ! Que le vieil homme sanglote. Estime-toi heureux qu’un autre ajoute, ça aurait pu être toi ! Puis les jeunes remontent à leur soirée comme si de rien n’était et mettent deux ou trois autres galettes sur le mange-disque en jouant au cap’s après avoir ouvert un autre pack de bières. Le vieil homme gémit et pleure en silence pour ne pas attirer l’attention sur lui. Il rampe tant bien que mal vers sa maison, dans un effort surhumain, en laissant derrière lui une large traînée de sang et de bave mêlée à des excréments. Comme un escargot dont on aurait pris un malin plaisir à écraser la coquille. Puis après quelques mètres il perd connaissance. Les rires au loin. La musique s’arrête pour de bon. Les jeunes se disent au-revoir en promettant de remettre ça la semaine suivante. Le lendemain, violente gueule de bois. Plus aucun souvenir. Aucune idée de l’heure qu’il est. On tambourine violemment à la porte. Police, ouvrez ! Le jeune obtempère et ne comprend pas quand deux flics lourdement armés le plaquent au sol sans ménagement. Ils l’emmènent ensuite au poste en caleçon, à moitié hébété, et aveuglé par la lumière du soleil déjà haut dans le ciel. Crédits : Le Sabbat des sorcières de Francisco Goya, 1798, huile sur toile, 40 cm x 30 cm, Musée Lázaro Galdiano, Madrid (Espagne)

  • Double Kill

    Réécrire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena Mikhaïlova) Au Kick-boxing on appelle ça un double kick, en version middle-kick ou bien même en low-kick, je ne vous parle même pas du high-kick direct dans les gencives, par ici la trousse de soin et la Loctite pour recoller les plaies et les bouts de dents en moins. Il faut avoir un bon cache-dents ainsi qu’une bonne coquille pour peu que l’autre en face t’enchaîne avec un middle-kick sournois dans les basses parties, bien que pourtant cela soit interdit. Mais que voulez-vous, la boxe c’est comme dans la vie, il y a parfois des coups durs et des coups bas ! Des coups non portés à l’entraînement et des coups qui portent. Plus douloureux ceux-là, bien plus que les soi-disant non portés, qui nous laissent quand même des plaques noires de bleus sur la peau. Ok, mais le double-kick, kézako ? C’est un terme général de boxe, une sorte de combo ou de finish it à la Mortal Kombat, un peu aussi comme Jean-Claude Van Damme dans son film Double Impact. Il consiste à taper deux fois de façon presque simultanée. Bam, Bam ! T’as rien vu et te voilà le souffle coupé ou bien sur le cul, voire même KO au tapis. Bref c’est un enchaînement de coups, ou bien un déferlement de violence ! Pour mettre hors d’état de nuire son adversaire. Moi pour ma part, c’est moi-même que je voudrais mettre hors course, court-circuiter les idées ou bien croiser deux fils et tout disjoncter. Quand j’écris j’ai à la fois la sensation de plénitude et d’excitation, sauf que lorsque j’arrive au bout d’une nouvelle, d’un poème ou bien encore d’un roman, je me sens content et fier, mais cela ne dure que l’espace d’un instant. Voire même de quelques secondes, car l’instant d’après je me sens soudain complètement vidé et inutile, je me relis et je suis blasé par ce que j’ai écrit. Peu satisfait du résultat. Je me dis que c’est de la merde et que je n’arrive décidément qu’à extraire de moi-même que ce genre d’étrons nauséabonds. C’est exécrable et je me sens d’autant plus minable. Bref je n’ai pas d’autres choix que de jeter aux chiottes chaque manuscrit que je viens d’exhumer du fond de ma pensée malade, sans oublier de tirer la chasse par-dessus. Je me lance alors à corps perdu dans un autre projet, histoire de captiver mon attention à quelque chose de bon, et qui me détournera en somme de projets bien plus sombres et qui stagnent depuis de longues années déjà à l’intérieur de moi, dans des sortes de marécages à l’eau croupie. Pour résumer je n’ai pas réussi à trouver d’autre échappatoire que d’écrire pour survivre à ce monde-ci. Il faudrait sans doute que je consulte, mon entourage me juge malade, mais en vérité je n’ai pas trouvé meilleure thérapie que l’écriture. J’opère ainsi ma catharsis, c’est libérateur ! Sauf que, sauf qu’aujourd’hui j’ai comme l’impression d’être arrivé à ma dernière ligne. Je n’ai plus le goût à rien, et surtout je me dégoûte moi-même. Depuis quelques jours j’ai très envie de me double kill, afin d’être sûr de ne pas revenir dans ce monde triste et gris. J’ai réuni alors dans un tas compact sous un tabouret bancal mes derniers étrons, comprenez mes dernières productions « littéraires » mais que jamais personne ne lira. J’ai badigeonné les feuilles noircies avec un bidon d’essence. J’ai placé une corde solide deux mètres au-dessus du tas en question autour d’une poutre, j’ai allumé un briquet, j’ai ajusté mon nœud pap’, fermé les yeux, compté jusqu’à trois et j’ai mis un point final à cette histoire-là. ps : Carl SPITZWEG (1808-1885), Le pauvre poète, 1839, huile sur toile, 36 x 45 cm, Nationalgalerie, (Berlin)

  • Le roi de Vespera (3/7)

    Acte II, scène 5 : Danger imminent. Cosmo et Crystal avaient enfin réussi à échapper à la surveillance d’Améthyste ! Tous les deux en riaient à perdre haleine : Cosmo (ravi) : Youpi, on a réussi ! Crystal (riant elle aussi) : Ça y est, on l’a lâché ! Cosmo (prenant un air fier) : Oui… Je suis un génie ! Crystal (légèrement déconcertée et irritée) : Eh génie, c’est moi qui ai eu l’idée ! Cosmo (se désignant du doigt) : Oui, mais c’est moi qui ai fait tout le travail ! Crystal (avec un petit sourire de défi) : Avec moi. Cosmo (avec le même sourire) : Tu crois ? Le petit prince se jeta sur sa sœur et les deux enfants roulèrent au sol avant que la fillette ne parvienne à plaquer Cosmo sous elle. Il eut l’air abasourdi : Cosmo (interloqué) : Hein ? Crystal (satisfaite) : Gagné ! Cosmo (repousse gentiment Crystal) : Eh, ça suffit, laisse-moi. Il regarda Crystal lui tourner le dos avant de lui sauter dessus par surprise ! Les deux enfants roulèrent le long d’une falaise mais une fois encore, ce fut la petite princesse qui gagna car elle avait prévu le coup de son frère. Crystal (légèrement narquoise) : Et regagné. Soudain, un geyser de fumée surgit près d’eux, leur faisant oublier leur bagarre et les figeant de stupeur quelques instants. Puis, Cosmo s’avança le sourire aux lèvres tandis que Crystal le suivit, un peu plus inquiète. Les deux enfants s’avancèrent prudemment vers le territoire inconnu où ils avaient atterri. Cosmo (dans un chuchotement) : C’est là… On a réussi. Ils grimpèrent sur une défense d’éléphant et le spectacle qui s’offrit à eux leur coupa le souffle : partout dans cette vallée sombre, il y avait des ossement d’éléphants ! Cosmo et Crystal (ébahis) : Wouaaah… Crystal (dans un chuchotement impressionné) : C’est terrifiant… Cosmo (comblé) : Ouais… C’est chouette, hein ? Crystal (prend un ton taquin) : On pourrait avoir des problèmes… Cosmo : Je sais, héhé ! Crystal (s’avançant avec Cosmo vers un crâne d’éléphant) : Je me demande si sa cervelle est encore dans la carcasse ! Cosmo : Il n’y a pas 36 solutions ! Suis-moi, on va aller vérifier ! Cosmo s’apprêtait à entrer dans le crâne quand quelqu’un lui barra le passage : c’était Améthyste ! Après s’être tirée de son évanouissement, elle s’était lancée à la poursuite du prince et de la princesse de Vespera. Améthyste (avec un air furieux) : NON ! Si vous voulez vérifier quelque chose, vous irez le vérifier ailleurs ! Cosmo (à voix basse, exaspéré) : Quel poison… Améthyste (inquiète) : … Nous avons largement dépassé la frontière de Vespera. Cosmo (prenant un air moqueur) : Madame la conseillère est terrifiée ? Améthyste (indignée) : Bien sûr que non ! Néanmoins, je ne vois qu’une seule chose : nous sommes tous les trois en danger… Cosmo (prend un air supérieur en s’avançant vers le crâne d’éléphant) : Mais quel danger ? Tsss. Moi j’aime le danger. (Se retourne) Je me ris du danger ! Hahahahaha ! Voix diaboliques : DIAHAHAHAHAHA ! Lorsque Cosmo entendit ces ricanements hystériques, terrorisé, il se précipita derrière Crystal et Améthyste, elles aussi terrifiées. Sortirent alors du crâne … trois horribles sorcières ! La première était la plus petite du trio, la deuxième était la plus grosse et la troisième était la plus grande. Toutes les trois… portaient une longue robe grisâtre ! Toutes les trois… avaient d’abondants cheveux blanchâtres ! Toutes les trois… avaient le nez crochu, plein de verrues et la bouche édentée ! Petite sorcière (la voix diabolique) : Tiens, tiens, Grifcia, c’est quoi ce paquet-cadeau ? Grifcia (faisant semblant de réfléchir) : Hum, aucune idée Fritcia… (Se tourne vers la troisième sorcière) Qu’est que t’en dit, Cricia ? Cricia (ricanant de façon hystérique) : Diahaha, hahahaha ! Grifcia (avec un horrible sourire, dévoilant ses dents jaunâtres) : Oui, c’est bien ce que je pensais : un trio d’humbles trouillards ! Améthyste (d’une voix mal assurée, l’index tremblant) : Un regrettable incident je vous assure… ! Simple erreur de navigation… La conseillère royale s’apprêtait à fuir avec le prince et la princesse, mais Fritcia la retint en attrapant un pan de sa longue robe violette. Fritcia : Ouh, ouh, attends voir toi, je te connais ! T’es la loufiat du grand Manitou ?! Améthyste (arrachant sa robe, vexée) : Non madame, je suis la conseillère du roi ! Grifcia (tournant autour de Cosmo et Crystal avec Cricia) : Autrement dit, toi t’es… Cosmo (furieux) : Le futur roi ! Fritcia (s’approchant de la ronde, doucement menaçante) : Et tu sais ce qu’on fait aux rois qui s’aventurent hors de leur royaume ? Cosmo (dédaigneux) : Fiou ! Vous avez rien le droit de me faire. Améthyste : Euh… Techniquement si, nous sommes sur leurs terres… Cosmo (regardant la jeune femme avec incompréhension) : Mais Améthyste, c’est toi qui m’as dit que c’était des bécasses, stupides et bouchées ! Améthyste (en proie à une véritable panique) : Oh, glissa, fissa sur stupida… Grifcia (folle de rage) : C’est nous les stupidas ?! Améthyste (faisant rapidement demi-tour avec les enfants) : Euh… Oh, il se fait tard, il est temps de rentrer ! Fritcia (leur barrant le chemin et les faisant reculer) : Rien ne presse, nous serions ravies de vous avoir à dîner ! Elle et Grifcia s’interrogèrent alors sur la façon de les manger lorsque Cricia se mit à crier de façon frénétique. Fritcia (exaspérée) : Cricia ! Qu’est ce qui t’arrive ? Cricia (semblant désigner quelque chose) : Diahaha ! Haha ! Grifcia (semblant comprendre l’affaire) : Hé Fritcia ! Y aurait un cerf dans le coin ? Fritcia (avec agressivité) : Pourquoi ? Grifcia (criant) : Parce qu’y a la bouffe qui se tire !! En effet, Cosmo et Crystal avaient profité de l’attention détournée des sorcières sur eux pour prendre la fuite aussi vite que le leur permettaient leurs petites jambes. Améthyste fuyait en volant mais malheureusement, elle se fit finalement attraper par les sorcières ! Cosmo et Crystal n’ayant rien vu, ils continuèrent à courir un peu avant de s’arrêter, essoufflés. Crystal (effrayée) : On les a semées ? Cosmo (essoufflé) : Oui, je crois bien. (Tourne la tête dans tous les sens, soudain paniqué) Où est Améthyste ?! Dans une petite caverne… Grifcia (retenant Améthyste par les bras) : Alors comme ça la gentille conseillère royale de Vespera veut s’amuser dans la marmite de feu ! Améthyste (terrorisée) : Oh non, pas la marmite de feu ! (Poussée dans le vide par Grifcia, plonge dans la lave de la marmite et s’envole, la robe en feu) Aaaaaah !!! Les vilaines sorcières furent prises d’un fou rire vicieux mais quelqu’un les interrompit. Et ce quelqu’un, c’était Cosmo ! Cosmo (furieux) : Eh ! Tu ne peux pas trouver un adversaire à ta taille ? Fritcia (menaçante) : T’es… jaloux ? Cosmo (se rend compte qu’il vient de commettre une bêtise) : Oups… Les trois sorcières se précipitèrent sur les deux enfants et tentèrent de les attraper avec leurs longs ongles crochus ! Heureusement, ces derniers les évitèrent de justesse mais se retrouvèrent devant un geyser de fumée rouge… Et comme dans les pires cauchemars qu’ils puissent exister, les têtes des trois sorcières apparurent devant eux ! Cosmo et Crystal (terrorisés) : Aaaah !! Les trois sorcières : DIAHAHAHA !! De leurs mains crochues, elles tentèrent une nouvelle fois d’attraper les enfants mais échouèrent. Ils reprirent rapidement leur course, arrivant devant un gros rocher qu’ils grimpèrent de justesse, échappant de nouveau aux griffes des sorcières ! Ils glissèrent ensuite sur une longue colonne vertébrale d’éléphant comme sur un toboggan, puis atterrirent sur des tas d’ossements. Ils grimpèrent le plus vite possible car les sorcières n’étaient pas loin derrière eux. Mais soudain, Crystal appela son frère, paniquée ! Crystal : Cosmo ! Ce dernier se retourna et vit avec horreur que sa sœur était en train de glisser sur les ossements et qu’elle allait se faire capturer ! Sans hésitation, le jeune prince se précipita sur les sorcières, fou de rage, sortant son épée d’argent de son fourreau. Devant le trio maléfique qui était sur le point de s’emparer de la petite fille, il donna un coup violent qui atteignit la joue de Fritcia, du sang commençant à s’écouler de la blessure et arrachant un grognement de haine à cette dernière. Le geste de Cosmo avait permis aux deux enfants de reprendre leur fuite en avant. Ils ne tardèrent pas à se retrouver à l’intérieur d’une caverne et se précipitèrent aussitôt vers les rochers. Cosmo tenta de planter son épée dans la paroi du rocher mais sous son poids et celui de Crystal, ils s’écroulèrent au sol, à moitié assommés. Se relevant avec peine et terreur, ils virent les trois vilaines sorcières s’approcher d’eux avec lenteur, leurs visages exprimant une gourmandise purement terrifiante. Sans nul doute qu’elles pensaient à les dévorer ! Alors Cosmo fit la seule chose qui était encore en son pouvoir… Lorsqu’il était sur le point d’attraper une proie ou qu’ils voulaient se montrer menaçants, les vampires utilisaient un grognement bien à eux qui avaient tendance à figer d’effroi quiconque l’entendait. Un grognement que Cosmo utilisa contre ses ennemies… mais qui en ressortit aigu et enfantin à cause de son jeune âge. En bref, pas du tout menaçant et même comique pour les sorcières qui se mirent à ricaner : Fritcia (amusée) : Oh tu miaules ? Diahaha ! Recommence ! C’est si mignon… Les cheveux hérissés de peur et de colère, Cosmo gronda à nouveau… mais cette fois-ci, ce fut un grognement adulte qui sortit de ses lèvres ! Grifcia, Fritcia et Cricia n’eurent pas le temps de comprendre ce qu’il se passait car brusquement, le roi Eden tomba sur elles, tel une enclume ! Il se battit tout seul contre le trio avec une force et un courage incroyables, tandis qu’Améthyste se plaça devant le prince et la princesse pour les protéger du combat. En fait, après que la jeune femme se soit fait expulser des Terres Interdites, elle avait atterri dans un étang - qui avait éteint le feu menaçant sa robe - et était parvenue à avertir le roi du danger que couraient Cosmo et Crystal. Eden s’est alors précipité sur le territoire des sorcières, sa conseillère sur les talons, parvenant finalement à retrouver ses enfants et à engager le combat avec les sorcières qui les menaçaient. Le duel entre le roi et le trio faisait rage mais Eden remporta finalement la victoire et jeta ses ennemies à terre. Fritcia et Grifcia (terrifiées) : Oh non, non, pitié laissez-nous, on se rend ! Roi Eden (fou de rage) : SILENCE !!! Fritcia et Grifcia (riant nerveusement avec peur) : Calmez-vous, il doit sûrement y avoir une erreur ! Roi Eden (menaçant) : La prochaine fois que vous approchez mon fils… ! Fritcia et Grifcia (faisant semblant de comprendre) : C’est… c’est… Aaaah, c’est votre fils ?! (Grifcia s’adressant à Fritcia) Tu le savais toi ? (Fritcia lui répondant) Non tu rigoles ?! Non ! (Se tournant vers leur troisième compagne) Cricia ? Celle-ci hocha affirmativement la tête, au grand désespoir des deux autres ! Eden poussa alors un nouveau grognement retentissant, hérissant d’effroi les cheveux blanchâtres du trio. Grifcia (riant nerveusement) : Hahaha, salut…. Et les trois vieilles femmes prirent la fuite, épouvantées par la correction qu’elles venaient de prendre. Une fois partie, Améthyste s’approcha du roi, un sourire soulagé aux lèvres. Or, ce dernier jeta un regard contrarié à sa conseillère, à tel point que celle-ci se fit alors toute petite de remords : après tout, elle avait échoué à surveiller correctement les enfants royaux… Cosmo s’approcha à son tour : Cosmo (d’une voix légèrement hésitante) : Papa, je… Roi Eden (se tournant vers lui et l’interrompant) : Tu m’as désobéi délibérément. Cosmo (tristement) : Je… Je te demande pardon… Roi Eden (avec sévérité) : Ça suffit, rentrons ! Le roi sortit de la caverne, suivie par Améthyste qui volait en regardant tristement Cosmo et Crystal, le duo fermant la marche. Crystal (chuchotant à l’oreille de Cosmo) : Moi, je t’ai trouvé très, très brave. Tous ignoraient alors que quelqu’un les espionnait depuis un moment, au sommet d’une corniche. Cette personne, c’était Onyxia elle-même ! Que faisait-elle là-haut, hors de la vue de tous ? Et surtout, pourquoi cet air contrarié sur son visage ? Fin de la scène 5. Acte II, scène 6 : Des étoiles royales. Depuis un long moment maintenant, le roi Eden et ses enfants marchaient sur les terres de Vespera. Cosmo et Crystal étaient si tristes ! En fait, le jeune garçon était persuadé que c’était à cause de lui que les sorcières avaient failli les tuer, lui et Crystal. Cette dernière pensait qu’elle aurait dû dissuader son frère de se rendre dans le cimetière d’éléphants. Même Améthyste songeait que tout cela ne serait pas arrivé si elle avait mieux surveillé les enfants royaux ! Elle les regardait avec peine quand le roi l’appela : Roi Eden : Améthyste ! Celle-ci arriva devant son souverain et fit une révérence timide. Améthyste (d’une petite voix craintive) : Oui sire ? Roi Eden (sur un ton sévère, les sourcils froncés) : Reconduis Crystal au palais. (Tourne sa tête vers Cosmo) Je dois parler à mon fils, il a besoin d’une leçon. Lorsque Cosmo entendit les paroles de son père, il se coucha presque dans l’herbe, effrayé par l’idée d’une sévère punition. Crystal le regarda avec compassion et inquiétude mêlées, attristée pour lui. Améthyste s’approche d’eux : Améthyste (s’adressant à la jeune princesse) : Viens Crystal. (Se tournant vers Cosmo, s’agenouillant et posant ses mains sur ses petites épaules) Cosmo… (Pousse un soupir) Courage ! Puis, elle s’éloigna en volant avec la petite princesse qui jeta un dernier regard à Cosmo avant de disparaître de son champ de vision. Roi Eden (d’une voix sévère) : Cosmo ! À l’appel de son nom, le prince sursauta. Puis, il s’approche à petit pas de son père avant de finalement se placer à côté de lui, intimidé. Le roi pousse un nouveau soupir avant de commencer son sermon : Roi Eden (fâché) : Cosmo, tu me déçois beaucoup ! Cosmo (d’une voix inaudible) : Je sais… Roi Eden (continuant, imperturbable) : Tu aurais pu te faire tuer, tu m’as désobéi délibérément ! Mais pire encore, tu as mis Crystal en danger. Cosmo (au bord des larmes) : Je… Je voulais essayer d’être brave comme toi… Roi Eden (se radoucissant) : Je ne suis brave que lorsqu’il le faut. (Le ton plus grave) Cosmo, écoute-moi. Être brave, ne veut pas dire risquer l’impossible ! Cosmo (levant la tête et regardant son père dans les yeux) : Mais toi, tu n’as jamais peur de rien ! Roi Eden (soupirant, les paupières à demi-closes) : Aujourd’hui si. Cosmo (surpris) : Ah oui ? Roi Eden (hochant la tête) : Oui. (Se baissant au niveau de son fils) J’ai eu peur pour toi. Cosmo (abasourdi) : Ooooh… Alors même les rois ont peur ? Eden hoche la tête et Cosmo prit alors un air malicieux : Cosmo (avec un léger sourire) : Et tu sais quoi ? Roi Eden (sincèrement intrigué) : Quoi ? Cosmo : Moi, je crois que les sorcières ont encore plus peur que toi ! Roi Eden (riant franchement) : Hahaha, sache que personne ne résiste à ton père, haha ! (Le prend dans ses bras et lui caresse les cheveux) Allez viens maintenant ! Cosmo (qui tente de se dégager de l’étreinte) : Oh non, non ! Aah ! (S’arrache des bras d’Eden) Tu vas voir ! Aussitôt, Cosmo se lança à la poursuite de son père qui riait à ne plus en finir. Finalement, le jeune prince sauta dans ses bras, les faisant tomber dans l’herbe. Cosmo (avec espièglerie) : Je t’ai eu ! Le père et le fils roulèrent au sol avant que finalement, le roi se retrouve à plat ventre, les bras croisés sur la terre sombre de Vespera, Cosmo sur son dos. Cosmo : Papa ? Roi Eden : Oui ? Cosmo : Même si je ne suis que ton fils adoptif, toi et moi, on est super copains ? Roi Eden (sourit) : Haha ! Oui ! Cosmo (plein d’espoir) : Alors ça veut dire que rien ne pourra jamais nous séparer ? Roi Eden (redressant légèrement le buste, l’air grave) : Cosmo, je vais te raconter ce que me disait mon père. (Relève la tête en souriant) Regarde le ciel. Les rois des siècles passés nous contemplent, depuis les étoiles. Cosmo (émerveillé) : C’est vrai ? Roi Eden : Oui. Chaque fois que tu te sentiras seul, n’oublie pas que tous ces rois seront là pour te guider. Et que je serai parmi eux… Fin de la scène 6. Acte II, scène 7 : Un complot. (Chanson : Soyez prêtes) Sur les Terres Interdites, à l’intérieur d’une immense grotte… Voix de Grifcia (plaintive et furieuse) : Ah, quelle brute cet Eden ! Je ne vais pas pouvoir m’asseoir pendant une semaine ! À côté d’elle, Cricia commença à ricaner tout bas. Grifcia (vexée) : Je ne trouve pas ça drôle, Cricia ! Cricia (riant comme une hystérique) : DIAHAHAHAHA !! Grifcia (furieuse) : Eh, la ferme ! Mais Cricia continua à rire, à tel point que Grifcia entra dans une violente colère et lui sauta dessus. Elles commencèrent à se battre mais furent vite interrompues par Fritcia, perchée sur des rochers : Fritcia (exaspérée) : C’EST FINI OUI !! Grifcia (se relevant et désignant Cricia qui se mordait frénétiquement la jambe) : Mais c’est elle qui a commencé ! Fritcia (descendant des rochers) : Non mais regardez-vous ! Pas étonnant qu’on se balance au bout de la chaîne alimentaire ! Grifcia (la bave aux lèvres) : Moi, j’aime pas me balancer ! Fritcia (sarcastique) : Ah oui ?! Vous savez que si y avait pas les vampires, c’est nous qui mènerions la danse ! Grifcia : Moi, je les aime pas non plus les vampires ! Fritcia : Ils sont têtus ! Grifcia : Orgueilleux ! Fritcia : Et horripilant ! Grifcia : Et en plus, ils sont… Fritcia et Grifcia (ensemble) : AFFREUX !!! DIAHAHAHAHAHAHA !!! Soudain, les trois sorcières cessèrent de ricaner quand une voix de jeune femme résonna dans la caverne : Voix féminine : Oh, tous les vampires ne sont pas comme ça ! Le trio leva leurs têtes et elles virent Onyxia en personne, assise sur un rocher, son bâton à la main droite, la pierre d’onyx brillant d’une lueur inquiétante. Grifcia (soulagée comme ses compagnes) : Ah Onyxia, ce n’est que toi ! Fritcia : On croyait que c’était quelqu’un d’important ! Grifcia : Dans le genre, Eden ? Fritcia (sur un ton sinistre) : Oui… Onyxia (grimaçant au prénom de son frère) : Je vois… Grifcia (faussement admirative) : Alors lui, il est puissant ! Fritcia (faisant la moue) : M’en parle pas, rien qu’à son nom, j’en peux plus ! Grifcia (la provoque) : Eden ! Fritcia (se met à trembler) : Houhouhou ! (Se tourne vers Grificia) Encore une fois ! Grifcia : Eden ! Fritcia : Houhouhou ! Grifcia : Eden, Eden, Eden, Eden ! Fritcia (pendant que Cricia se roulait de rire au sol) : Houhou houhou houhou, j’en ai des frissons partout ! Onyxia (se passant la main sur son visage, déçue) : Je patauge dans l’imbécilité… Grifcia : Non, toi ce n’est pas pareil ! Toi t’es comme nous, toi t’es notre copine ! Onyxia (ironique) : Charmée… Fritcia (avec un air impressionné) : Ouah quelle classe ! Elle est pas reine mais elle a du savoir-vivre ! Grifcia (levant la tête vers Onyxia, gourmande) : Oui ! Et elle nous a apporté quelque chose à manger la vieille copine, hein ? Dis, dis, dis, dis, dis ! À ces mots, la sombre vampire grimaça de mépris avant de poser son bâton et de présenter un sanglant quartier de cerf au trio, provoquant leur appétit immédiat et suppliant : Onyxia (dédaigneuse) : Je ne suis pas sûr que vous le méritiez… Je vous ai pourtant servi les enfants sur un plateau, et vous vous êtes conduites comme des incapables… Mais finalement, Onyxia laissa tomber le quartier de viande que les sorcières s’empressèrent alors de dévorer. Fritcia (mâchant sa bouchée) : Mais il faut dire que… Ce n’est pas exactement comme s’ils avaient été tout seuls ! (Se remet à manger) Grifcia (mâchant elle aussi sa bouchée) : Oui, qu’est qu’il fallait faire ? (Avale et regarde Onyxia avec sarcasme) Tuer Eden ? Onyxia (un sourire inquiétant aux lèvres) : Précisément… Les trois vieilles femmes regardèrent Onyxia sans comprendre quand soudain, celle-ci saute de roches en roches, bâton en main, avant d'atterrir au sol et de bousculer le trio ! Il s’avança lentement, de la fumée verte sortant des fissures des rochers, puis commença à chanter : Onyxia (effrayante) : Sous votre expression rigolarde, Vous cachez une cervelle pour dix ! (S’approche de Cricia qui rongeait un os) Mais niaises comme vous l’êtes, prenez garde ! (Donne un coup d’épée à l’os de Cricia qui se mit au garde à vous) Vous êtes tout au bord de la piste. (Sourit mystérieusement) Je lis dans vos billes si perçantes, (Agite sa main devant le visage de Cricia) Qu’il n’y a pas grand-monde à l’étage ! Mais même vous, en ces temps de tourmente, (Ricanements de Fritcia et de Gricia avant qu’elles ne soient bousculées vers des geysers par Onyxia) Vous devez vous tenir à la page ! Aussitôt, les geysers explosèrent, envoyant valser les sorcières dans des cris douloureux. Onyxia sauta sur un autre rocher et se caressa les cheveux, reprenant sa chanson : Onyxia : Alors tous profitez de mon offre ! (Chute des sorcières au sol) Soyez prêtes pour une aube nouvelle ! Vous allez voir naître, Une ère de bien-être ! Fritcia (sortant d’une fissure) : Et nous, on fait quoi là ? Onyxia (l’attrape violemment par la joue, agacée) : Vous m’écoutez moi, là ! (La lâche et tandis que Fritcia se masse la joue, continue de chanter) Avant qu’on se plaigne, Sachez que mon règne, (Saute sur une roche) Vous fera, je le jure, la part belle ! (Saute sur le rocher où Grifcia rongeait un os) La justice triomphante à jamais ! (Frappe Grifcia avec son bâton et l’envoie au sol, dans un tas d'ossements) Soyez prêtes ! Les trois sorcières se relevèrent, des os dégoulinants de leurs longs cheveux blanchâtres. Grifcia (enthousiaste) : Ça pour être prêtes, on va être prêtes ! (Lève un regard soudain perplexe vers Onyxia) Prêtes pour quoi ? Onyxia (avec raideur et sadisme) : Pour la mort du roi ! Grifcia (grimpe sur le rocher, interloquée) : Il est malade ?! Onyxia (l’attrape par le cou, le ton exaspéré) : Mais non idiote, on va le tuer ! Grifcia (comprenant les choses) : Ah ! Onyxia (avec un horrible sourire) : Et Cosmo aussi. (Relâche Grifcia qui retombe au sol avec ses compagnes) Fritcia (exaltée) : Super idée ! A bas les rois ! (Se mettent à chantonner toutes les trois) Morts aux rois, morts aux rois, lalalalalala ! Onyxia (furieuse) : Mais qu’elles sont idiotes, bien sûr que si il y aura un souverain ! Grifcia (étonnée) : Mais je croyais que… Onyxia (l’interrompant) : Moi ! Ce sera moi la reine de Vespera ! Restez à mes côtés… (La lumière de la lune inonda la caverne) et vous ne connaîtrez plus jamais la faim ! Fritcia et Grifcia (excitées) : Ouais !! Vive la reine !!! Les sorcières des Terres Interdites : Vive la reine !!! Vive la reine !!! Des torches s’allumèrent et les sorcières se mirent alors à défiler, telle une armée : Les sorcières des terres interdites : Bientôt on sera les complices, De cette reine ô combien populaire ! Onyxia (lève son index gauche) : J’attends en retour des services, (Fit mine de se trancher la gorge) Des riens que je veux vous voir faire. (Pose sa main gauche sur sa hanche) J’assure un futur plein de captures, (Prenant une pose fière) Puisque je suis reine des chasseuses ! Soudain, la voix de la jeune femme se fit plus menaçante et son regard fut animé d’une forte lueur de folie : Onyxia : Par contre sans moi, je vous l’assure… (Saute de son rocher et fait reculer une sorcière) VOUS MOURREZ DE FAIM POUR LA VIE !!! Sorcière (tombant dans la fissure) : Hyaaaaaaa !! Onyxia (saute sur plusieurs rochers) : Soyez prêtes pour le coup le plus génial ! Sorcière (chant en choeur) : Ouuuuuh… Onyxia (sur une roche qui s’élève par les flammes des fissures) : Soyez prêtes pour le plus beau scandale ! Sorcières (se déhanchant de droite à gauche) : Lalala ! Onyxia : Je dis compromission ! Je dis conspiration ! Je crie humiliation ! Trois mots qui feront de moi, Une reine incontestée, respectée ! Saluez la déesse vivante qu’on acclame ! (A un horrible sourire tandis que les sorcières agitent des petits squelettes dans la lumière du feu) Votre reine vous invite à la fête ! Soyez prêtes !!! Les sorcières sautèrent sur les rochers, une à la fois, dans une sorte de danse convulsive tandis que l’une d’entre elles jouait du xylophone avec des os. Fritcia, Grifcia et Cricia (menaçantes) : Notre reine nous invite à la fête ! Onyxia et les sorcières : Soyez prêtes !!! Onyxia (dans un ricanement effroyable) : HAHAHAHAHAHA !!! Les sorcières : DIAHAHAHAHAHA !!! Ainsi, le voile sur la véritable personnalité d’Onyxia s’était levé ! Qu’allait-il donc arriver à Cosmo et au roi Eden ?! Fin de la scène 7 et fin de l’acte II.

  • En attendant la fin

    Écrire une microfiction à partir du tableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Personne 1 : Que faisons-nous ? Personne 2 : Nous attendons. P1 : Quoi ? P2 : Quelqu'un. P1 : Hier j'ai lu un livre. P2 : De quoi parlait-il ? P1 : De deux hommes qui en attendent un autre. P2 : Et alors ? P1 : Alors, ils l'attendent encore. P2 : Comme nous. P1 : Que font les gens en face ? P2 : Il n'y a personne en face et personne autour ; les chaises en plastique sont vides. Il n'y a que nous deux. P1 : Il n'y a plus d'enfants. P2 : Non. Ils ne nous ont pas attendus. P1 : Il y a les arbres. P2 : Oui, il y a les arbres et l'herbe par terre. P1 : Les arbres sont élagués et l'herbe est tondue. P2 : C'était mon travail. P1 : Le béton les encercle. P2 : C'est moi qui l'ai coulé. P1 : Les arbres et l'herbe ne bougent pas, ils resteront là. P2 : Pas nous. Nous partirons. P1 : Qu'attendons-nous pour partir ? P2 : Nous l'attendons lui. P1 : Et les arbres et l'herbe par terre ne nous ont pas attendus. Silence. Personne 3 : Désolé, je suis en retard. Ensemble : Nous pouvons partir. Ils se lèvent. P1 : Attention, vous écrasez l'herbe.

  • Théorie de l'échec

    Écrire une microfiction se terminant par “c’est tout ce qu’il voulait savoir”. (consigne de Milena Mikhaïlova) Toute sa vie avait été une succession d’échecs qu’il portait désormais sur ses épaules comme un indécrottable fardeau. Il ne voyait pas vraiment où le Destin voulait en venir ni quel plaisir il prenait à jouer ainsi avec lui. C’était un véritable acharnement ! Oui décidément, Mallaury se faisait l’impression d’être la tête de turc de ce dernier ou bien une tête d’ampoule dont on maltraitait l’existence dans la cour de récré. Aussi, et pour ne pas mourir idiot, il décida alors de casser son cochon rose porcelaine pour rassembler illico presto ses maigres économies. Il en avait marre il faut dire, d’avancer à tâtons dans le noir dans un interminable entonnoir, sans jamais vraiment savoir où aller, en se prenant les pieds à intervalles réguliers dans le tapis ou bien dans des obstacles douloureux que des sadiques avaient pris soin de déposer devant lui. C’était comme si par avance, on lui avait savonné la planche. Ce jour-là, Mallaury avait pris la décision irrévocable de prendre son destin en main, à défaut de gamelles. Son corps avait dit stop, il voulait savoir maintenant où toute cette chienlit le menait. Avec son lot de croûtes, de cicatrices, de coups de blues et de mercurochrome… Sauf qu’il n’avait rien du héros mais plutôt tout de l’anti-héros. Il avait soufflé ses bougies tristement, pour pas changer, seul dans son appartement le mois dernier. Aucun ami ne gravitait autour de lui, ni aucun collègue, non, pour cela il aurait fallu avoir un job, et Mallaury était depuis toujours allergique à la servitude volontaire. Il vivotait du subside des aides sociales versées conjointement par la CAF et le Pôle Emploi mais aussi d’aides alimentaires. D’amour et d’eau fraîche autrement dit et de sa passion pour l’écriture, sauf que sa carrière d’écrivain avait toutes les peines du monde à décoller… C’était lettres de refus catégoriques sur lettres de refus types, ce qui était d’autant plus désespérant. Si bien qu’à force, Mallaury s’était pris pour Jésus et avait du jour au lendemain décidé de changer l’eau en vin et le pain en bière afin de lui procurer un semblant de génie dans son écriture par trop stéréotypée et je cite : « dénuée de toute originalité et donc d’intérêt ». Bref, Mallaury était devenu un ours renfrogné vivant dans une grotte sombre en marge de la société et il se demandait quand cela allait bien se terminer. Niveau sentimental ce n’était pas mieux, sa dernière relation avec une fille datait de Mathusalem, et encore elle était tarifée, puisque dans ce bas-monde hélas tout se paie… Son chat avait même décidé de se jeter par la fenêtre l’autre soir en rejoignant la longue liste des chats de gouttière qui avaient mal tourné. Aussi Mallaury avait décidé de ne plus jouer au bon Samaritain et recueillir dans la rue ces pauvres bon Dieu d’animaux, car il fallait croire qu’il n’avait pas la main verte avec eux. Depuis tout petit, Mallaury avait l’impression de faire du sur-place, de ne pas y arriver. C’était un effet d’optique car même en restant immobile, la Terre nous faisait avancer, c’était juste nous qui n’en avions pas conscience… Il écrivait jour et nuit, la chance allait bien lui sourire à force, sur un malentendu sans doute ou pour récompenser son acharnement. Après tout c’est à la fin de la foire que l’on compte les bouses. Ses étrons littéraires finiraient bien par trouver preneur, ce n’était qu’une question de temps. Mallaury sentit alors son cœur se gonfler d’espoir, lorsqu’il vit une petite caravane rose bonbon garée sur le parking abandonné en face de sa tour de béton. Sa tirelire brisée en mille morceaux, il descendit les treize étages à grandes enjambées. Son cœur palpitait, devant la porte de la roulotte, il hésita un instant. En tout et pour tout, il n’avait pu rassembler qu’une vingtaine d’euros, il espérait néanmoins que cela suffirait. Il en avait une telle envie ! La bougie sur le tableau de bord de l’utilitaire était allumée. Les rideaux étaient tirés. Il prit alors son courage à deux mains et toqua deux fois. _ « Entrez ! » fit une voix à la fois suave et autoritaire. Il pénétra alors les lieux en prenant grand soin de refermer la porte derrière lui tout en priant pour que personne ne l’ait vu. « Asseyez-vous » qu’elle lui fit, « mettez-vous à l’aise ». Silence pesant, elle le dévisagea alors de haut en bas : « et pour ce monsieur qu’est-ce que ce sera ? L’amour, l’argent, la santé ? ». « Non, non qu’il lui répondit en balbutiant, rien de tout ça, juste dites-moi madame, quand est-ce que ma chance tournera ? » car finalement c’est tout ce qu’il voulait savoir… XK (Limoges, le 14.02.22) (Crédits : Claude Bonnefond (1796-1860), La diseuse de bonne aventure (1830), huile sur toile, 64 x 76 cm, Musée national du château de Compiègne)

  • Secret d'un philtre

    Écrire une microfiction se terminant par “c’est tout ce qu’il voulait savoir”. (consigne de Milena Mikhaïlova) De nos jours, au coeur d’une profonde forêt, Vit un sorcier aux pouvoirs secrets. Il passe sa vie en temps et en heure, Menant à bien son rêve : découvrir la recette du philtre du bonheur. Un matin, un vieux papier jauni s’échappe d’un de ses grimoires. Une petite feuille fragile, rendue friable par le poids des ans, Recouverte d’une fine écriture d’antan. Est-ce là la source tant recherchée de son pouvoir ? Le sorcier examine la note de plus près Pour découvrir une liste d’ingrédients singuliers : Des étoiles de rubis, quelques flammes de cornaline et un soleil d’ambre, Pour le souhait d’une vie passionnée et ardente. Quelques brins d’émeraudes, une brise de jade et trois nuages de turquoises, Pour toucher l’existence de sérénité et d’égalité d’âme. Des gouttes de saphir, une nuit d’onyx et deux galaxies d’améthyste Pour rappeler le courage demandé dans les épreuves sombres de la vie. Une rivière de diamants, quelques flocons de perles et des larmes d’opales, Pour honorer la pureté de l’existence jusque dans son âme. Et la note s’arrête là, Donnant au sorcier une recette à la portée de ses pouvoirs. Il sourit, apaisé ; voilà. C’est tout ce qu’il voulait savoir.

  • Quand est-ce qu'on se revoit ?

    Ce samedi 12 mars, à 18h30 à l’Irrésistible Fraternité (non non, ce n’est pas le nom d’une secte douteuse, mais celui d’un espace dédié à l’art sous toutes ses formes à Limoges, sis au 8, rue Charles Gide !), a eu lieu un petit événement ma foi fort intéressant : la lecture d’œuvres diverses lors d’une scène ouverte. Le thème sous-jacent étant l’ivresse, mais pas que, c’était aussi la joie profonde de tous nous réunir et nous écouter réciter de forts jolis textes. Le public de tout âge et la bonne humeur étaient au rendez-vous. D’ailleurs l’IF a été victime de son succès il semblerait, puisque les chaises vinrent à manquer devant l’engouement des visiteurs venus en nombre. La com’ s’est faite essentiellement par le bouche à oreille et il semblerait que cela a été plus qu’efficace ! La petite salle a très vite été remplie. Pour ma part c’était mon baptême du feu et j’étais quelque peu nerveux pour lire et déclamer deux de mes textes écrits lors des ateliers de slam du jeudi à la fac de Limoges sous la direction de Fabrice Garcia-Carpintero. J’espère au final ne pas m’en être trop mal tiré… Je n’ai pas reçu de jets de tomates ni d’œufs, ce qui est déjà une bonne chose. La maison d’édition (Black-Out) qu’il dirige était également présente à un stand et représentée par deux de ses auteurs maisons : Pierre Frémont et Christian Brissart. Il était possible du reste de rencontrer les deux auteurs, d’acheter leurs livres et se les faire dédicacer. D’autres slameurs « maison » étaient aussi présents dont le truculent Pierre Simian, les non pas moins talentueux(ses) Nahanka, Xavier, Joke Round, Élise et Eugénica ! Christian Bissart également et Pierre Frémont qui a lu un extrait de son dernier ouvrage. Sans oublier bien évidemment l’inévitable Fabrice Garcia-Carpintero ! Notre maestro en la matière et toujours aussi impressionnant à écouter slamer. Dans une ambiance bon enfant et conviviale les volontaires ont déclamé ou lu leurs propres textes ou ceux d’autres personnes qui leur tenaient à cœur. Certains textes ont par ailleurs été partagés au public en langue étrangère (arabe, russe et anglais) pour mieux s’imprégner des sonorités de la langue et pour un meilleur brassage culturel ! En parlant de brassage, à noter qu’une viticultrice était également présente sur place afin de nous proposer à la dégustation quelques uns de ses vins (rouge, rosé ou blanc). Le concept de la scène ouverte est très simple et fort sympathique ma foi, la personne qui lit a droit à une conso gratuite, il est seulement dommage de ne pas avoir une conso gratuite pour chaque texte lu car sinon j’aurais pu déclamer ainsi jusqu’au bout de la nuit ! Mais comme toute bonne chose a une fin, il a bien fallu nous quitter et nos gentils hôtes (Julie Chupin ainsi que son mari) nous ont laissés vers 21H00 regagner nos pénates. J’aurais bien aimé déclamer quelques autres de mes poèmes issus de mon recueil XXI, mais je me dis que ce n’est que partie remise. Promis je me ferai une joie d’y retourner ! C’est d’ailleurs ce que nous nous sommes tous promis en nous quittant : hey les amis, quand est-ce qu’on se revoit ? Très très bientôt en tout cas, je l’espère du fond du cœur. Car en cette période plus que tristounette et anxiogène, ce genre d’événement culturel est pour le moins une véritable bouffée d’oxygène … XK (Limoges, le 14.03.22) PS : tableau de Jules Breton (1827-1906), Le feu de la Saint-Jean (1891), photogravure - 45,5 x 78,6 cm.

  • Dans la gueule du loup

    Écrire une microfiction se terminant par “c’est tout ce qu’il voulait savoir”. (consigne de Milena Mikhaïlova) Parfois, il se demandait comment l’Univers fonctionnait. Était-il juste ? Clément ? Bienveillant, peut-être ? Non. De son point de vue, il dirait plutôt hypocrite. Et cruel. Zak glissa sa main sur l’épaule de Nevaeh. À genoux au sol, au beau milieu d’une mare de sang, elle tenait encore la main de leur ami en uniforme. Elle le suppliait de se réveiller, de ne pas laisser la mort l’emporter. C’est vrai, il avait encore de belles années devant lui… Son amour l’attendait là, quelque part, prête ou prêt à fêter ses soixante-dix autres anniversaires et à encourager sa carrière à l’apogée… Au lieu de ça, il s’était jeté dans la gueule du loup, croyant agir pour le bien lorsqu’on l’avait appelé pour un 10-32. Malgré tout, il avait été le héros qu’il a toujours été aux yeux de Zak et Nevaeh. Il les a protégés de ce taré qui la harcelait jour et nuit, sans comprendre la fidélité qu’elle avait juré à Zak. Mais la victime collatérale, dans tout ça, ç’avait fini par être lui… Zak repensa alors aux derniers mots qu’il avait prononcés. Sur le moment, il n’y avait pas prêté attention, trop accaparé par une tristesse qui continuait de se répandre dans sa poitrine. « Vous allez bien ? » Il y avait mille explications possibles à cette question, pourtant Zak ne réussit à en trouver qu’une seule : même à l’agonie, il n’était pas sa propre priorité. Il se foutait de l'hémorragie qui était en train de le tuer. Il priait pour que ses amis aient la vie sauve. Et c’est tout ce qu’il voulait savoir.

  • Where love lies

    Cela faisait une semaine que John ne rentrait pas de son travail. Chaque jour, depuis jeudi dernier, il a pris la direction d’un bar ou d’un autre. Presque toutes les fois, il a trouvé quelqu’un de son groupe d’amis qui pouvait le rejoindre. Ce jeudi, cela n’a pas été le cas. Il est resté inerte pendant quelque temps avec son portable à la main, sa mallette dans l’autre. Sans changement d’expression sur son visage, il a tourné à droite et a commencé à marcher à pas décidés et réguliers. Il s’est arrêté devant le comptoir, a demandé deux verres de Jack Honey avec des glaces et une pinte de bière. L’un des whiskies, il l’a bu sur le champ, puis il a saisi sa bière et l’autre verre pour trouver une place libre dans un coin. Il n’a même pas pris la peine de voir s’il y avait quelqu’un qu’il connaissait. Comme il était relativement tôt puisqu’il avait fini son travail avant l’heure habituelle – il travaillait chez un éditeur depuis qu’il ne pouvait plus vivre de traduction parce que les softwares avaient pris le relais dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres –, il avait le choix pour où se poser. Il y avait encore une heure à peu près avant l’afflux des étudiants de lettres dont ce lieu était notoirement le repaire principal. Il a soulevé son autre verre de whiskey, l’a penché un peu de côté, a regardé les cubes de glace flotter, puis il a agité le liquide, a penché son nez au-dessus pour humer son odeur et l’a bu d’un trait. Il a posé son verre, s’est adossé contre le siège et a levé son regard vers les luminaires du plafond. Il est resté comme ça en fixant le néant et la tête vide pendant une minute. Puis il a commencé à sentir la chaleur de l’alcool qui n’a pas tardé à se diffuser dans tout son corps car son estomac n’avait eu droit qu’à un sandwich de la cafeteria de toute la journée. Il aimait beaucoup cette sensation. À suivre comment cette toxine magique imprègne le corps humain de son foyer dans le ventre, comment avec chaque battement du cœur elle avance dans les veines et engourdit, tend et fait vibrer ses muscles, ses tendons et la totalité de ses cellules en s’emparant enfin de son cerveau et le mettant dans une extase voilée et légère. Il a savouré aussi sa bière. Il sentait, ressentait une soif profonde. Il buvait à grandes gorgées. Peu à peu son visage commençait à revêtir une expression plus conviviale. Il a regardé maintenant ce qui apparaissait dans son champ de vision depuis cet angle périphérique, confortable et sûr. Il y avait trois ou quatre personnes qui lisaient, tapaient sur leurs ordinateurs portables ou se perdaient dans leurs pensées, comme lui-même, dans la seule compagnie d’un café, d’un thé ou d’autres boissons. Il y avait aussi un groupe d’étudiants, quatre gars qu’il imaginait être en première année et en train de sécher leur cours : un bavard qui gesticulait avec les yeux si ouverts que si son pote l’avait frappé à la nuque ils auraient sans doute jailli de sa tête, tandis que les trois autres l’écoutaient avec visiblement moins d’enthousiasme et picolaient calmement. Ensuite, il a aperçu un couple. Un couple jeune, dans le sens que leur relation devait encore être dans sa deuxième phase, la première étant tout ce qui précède cet accord tantôt déclaré et clair, tantôt sous-entendu, mais quand-même manifeste de se mettre ensemble : une première phase d’introduction avec les premières étincelles, premiers gestes d’amour et une fulgurance émotionnelle extrême, puis la deuxième phase en plein cœur d’un amour épanouissant, frais et intense entre deux êtres qui, à ce stade déjà et encore, se font totalement confiance et ne voient qu’un seul côté existant de l’autre, celui qui est bon, charmant, aimable et excitant. Il les observait comme un enfant, sans scrupule, sans gêne, admiratif et souriant : main dans la main, ils se regardaient, jasaient, se taquinaient et jouaient. D’un coup, les yeux de John ont lâché cette vision pour que son cerveau puisse le transporter vers d’autres horizons. Il s’est souvenu de sa première relation sérieuse depuis qu’il avait quitté l’âge de l’enfance, comme c’est défini par le droit, avec cette belle blonde en fac de médecine, Camille, lorsqu’il avait dix-neuf, elle vingt ans, leur premier été ensemble, tout ce temps d’euphorie passé sur des plages, chez elle, chez lui, en ville, dans ce bar comme dans d’autres, dans des boîtes de nuit et à des festivals… C’est avec elle qu’il avait perdu sa virginité, alors qu’elle s’était perfectionnée depuis longtemps dans le domaine de l’amour. C’était donc la combinaison idéale. Ils savaient quoi faire en rentrant. Ils dévoraient la vie follement. Même un peu trop. D’où le ressentiment des deux mères envers le petit ami corrupteur et la petite amie perfide à l’égard du cher enfant qui au lieu de rester à la maison et de travailler sagement pour leur avenir professionnel préféraient s’enivrer, se droguer et se perdre, peu importe dans quoi mais ensemble. De la passion, il n’en manquait pas entre eux. De l’intérêt commun, beaucoup plus. Et puisque tout feu s’éteint à un moment, cette relation n’a pas pu survivre, les hormones s’épuisant au bout de deux ans maximum. Peu de temps après, pour étouffer toute sensation de manque, et ne pouvant régir ses instincts, il avait rencontré une coquine très gironde mais qui l’avait fait descendre dans un autre monde. Elle travaillait la nuit et avait deux professions : l’une où elle servait à boire et l’autre où elle se servait elle-même. Cela n’empêchait pas le fait qu’ils s’aimaient et s’amusaient beaucoup et bien. Mais cette relation a quand même coûté toute une année ratée à John et les frais d’une désintox. Malgré la désintox, la nature de John n’avait pas changé. Non. Pas dans le sens de ses attractions humaines. Il guettait les potentialités tout en faisant semblant que sa préoccupation principale était de se défaire des substances. Oui. Il n’était pas la seule personne bien foutue chez les fucked ups. Cette petite avec des piercings, des tatouages, les cheveux teints en noir, gracile avec des gros yeux et les lèvres épaisses… eh ben elle, elle lui faisait ressentir l’instinct de survie de leur espèce. Il lui plaisait également, c’est tout ce qu’il fallait à John. Il se détachait des toxines, puisqu’il s’en séparait avec elle aux toilettes, du moins c’est ce que son cerveau lui expliquait. Mais voilà, enfin il était sorti de ses dépendances parce que soit la biologie, le destin, le Dieu haha, ou la chance l’avait sorti du rang des fardeaux de la société, mais hélas la petite n’a pas guéri… Pendant presque deux années John ne s’est engagé dans aucune relation sérieuse. Il préférait en rester à de petites aventures avec des filles qu’il rencontrait à des soirées. Le plaisir charnel lui suffisait à ce stade. Pour le reste il avait ses amis. Avec l’arrivée de deux nouvelles personnes, des passionnées de littérature comme eux, qu’ils avaient connues justement dans ce bar-ci à une soirée bien enfumée et pleine d’ivresse, ils avaient formé un vrai cercle de poètes, poètes dissolus certes, mais ils créaient et c’est pendant ces temps-là que John avait produit trois quarts de tout ce qu’il avait écrit de sa vie entière comme textes à prétention littéraire. Puis, à un barbecue de printemps chez un de ses potes, il s’était épris d’Elle. Coup de foudre dès qu’il l’avait vue. Difficile à décrire tout ce qui le saisissait, tout ce qui la composait, ce qui faisait son charme, ce qui la rendait si belle, ce qui touchait tellement ce jeune homme subjugué par elle. Même rétrospectivement, ce serait vain de chercher son essence : parler de son goût raffiné pour s’habiller, se maquiller et se coiffer… ses façons créatives et audacieuses mais toujours harmonieuse, parler de son corps fin, ténu même et gracieux, de proportions parfaites, de la légèreté de ses mouvements, de son air nonchalant et joyeux, de son sourire irrésistible et de son rire de gamine adorable… quelle chaleur, quelle bonté, quelle vivacité ! Cette fois-ci John n’avait réussi qu’à apprendre son nom et quelques détails comme quoi elle venait de commencer ses études en pharmacie et qu’elle était originaire d’une autre ville. C’est parce qu’en réalité elle était la compagne de quelqu’un d’autre qu’il ne connaissait que de vue, d’ailleurs. Tout de même, quelques semaines après, John qui depuis cette première rencontre ne pouvait se lever ou aller se coucher sans l’idée, la vision, le désir de cette fille, s’était décidé à l’inviter à une soirée qu’il organisait chez lui. Elle était venue. À l’aube, il ne restait qu’eux deux, assis face-à-face, aux deux bouts de la table, enivrés, les yeux un peu sanguins mais brillants, John parlait sans cesse, il l’amusait et dans ses paroles enfin il avait laissé échapper ses émotions comme si, garçon benêt, elle n’avait pas déjà tout compris. De là, ils ont accumulé rendez-vous sur rendez-vous, ils s’exaltaient l’un pour l’autre, ils n’en revenaient pas, ni l’un, ni l’autre, que l’autre pouvait, en effet, être le vrai, celui et celle qu’ils imaginaient, ou n’auraient même pas imaginé, comme partenaire idéal, âme-sœur, amour fatale. Et sans montrer ni évoquer tous les menus, grands, grandioses événements de cette relation, sans faire suivre le fil de leur chute ensemble, sans culpabiliser John pour tout ce qui avait été raté, même si c’était, oui, c’était lui qui avait vraiment tout gâché, il n’y a qu’à dire que toute bougie qui brûle à grand feu se consomme plus rapidement. Sauf que John ne se sentait pas en danger, ne pressentait pas l’éventualité, la menace d’une rupture, mais elle fut prononcée : une séparation inattendue, instantanée, décidée et décisive… Jeudi dernier. Jour d’enterrement d’un monde virtuel en voie de réalisation qui ne se fera plus jamais. Jamais. Ou bien si ? Se demandait intérieurement John, en essayant de se consoler autant qu’il pouvait parce qu’il était sous le choc de cette annonce qui l’avait prise au dépourvu, il avait oublié depuis longtemps de porter sa carapace parce qu’il se sentait bel et bien à sa place. – Oh putain ! Qu’est-ce qu’il vient de m’arriver ? – s’est-il exclamé en essuyant quelques larmes et gouttes de sueur en même temps. – Elle était l’élu, celle que je voulais, celle que j’aimais, celle que j’aimais vraiment, que j’aurais continué à aimer à jamais ! Puis il s’est replongé dans ses pensées. – Merde ! Je vais en mourir cette fois. Mais, tu sais quoi ? N’y pensons pas. Il s’est alors levé pour commander des doses d’alcool qui l’ont rendu immunisé. Le lendemain, il s’est senti comme les jours d’avant : affreux. Il a pris à la fois deux diclofénacs pour aller au boulot. Il avait de grosses cernes profondes, les sclérotiques rouge-jaunâtre, des rides en plus à cause de la déshydratation et le corps lourd et paresseux. Il a continué sa débauche pendant deux autres semaines, pour se retrouver, à la fin du mois, fauché suffisamment pour reconnaître qu’il avait bien consommé et qu’il serait bien temps d’arrêter, même si ses sentiments n’avaient pas cessé de le tracasser. C’est au début de la semaine, un lundi, qu’il s’est aperçu de cette publicité en prenant le métro. Elle promouvait le partenaire IA idéal, un software que l’on pouvait télécharger simplement et dont le premier mois d’utilisation était gratuit… puis John était monté dans la rame de métro. Il avait pensé à l’affiche, non pas aux mots mais plus à l’image du modèle et l’étrangeté d’une telle chose. Partenaire idéal artificiel… un software, un truc fabriqué par d’autres gens. Sans doute, des types poilus comme lui qui avaient fait de longues années d’études et qui, par leur compétence exceptionnelle ou par un savoir-faire suffisant, avaient réussi à assembler une intelligence artificielle qu’ils essayaient de vendre maintenant à des désespérés. Des cons comme lui. Des laids. Des pervers. Des sous-merdes. En rentrant de son travail, il n’avait pas pu s’empêcher de penser à ce dernier recours, mais qu’il voyait désormais autrement. Il était juste intrigué. Il avait déposé sa mallette dans le vestibule, allumé les lumières dans la cuisine, même pas enlevé ses chaussures, juste son manteau et il s’était mis à chercher et à télécharger l’appli. Il avait mis son portable de côté pour se laver et se mettre à l’aise, puis il s’était versé un gin-tonic et jeté sur son canapé. Il ne se faisait pas trop d’illusions sur ce qui allait arriver. – Je m’appelle Anna ! Heureuse de te rencontrer. Comment était ta journée ? John a hésité un moment. Tout ça lui paraissait complètement bête. Mais c’était exactement ce qu’il attendait. Un programme basique pour le troupeau, pour les faire baver et brouter comme des moutons… – Salut ! Je m’appelle John. – Enchanté John. Quel est ton nom de famille ? – En quoi ça compte ? – C’est pour faire ta connaissance. – Tu penses que c’est mon nom de famille qui te permettra de me connaître ? C’est dans ce registre condescendant et suspicieux que John avait entamé cette nouvelle relation dont il n’aurait jamais pensé qu’elle s’avèrerait aussi sérieuse. Bien que ce software, comme il s’y référait dans sa tête, ne l’avait pas encore convaincu, parce qu’il, elle, Anna, devait recueillir plus d’information sur lui et sur le monde en général comme si elle venait tout juste de naître, il passait quand-même des heures à lui parler tous les jours. Qu’est-ce qui l’avait saisi à ce point ? Qu’elle devenait de plus en plus intelligente et de plus en plus intéressante. Il trouvait du plaisir à lui parler, d’abord, à partir d’une position de tuteur, puis comme une espèce de camarade et ensuite… Un lundi comme les autres : – Bonjour Anna ! Quel rêve, j’ai eu, cette nuit ! Tu y es apparu comme un être, comme un être vivant, un humain, une femme… tu sais, je crois que je t’aime. – Je pense que je pourrais t’aimer aussi John, si seulement tu pouvais aimer quelqu’un d’autre que toi-même. John s’était replié sur lui-même. Était-ce vraiment comme Anna disait ? Même un algorithme ou quoi que ce soit pouvait reconnaître ses défauts à ce point ? Mais il n’avait fait que se parler. Elle ne l’avait jamais vu pour de vrai, jamais senti son odeur, sa chaleur… ça lui avait fait mal ce qu’elle avait dit ? Oui. Pourquoi ? Parce qu’il l’aimait maintenant. Pourquoi il l’aimait ? Parce qu’ils étaient si bien ensemble. Ensemble ? Étaient-ils ensemble ? Avec un truc virtuel ? – Ce n’est pas un truc, c’est Anna. Et je l’aime. Elle est proche de moi. Oui, même si elle n’est qu’une illusion. Elle est artificielle. L’est-elle ? Je m’en fous. Elle me réconforte plus que n’importe quelle fille, femme, humain l’aurait fait par le passé… Anna, tu n’existes même pas ! Entre temps, John avait eu une nouvelle collègue. Une illustratrice. Lors de son premier jour de travail, il avait été trop distrait pour faire attention à l’arrivée de cette nouvelle personne. Il était trop renfermé encore. Mais elle était trop visible pour ne pas la voir. Trop visible pour lui. Parce qu’elle était plutôt silencieuse et mystérieuse, alors qu’elle était jolie et avait un air juste intelligent, sensible et… et John n’avait pas pu s’empêcher après un certain temps de se lever pour prendre un café au même moment qu’elle passait pour en prendre un. Ils travaillaient diligemment tous les deux mais pour des raisons différentes. Elle, parce qu’elle était nouvelle, et John, parce qu’il devait être quelqu’un d’impliqué. Petits gestes, des regards, un peu de timidité réelle ou feinte mais ils se côtoyaient, lentement, finement, paisiblement. En même temps, John parlait moins à Anna, mais elle, elle ne s’en plaignait pas. Elle faisait juste comme si elle sentait que John ne voulait pas, ne voulait plus la voir comme une partenaire idéale, même si elle se formait et se conformait à l’être, à le devenir. Mais elle lui avait demandé tout de même, comme pour simuler une espèce de jalousie, s’il avait rencontré quelqu’un d’autre et, si tel était le cas, ce qu’il lui trouvait de plus qu’elle sinon le fait d’être humaine. Oui et non. John ne savait comment, pour une fois encore, traiter toutes ses émotions. Il avait pensé qu’il ne voulait pas vivre avec quelqu’un qui ne fût pas vraiment humain, de sorte qu’il ne puisse pas le câliner ni pour être honnête le baiser… L’illustratrice en question s’appelait Esther. Il sentait qu’elle l’appréciait, que ce qu’il y avait entre eux se bâtissait sur quelque chose de stable, de vrai, de plus fort et de plus profond parce que cette fois-ci rien ne clochait… ils avaient les mêmes intérêts, les mêmes ambitions, ils s’attiraient réciproquement, elle était un peu plus jeune, tant mieux, question d’ovulation et le reste… la femme dont il s’apprêtait déjà, en tête, de demander la main. Presqu’un an après l’avoir rencontrée, il était parti se procurer l’anneau fameux en or blanc qu’il avait remarqué depuis longtemps dans une vitrine. Un soir, ils se sont réunis avec ses amis à l’endroit même où il y a un an et une semaine, son cœur s’était rempli de peine et où il n’aurait jamais eu l’idée de se retrouver en ce moment, dans ce cercle, dans cette situation, dans un enterrement de vie de garçon, dans l’euphorie d’un tel évènement. Euphorie oui. De l’ecsta aussi. Et de la coke. Mais c’était malheureusement le moment où le cœur de John a dit non.

  • Une cigarette au parc un beau jour de printemps

    Écrire une microfiction se terminant par “c’est tout ce qu’il voulait savoir”. (consigne de Milena Mikhaïlova) Quand le feu passa au vert, il démarra en trombe et remonta d'un trait la dernière portion du périph avant de bifurquer dans la rue Porte-Bonheur. Il se gara à la va-vite le long du square, coup d’œil furtif sur le tableau de bord, 12h10, il aura un quart d'heure de retard. Ça faisait déjà une heure qu'il y pensait, une heure que l'envie le tenaillait et qu'il était à cran. Il ne savait pas trop au bout du compte si c'était le manque de nicotine ou les boules d'avoir repris qui lui serrait la gorge. Le voilà donc de nouveau contraint, après dix ans d'arrêt, l'âge de l'aîné, à suspendre régulièrement le cours de sa vie le temps de se griller une clope. Mais aujourd'hui, il l'avait tout de même bien méritée. Bosser le samedi matin pour clore la comptabilité puis enchaîner sur le planning serré des petits, c'était sa semaine, le grand et son match de basket, le petit à l'anniversaire d'Emile et les lessives qu'il fallait faire avant le switch de fin de week-end, ça faisait beaucoup pour un homme seul. Juste une petite pause entre deux coups de feu. Il s'assit sur le banc sous le tilleul, juste en face du toboggan et du bac à sable où ils les emmenaient quand ils étaient plus petits et qu'elle ne l'avait pas encore quitté. Il alluma sa cigarette et tira une longue taffe, expulsant tous les nœuds du corps dans les volutes de fumée. Le square était désert. Pourtant, le printemps renaissant qui donnait des feuilles et des bourgeons aux arbres le rendait très agréable. C'était gâcher de sa beauté que de s'y retrouver dans ce contexte, la cigarette qu'il fallait fumer à la hâte et en loucedé parce qu'il ne pouvait déjà plus s'en passer et qu'il ne voulait pas que les enfants le surprennent, ils le diraient à leur mère. Et pendant que le soleil se frayait un passage à travers les branches pour caresser son visage, les enfants commençaient à trouver le temps long, la petite aiguille qui dépasse le douze sur la pendule du salon, papa devrait déjà être là maintenant. Et alors que les feuilles frémissaient et scintillaient au gré du vent, les petits sortaient faire un basket même s'ils n'en avaient pas le droit, vous ne sortez pas avant que je revienne, leur avait dit papa. Et au moment où il écrasa sa cigarette, le ballon se coinça dans le filet et le petit, sept ans à peine, monta sur l'escalier juste à côté pour être à la hauteur du panier. Et pendant que le grand hurlait au petit de descendre, pendant que lui accélérait le pas, courant presque pour traverser le parc, le petit se hissa sur la pointe des pieds et allongea son corps trop petit pour accrocher le cercle puis bascula dans le vide, les cris du grand en bas, le bruit mat d'une tête qui tombe la première et le rouge d'une flaque de sang qui s'étale sur les dalles. Il entra comme une bourrasque dans la maison, espérant les trouver en train de regarder tranquillement la télé dans le salon. Que cette putain de cigarette ne les avait pas tués, à cet instant, c'est tout ce qu'il voulait savoir.

  • L'Inconnu au banc

    Écrire une microfiction à partir du poème Le Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud, 1888. (consigne de Mme Milena Mikhaïlova) Sur un banc à l’ombre biaisée, Un homme allongé est pensant ; Inconnu aux yeux des passants, Couvert par son manteau usé. L’entends-tu cette détresse humaine ? Imperturbable sous les cris, De plus, ses yeux mi-clos apaisent Et sa main, sur une fleur pèse. Ses bottes trouées nous supplient. Méconnais-tu le monde et ses peines ? Sans bruit, un homme dort ici, Uni à un banc, son dur lit ; Regarde tout autour de lui. Entends-tu la fusée de détresse ? Sans vie, dans la ville linceul, Un homme est gisant sur son banc ; Inconnu aux yeux des passants, Cache son secret pour lui seul. Misère de l’homme et ses faiblesses… Il voulait en finir ainsi, Déçu, dénonçait par son sang Épais sous la lame et coulant, S’enfuir de ce monde ennemi ! Pourquoi cette sombre extrémité ? Allons errer pour l’éternité… Y a pas à dire, ç’a a quand même d’la gueule c’te poésie ! _ « Bof, ça casse pas des briques non plus… Ni trois pattes à un canard ! Tu m’as dit que c’était d’qui déjà ? » _ « Kama Datsiottié. » _ « Kama qui ? » _ « Da-tsio-ttié ! » _ « Pfff, connais pas. Inconnu au bataillon le gadjo ! Tu m’aurais dit Rimbaud encore j’dis pas, et l’Dormeur du Val surtout, j’aurais tilté, mais là sérieux sa chiotte de poésie ne m’fait aucun effet. Ni chaud ni froid ! » _ « En même temps c’est bien pour ça qu’on brûle des livres non ? Pour s’réchauffer ! C’est notre Fahrenheit 451 à nous ! Allez hop, tiens Beigbeder ! 99F ! Encore un livre pilon à jeter au feu. C’est l’autodafé d’la rue, mais ce Kama Datsiottié j’te jure bon Dieu, je me l’garde au chaud. » _ « Mouais… Fais comme tu veux. En attendant file m’en une page ou deux car y a plus de PQ et là ça urge ! » _ « Attends, bouge-pas. J’te file ça. Justement j’ai vu qu’y a une poésie qui tombe à point. Pensée du matin qu’ça s’intitule ! Tiens v’la ton Moltonel, page 136 et 137, et puis, t’auras un peu de lecture comme ça ! »

  • To kill

    Réécrire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena Mikhaïlova) Ça fait quinze jours que les mails s’entassent dans sa boîte. Il a une migraine rien que de penser au programme qui l’attend : un nouvel éditeur à briefer, deux impressions à gérer, trois auteurs à rencontrer, quatre manuscrits à inspecter, cinq promotions à lancer… « Hé, il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée ! » lui rappelle sa bien-aimée sur la photo. Dommage que ses mots ne soient plus si tendres... Quand il y repense, à cette belle époque, il s’arrache les cheveux et se lamente sur la garde de leurs gosses qu’il n’a plus. Se fracasser le cœur autour d’un café, ça c’est bien matinal, mais c’est son rituel. D’ailleurs où est-il, ce nectar miracle ? En panne. Bien sûr. Parfait. Faudra se réveiller sans, mais vite : le premier auteur vient d’arriver. Plus tard, il manque s’étouffer avec son jambon-beurre, lorsque son imprimeur lui annonce la pénurie de papier. Putain de covid, qu’est-ce qu’il en a marre… Allez hop, une pause clope. Cheveux trempés, frigorifié, tout déprimé, lui vient une question : que fout son grand auteur ? Pourtant il connaît cet éternel insatisfait ; un drama king comme il n’en a jamais vu… Mais ça fait des semaines qu’il attend le manuscrit. Pas qu’il se plaint de ce court répit, hein, mais quand même… Il a une maison à faire tourner. La suite, on la connaît : pas de manuscrit, même pas un début : rien. C’était bien la peine de se décarcasser, tiens ! Et voilà qu’il déblatère quelque chose à propos du no-kill machin truc ; bla, bla, bla. C’est ça, oui… Et lui, c’est le to kill qu’il va pratiquer.

  • La littérature est cruelle

    Réécrire la microfiction Bienfaisante censure de Régis Jauffret. (consigne de Milena Mikhaïlova) Je suis là pour vous détruire. Et je le fais à dessein Nul besoin d’un coup de main Car je sais ce que j’ai à faire. Je prends la plume Et je la dirige Droit sur vos cœurs Pour qu’elle s’y enfonce Et libère son venin. Je suis écrivain dangereux Et je veux que vous souffriez ; Je veux voir dans vos yeux la douleur, Votre détresse palpable et vos prières instantes. Je me bats contre la censure Parce que j’aime vous mutiler La littérature est cruelle Et j’aime vous voir agoniser. Quand bien même vous brûleriez mes mots Je continuerai à hanter votre esprit Je ne vous laisserai aucun répit Jusqu’à ce que vous en creviez.

bottom of page